Les débats sur le budget ont pris fin dans une ambiance qui aurait pu être bien plus sereine. Une absence d’invectives de la part des tout-puissants membres de la majorité, qui entachent la qualité des échanges, jusqu’ici de bonne tenue, aiderait certainement à établir un peu plus le contraste avec le bazar qu’animait un certain Sooroojdev Phokeer, le goalkeeper de Pravind Jugnauth. Une page est tournée, il faut quelle le soit de manière définitive.
Le paiement de la pension universelle à 65 ans a été au cÅ“ur des discussions, ces derniers dix jours. Les ministres et députés de l’alliance du changement se sont démenés pour justifier une réforme trop longtemps repoussée et qui a conduit à la dérive de ce poste budgétaire devenu l’un des plus conséquents des dépenses nationales.
Les deux comités qui planchent sur les aménagements possibles de la réforme devraient très vite soumettre leurs préconisations au gouvernement qui déciderait alors des mesures de correction qui s’imposent.
On connaît déjà les orientations du comité que préside le ministre de la Sécurité Sociale, Ashok Subron et qui vont dans la direction d’un soulagement pour 15,000 personnes âgées entre 60 et 65 ans qui continueront de percevoir les Rs 15,000 de pension mensuelle.
Le statistiques révélées par le ministre à l’issue de la réunion du comité, mercredi dernier, sont également intéressantes. Ceux qui travaillent toujours entre 60 et 65 ans, alors qu’ils perçoivent aussi la pension universelle, sont de l’ordre de 27% avec un chiffre de 39% pour les 60/61 ans et 15% pour les 64/65 ans. C’est dire que tous ne sont pas à plaindre…
Les travaux de ce large comité ministériel ne sont pas terminés. Ils étudient la possibilité de maintenir le paiement de la pension pour certaines catégories vulnérables, dont les personnes en incapacité de travail pour raisons médicales. La situation des femmes seules avec des personnes à charge devrait aussi retenir l’attention du comité.
On avance vers un système mieux ciblé, plus juste, et c’est ce qu’il fallait faire depuis bien longtemps. Depuis que le ministre des Finances Pravind Jugnauth avait décidé, en 2004, d’accorder la pension à ceux qui touchent moins de Rs 20,000 par mois. Et Rs 20,000 mensuelles en ce temps-là sont les Rs 50,000 d’aujourd’hui !
C’est un rappel nécessaire pour ceux qui auront oublié qu’avant d’être le démagogue qui a constamment essayé d’acheter des votes en dilapidant les deniers publics, le leader du MSM pouvait faire preuve d’audace et se porter garant de la bonne gestion de l’argent des contribuables. Mais çà , c’est de l’histoire bien ancienne…
Puisqu’il s’agit de bonne gestion, impossible de ne pas commenter la saga de l’argent de récompense destiné à ceux qui aident la police à traquer bandits et trafiquants de drogue. On sait maintenant que certains s’en sont mis plein les poches.
Pas moins de Rs 250 millions de « reward money » auraient été probablement détournées. C’est le directeur par intérim de la Financial Crimes Commission, Sanjay Dawoodarry qui l’a révélé en cette fin de semaine. D’autres chiffres effarants émergent aussi en ce début d’investigation à l’effet que certains hauts gradés auraient subtilisé jusqu’à Rs 30 millions chacun. C’est le loto sans jouer pour ces bandits en uniforme.
Les révélations, c’est bien, mais il faut aussi aller rapidement au bout de cette affaire et surtout remonter au cerveau qui tripotait dans la caisse noire du « reward money » et qui partageait allègrement le butin avec d’autres « tripoux ». Le rôle de l’ancien commissaire de police Anil Kumar Dip, parti un peu trop facilement avec indemnités, Porsche et autres avantages, doit être scrupuleusement scruté.
Après ce qu’on a pu entendre de ces hauts faits sur les enregistrements des Moustass Leaks, il est devenu impératif de creuser davantage sur ses activités. Il ne faut, surtout pas, oublier que c’est sous son mandat que des pressions ont été exercées pour que son fils bénéfice d’un allègement de sa peine de 12 mois de prison à une amende de Rs 200,000, alors même que la chef juge avait rejeté sa demande de recours au conseil privé. Rs 200,000 pour le détournement de Rs 80 millions, la République devenue un vrai « wonderland » pour les membres de la galaxie Jugnauth.
Comme le hasard fait bien les choses, c’est pendant que la FCC enquête sur le détournement de la rétribution destinée aux informateurs de la police que le procès contre le fils Dip – maintenu par un directeur des poursuites publiques, qui n’a pas été plus que ça impressionné par le statut du père ni par l’indulgence suspecte de la commission de pourvoi en grâce – se déroule devant les tribunaux.
On apprend du chef suppléant des enquêteurs de la FCC que Chandra Prakashsing Dip aurait alimenté son compte personnel à hauteur de Rs 1,5 millions provenant du détournement des Rs 80 millions dérobées de la défunte Bramer Bank et que le reste aurait été déposé sur les comptes de ses proches.
Ce procès est très instructif sur le mode opératoire utilisé par le fils Dip avec des compagnies incorporées juste avant que l’argent des déposants de la banque ne soit volé. Ces compagnies sont demeurées inactives depuis. Tout du crime organisé, quoi !
Les enquêtes s’enchaînent, c’est bien. Entre les valises bourrées de Rs 114 millions et de montres Hermès, et les facilités généreuses et frauduleuses octroyées par la MIC, en passant par l’achat des équipements d’écoutes téléphoniques à Rs 450 millions en 2020, cela démontre que la nouvelle équipe qui dirige la FCC prend son rôle très au sérieux.
Si le public apprécie, il s’attend aussi à voir tomber les premières condamnations et l’emprisonnement de ceux qui ont pillé les fonds publics et, surtout, la restitution de l’argent volé à la trésorerie nationale.
Il s’attend aussi à ce que la Cour décide avec discernement et qu’elle n’absolve pas de dangereux criminels ou qu’elle fasse preuve d’une inexplicable indulgence envers des prédateurs sexuels, en les laissant en liberté pour qu’ils récidivent. Ne rien lâcher sur le front de la traque des corrompus et des bandits, voilà ce que veulent les Mauriciens, en sus de leurs intérêts immédiats.
JOSIE LEBRASSE