C’est l’un de ces dossiers que le temps n’arrive jamais à enterrer. Une nuit de juillet, une maison de la côte est cambriolée, une figure locale de premier plan s’y trouve en compagnie d’une invitée, et les deux Sherlock de service surgissent sur les lieux presque aussitôt, avec une rapidité qui, encore aujourd’hui, interroge plus qu’elle ne rassure. Ce qui aurait pu rester un simple incident nocturne bascule alors dans un scénario nettement plus trouble.
Des années plus tard, un témoin qui fut longtemps proche du pouvoir affirme qu’un récit alternatif aurait été fabriqué dans les minutes qui ont suivi le cambriolage. Selon lui, on lui aurait demandé de jouer un rôle qui n’était pas le sien, de prêter sa voix à une version construite de toutes pièces pour détourner les regards. Cette mise en scène supposée mène à l’arrestation d’un innocent, retrouvé mort dans sa cellule. Une blessure qui n’a jamais cicatrisé.
Les poursuites seront finalement rayées pour insuffisance de preuves, mais l’essentiel ne se trouve pas dans le verdict. Il réside dans le fait que les deux Sherlock de cette nuit-là — présents dès les premières secondes, au cœur de l’épisode et de tout ce qui a suivi — ont, des années plus tard, réapparu au sommet de leurs institutions respectives. Comme si leur destin restait étroitement noué à celui de la figure locale qu’ils entouraient alors. Et peut-être bien que l’inverse est tout aussi vrai.
Ce secret de Polichinelle — connu de tous, prononcé par personne — brouille aujourd’hui les cartes du changement. À tel point que même ceux qui se veulent porteurs de rupture se retrouvent embarrassés, la moustache boudeuse, piégée dans l’entrelacement persistant de loyautés anciennes et de vérités jamais dissipées. On peut effacer des accusations, pas la mémoire. Et tant que cette histoire continuera de hanter le paysage, ceux qui y furent mêlés demeureront, qu’on le veuille ou non, intouchables.

