Non habemus pacem…

« La paix soit avec vous tous. Telle est la première salutation du Christ ressuscité (…). Je voudrais moi aussi que cette salutation de paix entre dans vos cœurs, qu’elle parvienne à vos familles, à tous les hommes, où qu’ils soient, à tous les peuples, à toute la Terre. » Ce sont les premiers mots prononcés ce jeudi 8 mai 2025 depuis la loggia des bénédictions de la basilique Saint-Pierre, par le nouveau pape Léon XIV, qui se présentait ainsi au monde.
Au monde oui, on peut ainsi le dire, car les catholiques représentent aujourd’hui, selon l’Annuarium Statisticum Ecclesiae, près de 1,4 milliards de personnes dans le monde, soit environ 18% de la population mondiale répartie à travers tous les continents. Avec un déplacement du centre de gravité de la religion chrétienne de l’Europe vers l’Amérique latine et l’Afrique.

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Il est aussi évident que la figure du pape dépasse la communauté catholique, comme l’a montré notamment le pontificat du pape François. Et que sa parole a un impact qui va au-delà des pratiquants de cette religion sur bien des sujets, comme la place des femmes, des divorcés, des membres de la communauté LGBTQIA+, des migrants. Ses prises de position en leur faveur ayant marqué son pontificat. Ce qui a, parallèlement, conduit certains à parler d’un « affaissement du poids de la parole du pape dans les consciences catholiques » jugeant ses déclarations trop « libérales »…

Les spéculations ont également été mondiales quant à l’identité de son successeur. Le consensus semble avoir prévalu autour du cardinal, Robert Francis Prevost : il aura fallu seulement quatre tours de scrutin pour voir la fumée blanche s’élever place Saint-Pierre, ce qui en fait l’une des élections les plus rapides de l’Histoire de la papauté, est-il souligné.
À 69 ans, Robert Francis Prevost devient, nous dit-on, le premier pape américain de l’histoire. Y aurait-il des suspicions ou craintes de recul à entretenir, surtout après que le Président américain Donald Trump, dans une énième outrance, s’est affiché en costume de Pape quelques jours auparavant sur ses réseaux sociaux ?

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Les premiers éléments semblent plutôt rassurants. On apprend ainsi qu’il conviendrait peut-être mieux de dire du nouveau pape qu’il est « originaire des États Unis », tant son identité se révèle cosmopolite : né à Chicago d’un père franco-italien et d’une mère espagnole, il a vécu et exercé au Pérou pendant plus de 20 ans et possède d’ailleurs la double nationalité américaine et péruvienne.

Celui que le quotidien italien La Repubblica avait décrit comme « le moins américain des Américains » en raison de son ton modéré était particulièrement apprécié par le pape François, qui l’a propulsé dans la hiérarchie vaticane. Pendant des années, il s’est immergé dans les « périphéries », ces territoires éloignés ou délaissés jusqu’ici par l’Église ; a soutenu l’évolution de la pratique du pape François permettant aux catholiques divorcé-es et remarié-es civilement de recevoir la communion ; a assis une réputation d’homme d’écoute, et de modéré capable de concilier des points de vue divergents. Le pape Léon XIV est aussi, apprend-on, proche de l’archevêque de Chicago, Blase Cupich, un des grands opposants au Président Donald Trump au sein de l’épiscopat américain, et premier à s’élever contre la politique anti-migrants de ce dernier.

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Dans son premier discours, ce nouveau pape a appelé à « construire des ponts par le dialogue, par la rencontre, nous unissant tous pour être un seul peuple, toujours en paix ».
Le monde a, donc, un nouveau pape. Mais la paix qu’il prône semble plus que jamais éloignée de ce même monde.

Selon les données fournies par l’ONG Armed Conflict Location and Event Data (ACLED), qui cartographie les conflits à travers la planète, le monde a connu l’an dernier une flambée des conflits, et la violence politique a augmenté de 25% dans le monde en 2024 par rapport à 2023, avec une personne sur huit exposée à un conflit, et 223,000 personnes tuées. Au cours de ces cinq dernières années, les conflits mondiaux ont été multipliés par deux.

Si la Palestine et l’Ukraine apparaissent comme les deux principaux foyers mondiaux de conflit, d’autres régions du monde sont aussi affectées par des conflits et guerres parfois moins médiatisés, mais inquiétants. On estime ainsi à 50 le nombre de pays en proie à un conflit actif dans le monde.

L’ACLED a ainsi établi une liste de surveillance sur laquelle figurent le Soudan, le Sahel et la région des Grands Lacs en Afrique, le Mexique, la Colombie, le Myanmar, l’Iran, le Liban, la Birmanie. Cela avant que ne s’invite sur le devant de la scène, ces dernières semaines, le conflit armé déjà meurtrier entre l’Inde et le Pakistan…
L’ONU estime que 305 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire en 2025.

Et ce vendredi 9 mai 2025, pour commémorer le 80ème anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie et de la fin de la 2ème guerre mondiale, la Russie s’est livrée à une véritable démonstration de force militaire sur la Place Rouge, y déployant un impressionnant dispositif guerrier, et y faisant défiler 11,500 soldats.

Non habemus pacem. La paix semble être un vœu pieux…
Et pour beau qu’il soit, ce n’est pas le dernier geste du défunt pape François qui nous rassurera. Conformément à ses derniers souhaits avant sa mort, le Vatican vient de faire savoir que sa papamobile (qui avait servi notamment à son voyage à Bethléem en 2014) sera donnée à la branche de Caritas à Jérusalem, et sera transformée en dispensaire humanitaire pour soigner les enfants de Gaza. Avec à son bord des médecins et du matériel de diagnostic, d’examen et de traitement.

« Grâce à ce cadeau offert par le pape François, il sera possible d’atteindre les enfants qui n’ont aujourd’hui pas accès aux soins, notamment les enfants blessés et mal nourris. Il s’agit d’une intervention concrète et vitale, alors que le système de santé de Gaza est presque complètement à terre. Ce n’est pas seulement un véhicule, c’est un message : le monde n’a pas oublié les enfants de Gaza », déclare à ce sujet le secrétaire général de Caritas Suède, Peter Brune.

La veille de sa mort, dans son message à l’occasion de Pâques lu par un collaborateur depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape François avait dénoncé la « situation humanitaire dramatique et ignoble » à Gaza. Il avait aussi réitéré son appel à un cessez-le-feu, à la libération des otages israéliens, et pour la paix.
« La paix ne dépend ni de l’homme politique, ni de l’homme d’Église, non plus de l’avocat ou du policier. La paix est un état d’esprit indissolublement lié à l’amour », disait Krishnamurthi.

Hélas, les hommes politiques se montrent de plus en plus ouvertement belligérants ; l’économie mondiale semble s’alimenter et prospérer de sa propre logique des conflits ; les hommes religieux (car ce sont toujours des hommes, n’est-ce pas ?) conduisent en réalité aussi souvent à la guerre qu’à la paix ; et la police, l’actualité, y compris locale, en dit plus que long sur sa violence accrue.

« Je sais, un peu partout, tout le monde s’entretue, c’est pas gai. Mais d’autres s’entrevivent, j’irai les retrouver », écrivait Jacques Prévert.
Mais comment se retrouver dans cette paix décrite comme « un rêve suspendu » par Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies. Organisme plus que jamais battu en brèche par le va-t-en-guerre des puissants de ce monde ? Et alors même, pour nous à Maurice, qu’une partie de notre territoire, celui des Chagos, reste dévolu à une base militaire américaine, celle de Diego Garcia, qui risque plus que jamais de devenir un point chaud dans les conflits qui menacent à tout moment d’exploser ?
SHENAZ PATEL

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