Le Mauritius Turf Club joue gros lors de sa prochaine assemblée générale spéciale qui se tiendra mercredi, 24 août. La situation financière de sa compagnie subsidiaire, la MTCSL, est telle que l’enjeu est capital pour éviter une mort certaine. Le MTC a fait sortir une lettre circulaire pour expliquer à ses membres qu’il est important de faire bloc pour ne pas contraindre le MTC à déposer les armes et de fermer boutique.
Pour nous en parler, Week-End a fait appel à Me Gavin Glover, ex-président du MTC, propriétaire de chevaux, mais aussi homme de loi de la MTCSL. Il n’est pas passé par quatre chemins non seulement pour situer l’enjeu, mais également pour dire ses quatre vérités à ceux qui ont tourné le dos au MTC, alors que pendant des années, ils ont profité de ses largesses. Il n’a pas hésité à pointer du doigt ceux qui, du jour au lendemain, ont pris des postes de responsabilité au sein de l’équipe adverse sans avoir eu la décence de démissionner du MTC.
Dans le milieu hippique, on parle beaucoup de l’assemblée générale spéciale du Mauritius Turf Club actuellement. Pourquoi cette assemblée qui se tiendra le 24 août est-elle si importante ?
— Importante n’est pas le mot, elle est primordiale pour sauver le MTC d’une mort certaine. Ceux qui pensent encore à d’autres solutions n’ont pas pris la mesure de la situation financière désastreuse qui met en péril les courses hippiques organisées par le MTC depuis 210 ans ! Nous sommes à la croisée des chemins, soit on survit et live to fight another day, soit on dépose les armes aux pieds du vainqueur. Qui voudrait ça au MTC excepté ceux qui ont déjà fait le pas et rejoint le concurrent direct du MTC-MTCSL ?
Quelles sont les raisons qui expliquent la position actuelle du MTC ?
— Toute analyse du passé pour s’assurer de ne pas refaire les mêmes erreurs est salutaire. Mais faire l’analyse pour désigner des responsables ne sert à rien. Le rétroviseur n’est pas l’équipement rêvé aujourd’hui, tout comme la boule de cristal. Plusieurs facteurs indépendants de la volonté du MTC se sont succédé pour arriver à cette situation : les bookmakers off course qui perdent le droit d’opérer, des contraintes administratives du fait des changements dans la loi, les deux années de Covid, des étrangers employés à grands frais, alors que nous avions la compétence locale, et j’en passe. Il faut s’arcbouter pour passer ce cap et revoir la situation à la fin de l’année. Nous en saurons plus et serons dans une meilleure position pour décider si on ferme boutique ou pas. La décision sera la nôtre, et elle ne sera pas imposée.
Est-ce que vous avez des échos par rapport à la lettre circulaire envoyée à vos membres ?
— Il y a de l’incompréhension, mais cela relève d’un manque de données et d’informations. Certains ne comprennent pas pourquoi on se bat. À ceux-là je leur dirai que refuser le combat, c’est abdiquer, et ça, bon nombre de membres refusent, et j’en fait partie. D’autres pensent qu’il faudrait revoir le business model. Tout ça c’est bien joli, mais les solutions, il n’y en a point. Les années 2020, 2021 et 2022 ont été catastrophiques pour tout le monde. Le MTC n’existe que pour organiser les courses de chevaux et rien d’autre. Pas de course, pas de rentrées de sous. Il ne faut pas être un puits de science, un devin pour comprendre ce qui nous est tombé sur la tête. Et puis, l’avènement, du jour au lendemain, d’un concurrent direct qui réduit de moitié nos revenus. Je pose la question : quel business model aurait survécu ? Qui plus est, ce même concurrent bénéficie gratuitement de notre savoir-faire et de nos investissements, car c’est le MTC qui a mis en place les infrastructures de la piste, la piste elle-même et son entretien qui permet aujourd’hui aux deux organisateurs de jouir de ce que le MTC-MTCSL a fait et a investi.
Vous avez dû certainement rencontrer de nombreux membres. Quel est leur état d’esprit ?
— Il y a de l’incompréhension, de l’appréhension et souvent de la colère. Moi, je suis de ceux qui sont en colère. Quand je vois la division engendrée par l’arrivée de l’autre organisateur qui se targue de proposer de meilleurs stakes money alors qu’il n’a pas dépensé un sou pour la piste, par exemple, jusqu’à juin 2022, je suis sidéré. Et maintenant, quid des écuries qui sont logées par le MTC-MTCSL et qui ont bénéficié de subsides des années durant leur permettant de vivre et de survivre. Pendant les bonnes années, le MTC a même subventionné le fret de coursiers pour des écuries.
Quelles sont les scénarios qui peuvent émerger à l’issue de cette assemblée générale spéciale ?
— Soit on flotte soit on coule. Voyez-vous le MTC, le seul propriétaire de la MTCSL, la public company organisatrice des courses, a garanti cette compagnie. Les dettes qui sont énormes aujourd’hui ne permettent pas de continuer sans diminuer la charge fiscale. Il faut renflouer les caisses, down size les deux entités et se battre pour qu’on ne nous enterre pas. Ne vous faites pas d’illusion, c’est de ce que l’on parle : enterrer 210 ans d’histoire.
Et vous vous attendez à quoi exactement ?
— Je m’attends que les membres, ceux qui sont actifs, assidus aux courses, propriétaires comme moi, votent pour la résolution. Je m’attends aussi que ceux qui ne sont pas des assidus aujourd’hui mais ont contribué pour faire du MTC cette institution reconnue mondialement votent aussi pour la résolution. Voter contre revient à dérouler le tapis rouge à la concurrence. Je ne veux pas croire que c’est le souhait de la majorité des membres du MTC. Voter pour la résolution, c’est aussi sauvegarder le patrimoine et protéger les employés du MTC-MTCSL qui se sont dévoués pendant des années.
Une autre question qui se pose : le MTC doit-il tout arrêter ou doit-il continuer à organiser les courses jusqu’à décembre ?
— Pourquoi s’arrêter ? Le MTC est une association de membres et non pas une compagnie avec des actionnaires ou une société avec des sociétaires qui détiennent des parts. Non. Une association ne vit que pour le but pour lequel elle a été créée. Si ce but n’existe plus, elle sera dissoute et les actifs de l’association repartiront éventuellement dans les caisses de l’État. C’est de cela que vous voulez ? Moi pas, et je suis sûr que bon nombre de sceptiques seront maintenant convaincus que la solution n’est certainement pas d’abdiquer.
Et si jamais le vote est défavorable, que fera le MTC ?
— Premièrement, la MTCSL sera sans doute mise sous administration. Ensuite, le MTC décidera par voie d’assemblée générale que faire. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Il y a toujours certains qui pensent que le MTC aurait pu éviter une telle situation. Est-ce que vous êtes de cet avis ?
— Ce n’est pas un argument valable quand nous voyons les écueils qui se sont dressés devant le MTC-MTCSL. Mais à quoi bon ressasser les vieilles querelles et pointer du doigt certains ? Tous ceux qui ont administré le MTC ont quelque part, probablement, une part de responsabilité. Mea culpa ? Mais voir d’anciens administrateurs et des membres du MTC se joindre à l’administration de la concurrence sans avoir la décence de démissionner du MTC me reste en travers de la gorge.
Quel avenir alors pour les courses hippiques à Maurice ?
— Un ami et membre du MTC m’a envoyé un message ce matin, un message qui se lit ainsi : « Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. » Je suis pour ajuster les voiles en espérant que le vent change et le vent changera, comme la roue qui tourne… Il est clair que si le MTC ferme ses portes, les courses à Maurice ne se relèveront pas. Nous perdrons notre affiliation à la Fédération internationale et bon nombre de propriétaires s’éclipseront, j’en ferai partie. Le patron de la casque bleu électrique et écharpe rouge a déjà dit que la plus vielle écurie du turf mauricien fermera ses portes. Quel gâchis !