Il aura fallu des mois et des mois, plus de deux ans dans certains cas, pour que les accusations provisoires logées par la défunte Special Striking Team (SST) de la police soient rayés. Ou plus exactement soient sur le point de l’être par le Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Pour ceux qui l’auraient oublié, rappelons les faits : dans les dernières années de son règne, le gouvernement MSM et alliés avait fait de la chasse à ses adversaires politiques une de ses grandes priorités. L’Information and Communications Technologies Authority (ICTA), dirigée par des chatwas politiques, s’occupait des radios privées et des internautes qui osaient émettre des critiques contre Premier ministre, ministre et même députée best loser qui les prenaient comme des insultes. Les radios écopaient de coupures d’antenne punitifs, tandis que les internautes recevaient au petit matin des escouades de la police, subissaient des fouilles et des saisies de leur matériel, puis étaient traînés aux Casernes Centrales avant d’être interrogés, traduits en Cour sous une accusation provisoire. Ce que la police a récemment tenté de faire au journaliste Narain Jasodanand était une pratique courante sous le régime orange. Pour mater et faire taire les adversaires plus politiques du régime, l’ex-Commissaire de Police Anil Kumar Dip avait créé la SST dirigée par le surintendant Ashik Jagai avec la bénédiction de Pravind Jugnauth, puisque de la même manière qu’il a protégé l’ADSU malgré le rapport Lam Shang Leen, il n’a jamais critiqué cette équipe spéciale qui était, en fait, le bras armé du régime, sa police politique. D’autres disaient ses tontons macoutes ! Ses critiques, l’ex-PM les réservait aux magistrats qui rendaient des jugements ne lui convenant pas.
Cette équipe avait tous les pouvoirs pour faire taire les adversaires du régime, surtout les plus vocaux, comme certains avocats et activistes politiques. Pour essayer de les atteindre, l’équipe s’en prit à leur entourage, sans résultat. Puisque les fouilles ne donnaient rien, la dream team policière décida alors de s’organiser pour trouver de quoi incriminer les adversaires du PM et les envoyer effectuer de longs séjours en prison. C’est ainsi que dut naître l’idée du planting : autant emmener sur place les choses ou matières que l’on souhaitait « découvrir » chez les adversaires du régime. Apres avoir essayé cette méthode à domicile, on en fit une version voiture et les arrestations avec sacs de drogues « découverts » comme par miracle se sont multipliés. Et ce, alors que les vrais barons n’étaient absolument pas inquiétés et que le trafic de drogue commençait à devenir une industrie prospère. Pour certains. Comme la justice doit avoir confiance dans la police pour fonctionner, les magistrats n’ont pas hésité à signer des autorisations de perquisitions et, ensuite, des séjours plus ou moins longs en prison sur la base d’accusations provisoires réclamées par la fameuse SST. Sans l’intervention de leurs avocats, beaucoup de ces accusés provisoires auraient effectué de très longs séjours en prison, le temps que les enquêtes interminables soient terminées.
C’est parce que ces enquêtes ne sont toujours pas terminées, des mois et des années après leur ouverture, que le DPP a décidé, vendredi dernier, de radier les charges provisoires dans huit dossiers considérés comme étant majeurs par la SST, avec des arrestations supervisées par des hauts gradés de la police. Quand ces charges provisoires avaient été logées en suivant les informations données par la police, les tribunaux avaient imposé à ceux qui étaient poursuivis de strictes conditions pour leur liberté conditionnelle. Conditions qu’ils ont observées jusqu’à vendredi dernier, alors que les enquêtes sont toujours en cours. Combien de temps, de mois, d’années, ces personnes accusées provisoirement par la SST auraient été obligées de respecter des conditions strictes de leur liberté conditionnelle, si le MSM et ses alliés avaient remporté les élections générales et que les hauts gradés de la police, qui dorment actuellement en prison, dirigeaient encore les Casernes centrales ?
Jean-Claude Antoine