L’hécatombe continue sur nos routes. Les drames s’ajoutent aux drames. Les noms de Kelyan Alfred (3 ans), Laeticia Ramkalawon (25 ans), Amrita Luchmun (69 ans) et Muzzamil Hossenbocus (30 ans) – victimes d’accidents où sont impliqués des conducteurs testés positifs à l’alcool et aux drogues – étaient sur toutes les lèvres, hier, à la marche pacifique organisée, à Rose-Hill, par le Mouvement pour la sécurité et la justice routière. La mort de Feroz Mowlabocus (63 ans), mercredi, soit une dizaine de jours après le décès du petit Kelyan (même accident à La Cure), est venu se greffer à la longue liste des victimes liées aux dérives qui contaminent bon nombre de Mauriciens plongés dans l’enfer de l’addiction, mais qui font quand même le choix éhonté de prendre le volant sous l’influence de stupéfiants. Le message est, désormais, clair et limpide : la police, les politiques et le judiciaire doivent changer leur fusil d’épaule pour mettre hors d’état de nuire ces fous furieux !
Le bilan est très lourd : 110 victimes et 102 accidents recensés du 1er janvier au 1er novembre de cette année. 2,700 conducteurs ont été interpellés pour alcool au volant et 700 pour drogue, en ces 10 premiers mois de 2025. Les vidéos, postées sur les réseaux sociaux, donnent froid dans le dos. Des conducteurs avachis, s’apprêtant visiblement à prendre le volant. Claquement involontaire des dents, pupilles dilatées avec le regard hagard. Quitte à se frotter parfois les yeux, on prend la mesure de la gravité de la situation. Week-End avait, dès le début de l’année, glosé sur le comportement des ces chauffeurs d’autobus se sentant pousser des ailes, au point de prendre le volant sous l’emprise de drogues synthétiques.
Le mouvement de colère survenu devant la station de police de Camp Levieux après le drame routier ayant coûté la vie à Muzammil Hossenbocus le 7 novembre, et le document révélé dans la foulée par le Directeur des poursuites publiques (DPP) – ayant trait aux informations cruciales non transmises par la police sur les circonstances de l’accident, entraînant ainsi sa remise en liberté du suspect – aura été le déclencheur du ras-le-bol général et de l’appel lancé par le Mouvement pour la sécurité et la justice routière à la population pour descendre dans les rues de Rose-Hill, hier.
« Policiers corrompus ! »
« Ce combat continuera inlassablement et nous invitons non seulement des Mauriciens de toutes les communautés à se mobiliser, mais à nous rejoindre dans cette louable initiative », confie Ishtiyaq Caunhye, porte-parole du mouvement qui a été mis au parfum, comme nous, de la missive adressée, vendredi, au DPP, Mᵉ Rashid Ahmine, pour demander l’accélération du dossier concernant l’homicide involontaire de Muzammil Hossenbocus.
Face à la soudaineté avec laquelle l’irrémédiable s’est produit, les plus sincères condoléances ne suffisent pas, et Mehmet Hossenbocus, le père de Muzammil, peine à mettre des mots sur ce que qu’il ressent : « On est désemparé. C’était vraiment un bon garçon, très populaire en raison de son engagement dans le social. Il venait aussi de se marier le 28 juin dernier. Son épouse Shifa Hooboyekhan est dévastée par cette terrible perte. Li pe demann kouraz a So Rabb pou sirmont sa bann moman difisil la ek li krwar ki enn zour li pou rezwenn so misie dan Jannah. »
Les manifestants n’ont pas lésiné sur les slogans pour exprimer leur courroux face aux « baron ladrog ki touy nou zenfan » et « aux policiers corrompus ». Au cœur de la marche, d’autres participants, munis de pancartes, ont analysé avec sévérité l’« incapacité de l’État de réduire l’échelle du problème », en présence de plusieurs membres du gouvernement, dont le ministre Deven Nagalingum, le Junior Minister Sydney Pierre, ainsi que les députés Farhad Aumeer et Eshan Juman. Des membres de l’opposition extra-parlementaire étaient aussi de la partie, dont Patrick Belcourt (EAM), Raouf Khodabaccus (Linion Moris) et Bruneau Laurette.
Cette forte mobilisation révèle une dynamique sociale orchestrée par des organisations citoyennes qui souhaitent peser de tout leur poids dans la bataille contre ce fléau qui tue de plus en plus de Mauriciens. Rien ne justifie quelque mansuétude, que ce soit lorsque la dépendance établie est de longue date, ni le profond mal-être. Un tour de vis radical s’impose et le système judiciaire se doit de prononcer des peines à la hauteur de la gravité des faits causés par défiance envers l’État.
« Nous attendons des actions fortes et solides comme la création d’une Road Safety Night Squad et d’une Emergency Response Team pour être présentes la nuit sur les routes, et ce, afin de contrôler les chauffards qui n’ont aucun respect pour la vie d’autrui et qui détruisent des familles par leur irresponsabilité », souligne Ishtiyaq Caunhye.

