Paul Bérenger avait raison

Paradoxalement, Kishore Beegoo et Paul Bérenger ont un point commun : ils aiment utiliser les conférences de presse pour attaquer leurs adversaires. Ils le font tous les deux plus par des allusions perfides que par des attaques directes. C’est ainsi que le vice-Premier ministre n’a pas raté une occasion pour dire systématiquement son mécontentement de la manière dont Air Mauritius était géré.

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C’est ainsi que le président du Conseil d’administration a rendu coup pour coup, en ripostant, par communiqué interposé, dans ce qui semblait devenir un affrontement frontal entre deux hommes avec, au fur et à mesure, des petites phrases de plus en plus cinglantes. Le président, qui agissait comme un PDG « ne semble ne pas savoir qui est le vrai boss d’Air Mauritius » a sorti le no. 2 de l’Hôtel du gouvernement. « Une compagnie aérienne nationale n’est pas gérée selon le diktat des politiciens », a répliqué l’occupant du Paille en Queue Court. Ces piques, dignes d’un échange entre politiciens sur caisses de savon interposées, amusent sans doute la galerie, fortifient certainement les partisans et adversaires de chaque camp, mais elles ne font certainement pas mieux marcher un gouvernement ou une compagnie aérienne.

L’existence de ce conflit entretenu publiquement met en exergue une réalité du gouvernement de l’Alliance du Changement : l’inexistence d’espace ou de structure où ceux qui sont dans le même équipe, mais ne partagent pas la même vision, peuvent échanger, discuter et faire les compromis nécessaires pour avancer. L’autre réalité de cette alliance est que le leader évite soigneusement de prendre position, semble aimer laisser pourrir la situation en écoutant les uns et les autres sans trancher, jusqu’à ce que le conflit devienne public. Au lieu d’assumer son rôle de médiateur, qui intervient, il se contente de jouer au spectateur.

Cela a déjà été le cas dans l’affaire Sithanen/Sanspeur, qui aurait dû avoir servi de leçon pour éviter l’affrontement Bérenger/Beegoo. Il s’est passé de longues semaines pendant lesquelles l’ex-Gouverneur de la Banque de Maurice et son ex-second adjoint se sont affrontés. D’abord, par des fuites savamment orchestrées de part et d’autre, puis par des attaques de plus en plus frontales à travers la presse, avec des documents papier ou sonores démontrant que l’ex-no. 2 n’avait pas tout à fait tort en dénonçant les agissements du fils du no. 1. Ce que père et fils ont démenti par des actions en justice – qui dureront si longtemps qu’on aura oublié de quoi il était question –, quand les jugements seront rendus. Si aucun accord « out of court » n’est trouvé d’ici là. Ce triste épisode a mis à mal la réputation, donc la crédibilité de la principale institution financière du pays, sans que le PM n’intervienne. Une réunion avec les deux protagonistes, qu’il aurait présidée en tapant sur la table, aurait pu mettre fin à la situation malsaine qui s’installait. Elle n’a jamais eu lieu. C’est le même scénario qui a été adopté dans l’affaire VPM/ Président agissant comme un PDG d’Air Mauritius.

Comme dans le cas Sithanen, la problème Beegoo relève d’une autre des caractéristiques de Navin Ramgoolam : le choix de ses nominés et son incapacité manifeste à les faire rentrer dans les rangs. Dans les deux cas, Navin Ramgoolam a choisi des hommes avec du caractère – du très mauvais, disent leurs adversaires –, dotés d’egos surdimensionnés qui, rapidement après leur nomination, oublient qu’ils ne sont que des locataires dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, pour se comporter comme des propriétaires n’ayant de compte à rendre à personne. Ils ont été encouragés dans cette attitude par le silence de Navin Ramgoolam qui, en ne disant mot, a laissé croire implicitement (sciemment ?) qu’il les comprenait. Ce qui a permis à l’un et à l’autre de proclamer qu’ils bénéficiaient de son soutien. Jusqu’à ce que l’un et l’autre soient invités (obligés ?) à soumettre leur démission. Deux démissions à la tête de deux des plus importantes institutions du pays, c’est beaucoup pour un gouvernement qui n’a pas encore un an et qui s’est proclamé comme l’incarnation du changement après les méthodes du passé. Espérons pour le pays que Navin Ramgoolam tirera la leçon qui s’impose de l’affaire Bérenger/Beegoo et fera tout pour éviter la réalisation du proverbe qui affirme : jamais deux sans trois.

Jean-Claude Antoine

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