L’arbre et la forêt

Avant d’en venir aux pensions, il est utile de revenir sur un autre sujet qui a fait débat cette semaine : les voyages des ministres et de leur Junior. Ce qu’il faut d’abord saluer, au lieu de hurler avec la meute et conforter les plus hystériques incapables de nuances, c’est que, contrairement à ce qui se pratiquait jusqu’à novembre dernier, l’on n’a pas été confronté à la réponse classique, teintée d’opacité, selon laquelle « the list is being compiled and will be placed in the Library ». Pour n’être jamais révélée.

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La réponse du Premier ministre circulée cette semaine laisse voir que des ministres et Junior Ministers ont effectué un certain nombre de missions officielles à l’étranger ces derniers six mois. Certains diront qu’ils sont conséquents, pendant que d’autres soutiendront que la République de Maurice ne peut pas vivre isolée du monde et que la participation à des missions internationales est nécessaire, et qu’elle ouvre des portes qui peuvent être utiles.

L’arbre de la démagogie a, ici, caché la forêt de la transparence. Le Premier ministre et son adjoint ont donné le bon exemple. Navin Ramgoolam n’a effectué des déplacements à l’étranger qui n’étaient qu’indispensables. Beaucoup de chefs d’Etat et de gouvernement ne connaissaient pas vraiment son prédécesseur, dont le carnet d’adresses des chancelleries était, allons dire, assez peu fourni. L’actuel titulaire a au moins le mérite d’échanger avec ses homologues en attendant de se rendre en visite d’Etat en Inde.

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Quant au Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, il n’a pas quitté le territoire puisqu’il s’est rendu en visite à Agaléga pour parer au plus pressé et enclencher les travaux post-cyclone Chido. Même si le nombre de voyages peut impressionner, il serait malhonnête de prétendre que nos élus se sont tous octroyé des vacances aux frais des contribuables.

En tout cas, cela n’a rien à voir avec la saga de la Dubai Exhibition qui avait mobilisé les trois quarts du cabinet de l’ancien gouvernement. Si on ne comprenait pas à l’époque cet engouement plus que suspect et que certains supputaient que c’était pour ouvrir des comptes bancaires dans un centre connu pour son opacité, on apprendra plus tard que d’autres ont, en fait, profité pour procéder à de belles et coûteuses acquisitions dans des complexes de luxe.

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Si la comparaison doit s’arrêter là, il est néanmoins essentiel que la rigueur continue à s’exercer lorsqu’il s’agit des déplacements ministériels et que chaque sou dépensé puisse amplement se justifier. Parce que s’il est nécessaire que tous participent aux efforts de redressement, il est tout aussi indispensable que cela commence au sommet.

Quant à la pension qui, ce dernier mois, a agité l’opinion et mobilisé les syndicats et les formations politiques rejetées en novembre 2024, il semble qu’après la petite démonstration du samedi 21 juin, la colère, bien compréhensible faute d’explications claires, soit un peu retombée.

Pour la prochaine étape annoncée comme un lundi cordonnier, il faudra sans doute aussi repasser, parce ceux qui connaissent la valeur du travail auront plus à coeur de remplir leurs obligations que de chômer.

Hier au Plaza, à part les mines déconfites de quelques agitateurs patentés, même pas de présence significative des affiliés syndicaux. C’est à se demander qui des syndicats ou des politiques ont une crédibilité à retrouver ? Qui écoutera encore des syndicalistes qui donnent de la voix aujourd’hui, alors qu’hier encore, ils prenaient le thé avec ceux qui ont vidé les caisses et endetté le pays et ses enfants ?

La hasard de l’actualité s’est d’ailleurs voulu cruel. Les Mauriciens qui ont manifesté aux côtés des Pravind Jugnauth et autres Alan Ganoo le 21 juin, et qui étaient bien déterminés à remettre ça hier, ont dû renoncer lorsqu’ils ont pris connaissance du montant de la pension qu’ils perçoivent. Si ceux qui ont une longue carrière parlementaire peuvent revendiquer sans rougir leurs indemnités, d’autres auraient mieux fait de se cacher et surtout faire l’économie de propos démagogiques.

Les récentes annonces faites par le Premier ministre à l’Assemblée Nationale ont aussi sans doute apaisé les craintes des plus vulnérables. On a pu entendre des voix s’élever contre le seuil de Rs 10 000 pour une personne seule et Rs 20 000 pour un couple qui est celui de l’éligibilité à une pension de Rs 10 000 mensuelle dès septembre de cette année.

Elles ont avancé que ce chiffre est inférieur au salaire minimum. Ce qu’ils ont oublié, c’est que ceux qui ne sont pas des salariés régis par les lois du travail et qui sont les plus vulnérables et pas représentés par des syndicats vont au moins obtenir une pension leur permettant de couvrir un tant soit peu leurs dépenses élémentaires.

On pense ici aux employés de maison, aux jardiniers, aux pêcheurs et autres travailleurs précaires ou qui, pour une raison ou une autre, doivent effectuer de petits boulots à temps partiel. Ceux-là auraient été privés de tout revenu complémentaire leurs 60 ans atteints. Il y a là au moins un effort qui a été fait pour protéger les plus vulnérables.

Les syndicalistes qui déplorent le ciblage sont ceux-là mêmes qui adorent établir une comparaison entre ceux d’en haut, patrons et politiciens, et les travailleurs d’en bas. Il faudrait qu’un jour ils commencent à afficher un peu de cohérence dans le propos comme dans l’action.

Maintenant que le dossier semble devoir se refermer, il est peut-être temps de se pencher sur d’autres problèmes comme la drogue et certains indicateurs sociaux extrêmement préoccupants. Les récentes statistiques indiquent que la catégorie d’âge la plus représentée dans nos prisons se situait entre 18 et 30 ans et une plus forte concentration pour les 26-30 ans.

Avec une population vieillissante, des jeunes embourbés dans l’enfer de la drogue et des métiers en tension faute de bras et le recours toujours plus facile à la main-d’oeuvre étrangère, il y a des solutions à trouver pour freiner cette spirale infernale.

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