La MBC a proposé à ses téléspectateurs un sujet, que certains ont qualifié de scoop, lors de son journal télévisé de vendredi soir : une mini interview de l’ex-Commissaire de police Anil Kumar Dip. Une interview qui était, en fait, une opération de communication – pour ne pas dire une plaidoirie – pour permettre à l’ex-CP de répondre à certaines questions sur sa gestion pendant qu’il était à la tête des Casernes Centrales. Costumé, maquillé et coiffé – avec une touche de gel ? –, l’ex-patron de la police ressemblait à un de ces personnages de truand repenti que l’on voit souvent dans les films sur la mafia. L’ex-Commissaire a proposé un numéro d’acteur, visiblement très répété grâce à ses conseillers légaux – est-ce que l’avouée qui a touché Rs 85 millions d’honoraires en faisait partie ? – qui avait pour but de présenter M. Dip comme l’innocent qui vient de naître ou, si l’on préfère, l’officier de police le plus intègre et le plus respectueux des procédures et des règlements de la force policière que Maurice ait jamais connu ! Pendant toute la durée de son intervention, Anil Kumar Dip a interprété sa version de la tactique politique mise au point par Aneerod Jugnauth et reprise par son fils, le « pas moi ça, bann là ça ! »
En ce qu’il s’agit du reward money, ces centaines de millions de roupies censés être distribués aux informateurs, mais qui se sont retrouvés sur les comptes bancaires de hauts gradés ou de simples sergents, l’ex-CP affirme n’y avoir eu qu’un rôle administratif. Il s’est contenté d’approuver les papiers que lui apportaient ses subordonnées en les signant. Il ignorait tout des bénéficiaires du reward money et de ses officiers qui avaient pour mission de les distribuer. Personne ne lui a signalé des irrégularités dans cette procédure. Même chose en ce qui concerne les saisies fictives de drogue sans arrestations de trafiquants, mais avec réclamations de reward money. « Ce n’est pas le Commissaire qui fait l’opération », affirme t-il. En oubliant qu’il lui est souvent arrivé d’animer des conférences de presse pour annoncer des saisies. Tout comme il n’a pas mentionné qu’il est arrivé que le volume de drogue saisie, annoncé triomphalement, ne corresponde pas à celui qui était pesé par la suite ! Il n’a jamais pratiqué de favoritisme, en faisant nommer les membres de sa garde rapprochée à des postes de responsabilité, puisque sous son mandat, les promotions se faisaient sur la base des résultats obtenus. Comme ceux de la Special Striking Team dont les cases souvent avec planting sont régulièrement cassés en Cour ? En ce qui concerne son achat de la Porsche Macan, là aussi, il n’a fait que suivre les procédures établies. Ce sont les différents départements des ministères, dont le PMO, qui ont évalué le montant de la voiture qu’il a acheté en déduisant la somme de son lump sum. À aucun moment, Anil Kumar Dip ne s’est étonné qu’on lui propose d’acheter une Porsche Macan – qui, neuve, coûte plusieurs millions – pour la somme de Rs 400,000 ! « Pou dipain di beurre » pour reprendre l’expression de la journaliste qui l’interviewait.
On l’a compris, l’ex-CP n’était responsable de rien, se contentait de signer les formulaires qu’on lui présentait pour faire payer des millions de roupies, sans poser la moindre question, et c’est à ses subalternes qu’il faut aller réclamer des comptes. Mais la plaidoirie de l’ex-CP, pour aussi farfelue qu’elle ait été, soulève une vraie problématique : à quoi servent, donc, les fonctionnaires chargés des finances et les auditeurs des ministères qui sont censés contrôler, étape après étape, les procédures administratives mis au point pour que chaque roupie puisée des fonds publics soit dépensée à bon escient ? Une autre question doit être posée : à quoi servait, donc, l’ex-CP qui signait les yeux fermés et n’était au courant de rien de ce qui se passait aux Casernes Centrales et dans la force ? Juste à faire jouer ses contacts pour que la Commission de Pourvoi en Grâce annule la condamnation à la prison de son fils pour détournement de fonds, annulation immédiatement paraphée par l’ex-Président de la République ? Ou bien à ordonner qu’une escouade de policiers entoure et protège le même fils quand il comparait en Cour pour un autre détournement de fonds !? Ou alors à intenter des procès dont les frais légaux ont coûté à l’État mauricien la bagatelle de Rs 14 millions, dont Rs 5 millions pour le juriste britannique qu’il engagea ?
Avec son mauvais film, l’ex-Commissaire de Police – cet homme qui avait insulté plusieurs religions dans les fameux enregistrements de Missié Moustass – a essayé de se refaire une virginité, de se faire donner le Bon Dieu sans confession. Tout ce qu’il aura réussi, en fait, c’est de faire découvrir aux Mauriciens que leur ancien responsable de police est aussi mauvais acteur qu’il a été mauvais Commissaire !
Jean-Claude Antoine
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