La folle surenchère

Dire la vérité à la population à la veille d’une échéance électorale n’est pas la norme dans nos mœurs politiques, profondément souillées depuis 1983. Aussi, lorsque Navin Ramgoolam et Paul Bérenger préviennent de la dureté du prochain budget, ce que la plupart des économistes recommandent pour redresser les finances du pays et inculquer un sens de responsabilité à tous les niveaux de la prise de décision, il faut prendre acte et saluer une posture qui n’insulte pas l’intelligence des Mauriciens avisés.
Une partie de la population, qui commence à cultiver une dépendance à l’assistanat et qui s’attend à toujours plus d’allocations, n’est évidemment pas contente que la triste réalité la rattrape et que, désormais, la vérité lui soit balancée à la figure. Qui croit sincèrement que payer des allocations de Rs 5 000 mensuelles à tout enfant de la République jusqu’à ses 18 ans, comme préconisé par le MSM lors des dernières élections générales, est une mesure raisonnable pendant que la dette publique explose comme jamais ?
Les dirigeants de l’Alliance du Changement qui, eux aussi, ont participé à cette folle surenchère du donner toujours lors de la campagne électorale, réalisent aujourd’hui, après avoir vu les chiffres effrayants des principaux indicateurs économiques, que la démagogie a des limites et que balancer des annonces les unes plus farfelues que les autres, comme une baisse immédiate de Rs 20 sur le prix de l’essence, était plus facile à dire qu’à faire. La baisse n’a été finalement que de Rs 5, et certains y ont vu un geste de solidarité envers ceux qui doivent utiliser leur véhicule pour leur travail.
Le prochain budget sera dur, on l’a compris, parce que c’est indispensable d’insuffler de nouvelles orientations à l’économie. Il faut trouver le juste équilibre entre le redressement économique nécessaire et la pratique d’une justice sociale qui aide vraiment ceux qui sont le plus dans le besoin. Les trois prochaines années seront cruciales pour déterminer si le gouvernement du Changement a réussi son pari de transformer Maurice en hub attractif susceptible de développer de nouveaux pôles de développement.
Ce gouvernement se heurtera, à coup sûr, aux résistances syndicales, les formations de défense des travailleurs étant arc-boutées sur le toujours plus d’argent. Au lieu de participer à une concurrence ridicule de qui a demandé le plus et qui une shopping list la plus complète possible, ils devraient s’engager dans une réflexion sur le tripartisme.
Entre ceux qui mettent en doute le phénomène de la caisse vide, pourtant soutenu par des chiffres difficilement contestables, et ceux qui viennent tout juste de découvrir qu’ils avaient intérêt à déborder le champ politique alors qu’ils s’étaient acoquinés au MSM et à ses innombrables travers, il y a certainement un syndicalisme mauricien à réinventer et qui tout en défendant ses membres est capable d’un peu de lucidité élémentaire.
Nous sommes vraiment perplexes que l’on entende si peu les syndicats sur la flopée de scandales qui, chaque jour, étalent les travers d’un régime pourri jusqu’à la moelle. Ils n’étaient pas au rendez-vous de la transparence lorsque la presse révélait des malversations, des irrégularités, de cas de vol, de détournement de fonds publics et de corruption.
S’il n’y avait pas eu la résiliation du contrat de Mangalore, s’il n’y avait pas eu ce triste tour de passe-passe entre un appel d’offres international qui avait désigné une compagnie de Bahreïn comme notre fournisseur avant qu’un mystérieux négociant en pétrole, le Mercantile Merchant Group, ne vienne proposer à la STC des prix négociés en roupies pour ensuite exiger d’être payé en dollars, peut-être que le prix à la pompe aurait pu baisser de Rs 20.
Dans cette affaire de corruption à grande échelle sur un contrat de Rs 30 milliards, on n’a jamais entendu un syndicaliste venir de l’avant avec des dénonciations ou des propositions. On parle de politique dépassée. Mais quid du syndicalisme de papa qui, lui aussi, verse dans la vieille surenchère de qui réclamera le plus et qui fera les suggestions les plus farfelues qui ne tiennent pas compte de l’état de la trésorerie nationale ?
Le temps de se réveiller a aussi sonné pour nos syndicalistes qui, dans un élan patriotique, devraient venir avec un programme de transformation économique et sociale qui ouvre des lendemains plus prometteurs à un moment où la situation de la main-d’œuvre est sous haute tension avec un appel constant et plus nombreux aux travailleurs étrangers.
Un de ces jours, il va falloir commanditer une étude sur ce phénomène qui semble engagé dans la voie de l’irréversibilité. Nos enfants préfèrent s’épanouir sous d’autres cieux plutôt que de rester au pays, où le nombre d’expatriés se développe à un rythme effréné.
Plus personne vraiment pour installer des produits sur les rayons de supermarchés, plus personne pour remplir votre réservoir à la station-service, plus personne pour conduire des autobus ? Quel sera le point de saturation entre main-d’œuvre étrangère et locale ? Cette équation est vitale pour imaginer l’île Maurice de demain et sur quel socle le pays bâtira son vivier de compétences.
Il n’y a pas que les mauvaises nouvelles à se mettre sous la dent, avec son lot quotidien de scandales et ces passages interminables au siège de la Financial Crimes Commission, où des personnes qui ont jonglé avec des milliards sont prises de malaise subit. Lorsqu’elles touchaient au gros pactole, point d’évanouissement soudain ni une faiblesse inattendue des jambes nécessitant un convoi express en civière.
Il y a aussi des Mauriciens et des Mauriciennes qui portent haut le quadricolore et qui sont capables de faire vibrer toute une nation. L’exploit de Kimberley Lecourt de Billot-Pienaar a été retentissant le week-end dernier. En remportant la victoire à Liège-Bastogne-Liège, la cycliste mauricienne a écrit une belle page de son sport. Elle incarne les valeurs que les Mauriciens aiment : courage et persévérance. Allez Kim, ramène-nous encore de beaux trophées !

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JOSIE LEBRASSE

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