Faits et effets : Une bonne séquence

Enfin, est-on tenté de dire. Voilà une bonne séquence dans la vie nationale après des semaines d’incertitude et de tensions qui ont mis les nerfs de la population à rude épreuve. Après la décision du MMM et de son leader de rester au gouvernement, ce qui rejoint et conforte un vœu populaire, la visite du Président français est venue comme une bouffée d’air frais dans un climat qui était devenu bien morose.
La visite éclair d’Emmanuel Macron, très réussie sur tous les plans, a définitivement ajouté au prestige et à l’image du pays. La complicité affichée, les accolades, les franches et amicales poignées de mains avec les dirigeants ont marqué les esprits, tout comme la disponibilité du Président de l’hexagone pour des selfies avec le Mauricien lambda.
Ce n’est pas tous les jours que notre petite île a l’honneur d’accueillir un Président d’un pays avec qui nous partageons une histoire commune, fût-elle douloureuse et tourmentée. La langue française, jadis chasse gardée d’une élite financière, héritée de naissance et par descendance, s’est étendue par un phénomène d’appropriation par toutes les strates de la population. C’est ce qui explique que ceux qui nous représentent le mieux dans la littérature contemporaine en langue française, viennent d’horizons extrêmement divers.
L’île Maurice n’est pas la France. Nous n’avons pas à importer chez nous les difficultés de ce pays qui, il faut de nouveau le souligner, reste un pays ami dont les liens, avec ses hauts et ses bas, se ne se sont jamais distendus depuis la colonisation. Certains, probablement des rescapés frustrés de l’ancien monde jugnauthien, se sont cru autorisés à insulter, ici et là, notre invité en des termes qui font franchement honte au pays.
Ils disent aussi beaucoup du niveau d’éducation de quelques psychopathes narcissiques de la toile qui ne peuvent plus vivre sans se répandre en chimères et sans déverser quotidiennement leur haine de tout et de tous. Il y a visiblement des malades qui s’ignorent et qui devraient très vite consulter un psychologue ou un psychiatre.
Au-delà de l’alchimie et même d’une certaine tendresse qui ont transpiré dans les échanges d’Emmanuel Macron avec le Premier ministre, de même que la bienveillance spontanée démontrée envers ses autres interlocuteurs mauriciens, il y a aussi eu, dans le cadre de la visite du Président français, un certain nombre d’accords signés qui devraient accélérer les projets dans des secteurs en grande tension comme l’énergie et l’eau.
De vraies priorités négligées sous l’ancien gouvernement qui pouvait endetter le pays dans une extension à Rs 4,5 milliards de la ligne du tramway de Rose-Hill à Réduit, au lieu d’investir dans les secteurs essentiels. Et ceux qui ont organisé un tel désastre se permettent encore de donner des leçons aux autres.
En concomitance avec la fructueuse escale du Président français, l’accalmie sur le front gouvernemental. C’est un épisode qui a beaucoup préoccupé sinon déçu l’opinion, pas celle qui s’exprime dans les médias ou sur les réseaux sociaux, mais le simple Mauricien qui est impatient de voir que le gouvernement qu’il a choisi consacre toute son énergie à régler les problèmes du quotidien. Et ils sont nombreux.
Ce Mauricien-là espère maintenant que tous se mettent au travail, qu’ils continuent à se mobiliser sur des urgences comme la drogue et l’insécurité routière, que les nominations se fassent de manière transparente, sur la base de la compétence et du mérite, et que les grands chantiers démarrent, qu’ils soient institutionnels ou infrastructurels.
Parce qu’il y a une chose qui est sûre : hormis les nostalgiques de l’ordre ancien qui ont fini par croire que les caisses de l’État sont sans fonds et que l’on pouvait distribuer de l’argent à tour de bras, une bonne majorité de Mauriciens accorde toujours sa confiance au gouvernement qu’il a massivement porté au pouvoir.
Sa patience n’est, toutefois, pas sans limites. C’est là que les bilans d’étape, promis solennellement par le Premier ministre pour un inventaire de ce qui aura été réalisé et qui sera exécuté selon un échéancier clair et précis, sont cruciaux.
Personne ne demande la lune ou les étoiles aux dirigeants, mais une perspective claire, une justice sociale effective, une conduite irréprochable dans la manière de gouverner, la démonstration que les sacrifices demandés sont aussi partagés en haut lieu et que les « nou dimoun » d’hier ne soient pas remplacés par ceux d’aujourd’hui. Sinon, ce ne serait pas le changement promis !
Et en matière de changement, six mois après les municipales, il semble que, faute de financement, nos villes n’avancent pas. Il n’y a qu’à voir l’état de ce mythique Hôtel de ville de Curepipe, rénové à grands frais, Rs 143 millions, et inauguré par Pravind Jugnauth en avril 2023. Un désastre, faute d’un entretien adéquat de l’ouvrage qui recommence à tomber dans la décrépitude.
Les villes, jadis une référence en matière de gestion locale, se meurent. Il n’y a pas que la qualité des gestionnaires qui a régressé, mais il y a aussi cette démagogie outrancière qui a privé ces agglomérations de fonds nécessaires à l’amélioration des services urbains. La décision de supprimer la taxe immobilière en lieu et place d’une indispensable généralisation de la participation fiscale à la vie de la cité pèse lourd dans le budget des mairies.
Le ministre des Administrations Régionales planche sur un projet de réforme qui irait dans le sens d’une municipalisation généralisée de l’île. Il était plus que temps après la première mouture de 2003.
Qui n’accepterait pas de payer une somme forfaitaire en terme de contribution pour que le chemin qui se trouve devant sa porte ne soit plus une dangereuse tranchée, que les infrastructures récréatives de la ville en soient plus qu’un cimetière de tôles rouillées, que le sport ne soit plus qu’un accessoire, et la culture une anecdote ?
Si ce gouvernement veut briser les tabous, il devrait s’attaquer aussi au chantier des régions et revitaliser la vie associative. Si des partenariats public-privé sont possibles pour des projets d’envergure, pourquoi ne pas les envisager aussi au niveau local ? Ce serait un bon début de revitalisation urbaine.

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Josie Lebrasse

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