Le scénario utilisé a maintes reprises est immuable. Inépuisable. En fin de semaine, on fait fuiter que le leader est non seulement emmerdé, mais qu’il est dégoûté et pense sérieusement à démissionner. Certains ajoutent même que l’envie de s’en aller date de plusieurs semaines et qu’on a tout fait pour le retenir et le ramener à de meilleurs sentiments. Ce qui n’a pas empêché les uns et les autres de faire leurs petits calculs : ki senla pou allé, ki senla pou resté ? Avant, lors des premières cassures, ils étaient nombreux à se lever comme un seul homme pour suivre le leader et s’installer dans l’opposition jusqu’à la prochaine alliance. Mais le temps a passé, les alliances et les cassures se sont succédées et le nombre de ceux qui suivent aveuglément le leader a drastiquement diminué. C’est quand il s’en est rendu compte qu’au lieu d’aller discuter de la cassure avec les membres de son bureau politique, il a préféré faire appel au comité central, où il aurait plus de chance qu’on suive le mot d’ordre du leader que dans les autres instances du parti. D’autant plus que lors de la réunion de réconciliation de la dernière chance de vendredi dernier, malgré la menace de démission, le partenaire avait campé sur ses positions. Comme cela a toujours été le cas à la veille des réunions cruciales, les membres des instances ont été travaillés dans le sens du poil. Des coups de téléphone rappelant la fidélité que l’on doit au leader historique échangés ; des rencontres nocturnes destinées à convaincre les récalcitrants ou les hésitants, organisées.
Mais les temps ont changé, les militants aussi. Fatigués de traîner leurs savates sur le coaltar de l’opposition depuis des années, ils ont apprécié, comme il fallait, ce retour du parti au gouvernement. Après avoir été sur la liste de ceux à qui on ne donnait pas de travail dans les corps paraétatiques ; ceux qui n’avaient pas droit aux maison de la CHA ; ceux dont les enfants, mêmes qualifiés, ne pouvaient espérer un travail à Air Mauritius, leur statut avait changé depuis le 11 novembre 2024. Ils étaient passé de la liste des exclus d’office à celle des qui pouvaient prétendre à quelque chose. Ça, c’était pour les militants de base. Les un peu plus gradés dans la hiérarchie du parti avaient eu droit à des nominations à des postes de direction – parfois dans plusieurs organismes –, en suivant le modèle pratiqué par le MSM et dénoncé par eux. Comme la politique dynastique. D’autres, plus hauts gradés encore, avaient été nommés conseillers, avec voiture de fonction, et le top du top du parti avait eu droit à un fauteuil de Junior Minister ou, carrément, à un portefeuille de ministre. Il va sans dire que ces oligarques mauves, de tous les échelons du parti, n’avaient aucune envie de mettre fin à leurs nouvelles conditions de vie pour aller dans l’opposition, siéger aux côtes des rescapés du PMSD et du MSM des dernières élections. Juste parce que le leader trouvait que son partenaire politique ne respectait pas ses demandes. Une autre réunion de la dernière chance fut organisée entre les deux leaders et du côté mauve, par un conseiller politique qui, paraît-il, en sus d’avoir maintenu l’alliance PTR/MMM, serait un expert en négociations avec les compagnies aériennes du Golfe.
Le partenaire campant toujours sur ses positions et les instances mauves sur les leurs, le leader fut obligé de modifier la sienne. Mais comme il ne pouvait pas perdre la face, son tonitruant mo lev paké mo allé fut transformé en moins percutant qu’un adieu, je reste dans une de ces opérations médiatiques dont les partis politiques ont le secret et qui consistent à transformer une défaite en victoire. C’est ce que le leader a essayé de faire samedi, lors de sa énième conférence de presse où il a, une fois de plus, beaucoup parlé pour ne pas dire grand-chose. Il a tenté de faire croire qu’il est resté parce que ses revendications, présentées comme un ultimatum, avaient été acceptées, alors qu’elles n’ont été que renvoyées. Ce qui ne l’a pas empêché de déclarer sur un de ses cinq points supposément victorieux : « Nous allons prendre notre temps, mais c’est notre priorité ! » Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour essayer de présenter une défaite en une victoire ? Pathétique !

