La lutte contre les violences faites aux femmes ne concerne pas seulement les victimes ou les associations féministes. Elle concerne aussi tous les hommes. Et « il est essentiel de les mobiliser comme alliés, pour qu’ils rompent le silence et contribuent concrètement à faire reculer les violences ». C’est ce que met en avant la tribune d’ONU Femmes France publiée à l’occasion de ce 25 novembre 2025, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Son objectif : appeler les hommes à s’engager aux côtés des femmes pour lutter contre les violences. Parce que plus que jamais, il y a urgence.
*Toutes les 10 minutes, une femme est tuée par un proche dans le monde, selon les chiffres d’ONU Femmes de 2023. Pas par un inconnu dans la rue. Par un proche, et en général sous son toit, le lieu où elle devrait se sentir le plus en sécurité.
*Une femme sur trois subit au cours de sa vie des violences, commises dans plus de 90% des cas par des hommes, soit 840 millions de femmes. Dans 97% des cas de viols et 96% des agressions sexuelles, les auteurs sont des hommes.
*De plus en plus, les femmes se font entendre, prennent la parole, racontent, dénoncent, écrivent, militent, tentent de faire avancer la conscientisation et les lois. Mais pas de recul. Au contraire, les chiffres ne cessent d’augmenter. En octobre 2024, au Kenya, le directeur des affaires criminelles a annoncé que 97 Kényanes avaient été tuées en 90 jours… En 2023, en France, 271,000 femmes ont été victimes de violences par leurs partenaires ou ex-partenaires, soit une hausse de 10% par rapport à l’année précédente. 107 femmes ont été victimes de féminicides au sein du couple en 2024, contre 96 en 2023. Et au 23 novembre 2025, on dénombrait 152 féminicides depuis janvier. À Maurice, 3 féminicides ont été recensés au cours de ces 2 derniers mois.
Alors quoi ?
Le silence des hommes doit cesser, et les hommes doivent s’engager de façon résolue à aussi mener ce combat, dit notamment cette tribune publiée par ONU Femmes France et signée par une trentaine d’hommes qui ont été rejoints depuis par des centaines d’autres.
Il y est rappelé que les auteurs de violences ne sont pas des cas isolés et n’ont pas de profil particulier. « Ce sont des hommes ordinaires, de tous âges, tous milieux sociaux, toutes professions. Certains d’entre nous ont découvert la violence dans leurs propres familles. D’autres l’ont côtoyée sans la voir. Tous, nous avons compris que le silence ne protège personne et en premier lieu jamais les victimes ».
Face à ce constat pourtant, beaucoup d’hommes restent en retrait. « Par indifférence ou par doute : est-ce notre place ? Que pouvons-nous vraiment faire ? Ne risquons-nous pas de nous mêler de ce qui ne nous regarde pas ? Cette retenue laisse le champ libre aux auteurs de violence. Elle permet au sexisme ordinaire de prospérer, aux violences de se perpétuer. Ne rien faire, c’est laisser faire », poursuit cette tribune. Qui s’inquiète aussi du fait qu’aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, des discours masculinistes séduisent de plus en plus de jeunes garçons, avec des contenus misogynes présentant les femmes comme des adversaires à manipuler ou des objets à conquérir. « Les cyberviolences envers les femmes atteignent ainsi une virulence inédite : partage de contenus sexuels sans le consentement, cyberharcèlement, raids numériques contre celles qui prennent la parole. Dans de nombreuses parties du monde, les droits des femmes reculent ou sont mis en péril ». Et l’impact personnel, social et économique de ces violences est dévastateur.
« En tant qu’hommes, il est temps de reconnaître la réalité : nos voix, nos actes peuvent faire la différence. Nous ne pouvons plus être seulement témoins. Nous avons tous un rôle à jouer pour faire reculer ces violences qui menacent toutes les femmes, y compris nos mères, nos filles, nos partenaires, nos collègues, nos amies. Être solidaire, ce n’est pas seulement ne pas commettre de violence, c’est aussi passer à l’action ».
Concrètement, les auteurs de cette tribune proposent d’agir à plusieurs niveaux :
*Dans le quotidien : avec l’écoute, le respect, l’égalité dans le foyer et le partage réel des tâches domestiques et parentales ; par l’exemplarité auprès des jeunes garçons, en les éduquant au consentement, au respect, à l’égalité, en leur montrant qu’être un homme ne signifie pas dominer, mais respecter.
*Dans les interactions sociales : intervenir dès qu’un propos sexiste est tenu ; ne plus rire par politesse ; ne plus laisser passer « pour ne pas plomber l’ambiance ».
*Dans son entourage : questionner et faire évoluer ses comportements ; être de véritables acteurs de prévention auprès des autres hommes, auprès des garçons.
*Par son engagement : relayer des messages de prévention et de lutte contre les violences masculines ; s’engager aux côtés des organisations féministes qui luttent sans relâche pour les droits des filles et des femmes.
En clair : ne plus accepter de rester passifs face à ce déferlement de violence au quotidien et devenir des alliés actifs.
Cet engagement, il a donc été signé par diverses personnalités masculines françaises, comme le danseur étoile Hugo Marchand, le médecin militant féministe Gilles Lazimi, l’acteur Bruno Solo, le chef Mory Sacko, l’animateur Nagui, ou encore les chanteurs Michel Jonasz et Vianney. Et par David Pelicot, le fils de Gisèle Pelicot. Celle qui a fait la une des médias internationaux avec le procès « des viols de Mazan », suite à la découverte que son mari, Dominique Pelicot, l’avait pendant des années droguée pour la violer et la soumettre à être violée dans un état d’inconscience par une cinquantaine d’hommes recrutés via internet, en filmant le tout. Du 2 septembre au 19 décembre 2024, le procès a marqué un tournant majeur pour les affaires de viols, notamment conjugaux, les 51 accusés étant jugés coupables, avec des peines allant de trois ans de prison, et vingt ans de réclusion criminelle pour Dominique Pelicot. Cet homme qui a reconnu les faits, et dont France Inter a révélé ce vendredi qu’il cherche un éditeur pour un livre écrit en prison : « Les confessions de Dominique Pelicot écrites depuis sa cellule » (non, il n’y a pas que Nicolas Sarkozy…). Sauf que dans son cas, aucun éditeur n’a pour l’instant souhaité se lancer dans ce projet avec lui.
En septembre 2025, dans un documentaire intitulé « Éduquons nos fils », la réalisatrice Marie-Christine Gambart recueillait le témoignage de quatre hommes un temps considérés comme des « mâles alpha », qui se sont engagés depuis quelques années dans la reconstruction d’une masculinité différente. « Oui, “All men”. On n’est peut-être pas tous coupables, mais on est tous responsables » y dit Cédric Doumbé, champion du monde d’arts martiaux mixtes. « Depuis tout petits, on nous enseigne que la vulnérabilité, c’est de la faiblesse, explique le danseur Bolewa. Ce modèle du “mâle alpha” qui porte tout sur ses épaules, sinon ce n’est pas un homme, génère énormément de violence. » Au Sénégal, un programme national d’éducation masculine positive a été institué récemment par les autorités.
À Maurice, le ministère de l’Égalité des Genres et du Bien-être de la Famille a lancé, le 25 novembre, la campagne « Fam to pa zis enn viktim, to enn sanzman ». Et une activité a eu lieu avec #He4Real, lancé en mars 2025 par un groupe de jeunes garçons du Bhujoharry College, sous le Green Flag Project de l’ONG Passerelle soutenu par l’Australian High Commission in Mauritius, et qui a pour motto « Bhujo Boys Against Toxic Masculinity: It Ends with Us ». Depuis quelques mois, ils œuvrent à éduquer les garçons sur les dangers de la masculinité toxique et leur offrir une nouvelle définition du rôle des hommes dans la société ; sensibiliser les jeunes à l’égalité des genres et au respect mutuel ; créer des espaces de discussion où les garçons peuvent s’exprimer sans peur du jugement ; encourager des comportements positifs pour bâtir une société plus équilibrée et plus sûre.
Les plus jeunes seront-ils porteurs de changement ?
Ce jeudi 27 novembre, Nathacha Appanah a remporté le Prix Goncourt des Lycéens pour son ouvrage La nuit au cœur, qui met puissamment en lumière les féminicides dont ont été victimes sa cousine Emma à Maurice et Chahinez Daoud en France, et dont l’auteure raconte avoir failli elle-même être victime. Quand les jeunes s’emparent résolument de ces questions trop longtemps taboues et tues, c’est peut-être un espoir que le silence ne recouvre plus l’horreur, et que celle-ci apparaisse pleinement comme ce crime inacceptable contre lequel toutes les énergies doivent se liguer…
SHENAZ PATEL
Sortie de texte
Toutes les 10 minutes, une femme est tuée par un proche dans le monde, selon les chiffres d’ONU Femmes. Dans 97% des cas de viols et 96% des agressions sexuelles, les auteurs sont des hommes. De plus en plus, les femmes se font entendre, prennent la parole, racontent, dénoncent, écrivent, militent, tentent de faire avancer la conscientisation et les lois. Mais pas de recul. Au contraire, les chiffres d’agressions contre les femmes et de féminicides augmentent de façon vertigineuse. Alors quoi ? « Le silence des hommes doit cesser, et les hommes doivent s’engager de façon résolue à aussi mener ce combat », dit notamment cette tribune publiée par ONU Femmes France et signée par une trentaine d’hommes qui ont été rejoints depuis par des centaines d’autres. Y a-t-il moyen de faire entendre que loin de ne concerner que les victimes ou les associations féministes, la lutte contre les violences faites aux femmes concerne aussi, activement, tous les hommes ?

