Apres les révélations des scandales et des abus financiers commis par les membres et protégés de l’ancien régime qui sont dénoncés mais restent, pour le moment, impunis, abordons un autre sujet qui interpelle les Mauriciens : la lutte contre les trafiquants de drogue. Face au développement de ce trafic devenu un des principaux fléaux du pays, face aux dénonciations des ONG, des forces vives et des familles de consommateurs, qui sont majoritairement des victimes, les précédents gouvernements ont été obligés de prendre des mesures. Plus exactement de dire qu’ils en prenaient sans aller au bout de la démarche. Ce qui fait que toutes les recommandations du rapport de la commission sur la drogue n’ont pas été mises en application par le précédent gouvernement dirigé par Pravind Jugnauth. Dont l’une des plus importantes : le démantèlement de l’Anti Drug and Smugling Unit (l’ADSU). Cette recommandation avait été faite puisque la commission estimait qu’au lieu d’être une partie de la solution pour le combat contre les trafiquants de drogue, cette unité de la police était, au contraire, une partie du problème. Malgré les déclarations répétées du précédent Premier ministre affirmant « mo pou kass lé rein baron la drogue », on assista, au contraire, à leur prolifération, au développement de leur « industrie » au vu et au su de tout le monde, sauf de la police. Il y eut quelques saisies de drogue ultra médiatisées permettant à l’ex-PM de clamer que sa politique donnait des résultats. Ces saisies ont également permis à l’ex-commissaire de police de tenir une conférence de presse pour montrer qu’il faisait bien son travail en s’attaquant aux barons de la drogue. Sauf que dans la réalité, à part quelques notables exceptions, ce sont surtout des petits poissons qui étaient arrêtés, alors que les gros requins parvenaient toujours à s’échapper des mailles du filet de la police. Tandis que le trafic continuait comme si de rien n’était. Comme les barons bénéficiaient de protections occultes.
Depuis quelques semaines, des arrestations de mules et des saisies de drogues sont effectuées et très médiatisées. Les nationalités diverses et variées des transporteurs de drogue démontrent qu’au lieu d’être ralentie, à défaut d’être stoppée, le trafic est en train de se développer sur une grande échelle. Ce qui inquiète davantage les travailleurs sociaux et les observateurs sur le terrain c’est que les arrestations et les saisies médiatisées n’ont pas affecté l’offre. Selon certaines sources, elle serait même en pleine expansion, comme si les saisies médiatisées ne représentaient qu’une infime partie du trafic. Les ONG et des travailleurs sociaux commencent à demander s’il ne serait pas temps de s’interroger sur l’efficacité du travail de ceux qui sont censés mener officiellement le combat contre le trafic de drogue. Car si les saisies n’affectent qu’une petite partie du marché, cela signifie que malgré le travail de l’ADSU, le trafic continue de plus belle. On peut aussi se demander s’il n’y a pas parmi ceux qui saisissent des brebis galeuses qui partagent une partie des prises avec les trafiquants en alimentant le marché ?
D’autant plus qu’il arrive parfois que le poids de la drogue saisie – et annoncée triomphalement – diminue de moitié lorsqu’elle est pesée aux Casernes Centrales. Théoriquement, les drogues saisies sont brûlées une fois par an par la police. Mais puisque nous sommes dans un temps de suspicion, est-ce vraiment de la drogue que l’on brûle lors de ces opérations médiatiques destinées à montrer l’efficacité du travail de la police, dont celui du gouvernement ? Que ceux qui se scandaliseraient de la teneur des questions qui précèdent, se rapportent au fait que des hauts gradés de la police ont été arrêtés pour détournement à leur profit des millions du reward money officiellement destiné aux informateurs de la police pour des saisies de drogue !
Quoi qu’il en soit, le constat est sans appel : malgré les déclarations politiques et les opérations de la police, le commerce de la drogue continue à se développer à Maurice ! Il est grand temps pour le gouvernement, dit du changement, d’envisager de réformer ou de fermer l’ADSU, puisqu’il n’arrive pas à lutter efficacement contre la prolifération de la drogue à Maurice. À l’époque, l’ex-Premier ministre avait systématiquement rejeté cette éventualité et il semble que son successeur soit en train de suivre la même voie. Qu’est-ce qui empêche, donc, les dirigeants de ce pays de toucher à cette unité de la police, ne serait-ce que pour la reformer et la rendre plus efficace dans le combat qu’elle est censée mener contre les trafiquants de drogue ? Qu’est-ce qui rend l’ADSU intouchable ?