Le jour tarde à se lever

Ces jours-ci, la nuit tombe bien vite et le jour tarde à se lever. Cela me fait penser à la vie de bon nombre de Mauriciens qui ont du mal à faire face à des réalités trop dures et pas assez réjouissantes. D’autres concitoyens se retrouvent, eux, embarqués dans un train-train de vie lourd et sombre à cause de l’instabilité qui prévaut partout. C’est dire que les idées noires et le découragement nous rejoignent vite et nous plongent dans un sentiment d’incapacité à faire face à la vie actuelle. Nous sommes, malgré nous, précipités dans une obscurité envahissante, étouffante, qui semble en plus ne plus vouloir céder sa place à la lumière.

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Pour ajouter à cela, le temps n’est pas très clément. C’est l’hiver vous me direz ! Soit ! Mais le ciel déverse des larmes froides sur notre sol ; les cieux vont jusqu’à pleurer des nuages qui semblent déferler du paradis à la terre. Oui ! Des nuages tombent sur nous comme un mur de pleurs ou comme de gros morceaux de coton qui valsent au gré du vent avant de se dissiper au fur et à mesure qu’ils se rapprochent de nos visages. Une vraie impression de larmes et de gémissements venus de la voûte céleste.

Les grands coups de vent sont, eux, comme les bras d’un chef d’orchestre qui se balancent dans tous les sens, menés par sa baguette tenue fermement entre le pouce et l’index. Le vent fait tournoyer les feuilles qui, elles, exécutent une chorégraphie inconnue sur la mélodie des quatre saisons de Vivaldi. Elles dansent et virevoltent dans un abandon total sans savoir comment et où se terminera leur petit ballet. Balayer par ici, puis par là, pour ralentir lentement le pas avant de mourir ou de disparaître quelque part.

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Ces derniers temps, le temps nous embarque dans un repli sur soi ou chez soi. La température est bien fraîche et même les plus braves ont tendance à rester au chaud. Mais avouons-le ! Ce temps offre des paysages remplis de mélancolies et de poésies. Un ciel qui pleure des nuages, c’est quand même beau. Ces paysages ont un effet anesthésiant et nous enfouissent dans un silence qui nous permet tant de réflexions. Des moments qui peuvent paraître comme une déconnexion du réel, qui sont, en réalité, une opportunité unique où, justement, on peut se reconnecter profondément à soi. C’est tout comme lors d’un échange entre deux personnes : le silence de l’un permet souvent à l’autre de se révéler. Ce sont de petits instants tendres et savoureux où l’éternité semble s’y être incrustée.

Ne nous laissons donc pas happer par cette nostalgie, trop accaparante qui tire vers le bas, causée par la température basse, la lourdeur du temps et l’attente du jour qui tarde à se lever. Et devons-nous le rappeler ? Cet état nostalgique finit toujours par s’en aller, mais avant cela, souhaitons que les idées enténébrées ne nous dispersent pas. L’espérance est toujours derrière la porte et, surtout, elle ne déçoit jamais.

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Et pour quitter ces potentiels découragements et cette possible désespérance, rien de tel que les mots dits et écrits. Ils nous invitent à de petites folies au rythme de la lyre. Ils nous convient à de petits délires à la cadence de la vie. Ils nous font voyager et quitter sans retenue aucune nos habitudes. Folies en délire, la vie au son de la lyre — tout cela n’est que poésie et utopie, mais où est le mal ? Tant que nous sommes bien enracinés, bien accrochés aux pieds et dans la tête, nous pouvons aller où nous voulons sans jamais craindre de nous perdre.

Les mots ne sont pas que des mots et il faut les voir au-delà de leur simple signification. Les uns à côté des autres, ils dansent et s’unissent pour former un récit ou une poésie. Eux aussi sont balayés par nos mains et nos bouches pour former une chorégraphie écrite et une composition musicale. Ils perdent un peu de leur sens parfois, mais justement, voyons au-delà de leur simple définition. Ils évoquent des caractères qui ravivent nos sens et leurs sens effleurent, eux, notre sensibilité. Ils vont même jusqu’à réveiller des émotions que nous ne soupçonnons même pas.

Je trouve que les mots et le temps — je parle ici des conditions atmosphériques — se marient bien. Chacun dégage une mélodie, une histoire, chacun nous percute, nous frappe même, nous interpelle, que nous les aimions ou pas. Chacun permet une atmosphère qui nous invite à nous y réfugier comme dans un nid douillet. Ou, au contraire, chacun peut nous faire réagir, parfois même avec violence, pour déguerpir et aller loin.

En évoquant plus haut le “nid”, une petite histoire me revient tout à coup : un moineau est passé devant mon pare-brise en traînant dans son bec de longues brindilles. À sa vue, l’image que j’ai eue n’était pas celle d’un simple oiseau s’apprêtant à garnir son nid : il ressemblait, pour une fois dans sa vie, à un paille-en-queue majestueux avec un plumage des plus longs. Irréel et farfelu ? Je le concède ; un peu féerique même ! L’imagination est capable d’égayer la vie là où elle semble banale, c’est à prendre ou à laisser !

C’était-là une petite parenthèse.

La nuit dure et le jour tarde à se lever. Les épreuves durent et on ne sait pas quand elles cesseront. Une expérience difficile à vivre et un réveil aussi brutal que lent commence. Mais avant que le soleil ne se lève, avant de poser le pied au sol, il serait bon de prendre des résolutions fermes, droites, sûres et encourageantes, même si elles ne sont pas tenues. Tout comme celles que nous prenons le 31 décembre à minuit et qui passent souvent aux oubliettes. Les résolutions ont malgré tout du bon, même si leur durée de vie est éphémère. Elles nous encouragent au bon et au bien, au meilleur et au mieux, même si cela ne subsiste qu’un instant.

La nuit ne tardera pas à s’en aller, le jour va bientôt se lever. Alors, levons-nous, réveillons nos consciences et avançons avec toutes les bonnes résolutions de la terre !

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