Présences polluantes

Pas de raz-de-marée ni à Port-Louis et encore moins à Rose-Hill, malgré la sensibilité du sujet qu’est la pension. De nombreux Mauriciens sont en colère, mais ils attendent de voir ce qui sortira des deux comités mis sur pied par le gouvernement pour se pencher sur la réforme de la pension. La décision du Conseil des ministres, vendredi, d’accorder un court délai à ces comités, une semaine, pour produire des recommandations a, sans doute, tempéré les ardeurs de ceux qui voulaient protester.
Si certains attendaient de voir comment se déroulent les événements pour rejoindre le mouvement, ils ont dû rapidement se raviser après avoir constaté que Pravind Jugnauth et Renganaden Padayachy, tous deux en liberté conditionnelle pour des faits extrêmement graves, ainsi que ses anciens ministres Bobby Hureeram, Kalpana Koonjoo-Shah, Alan Ganoo et Steve Obeegadoo étaient au rassemblement de Port-Louis.
Des présences polluantes ! On ne sait pas si le déploiement de moyens, ici et là, et le prix de la confection de T-shirts et de banderoles provenaient d’une quelconque valise, mais ce qui est certain, c’est que cet affichage commun entre les syndicats et des figures qui ont été balayées par le peuple n’aidera pas la cause des anti-pension à 65 ans.
Les syndicats n’en sont pas à leur énième contorsion près. À l’exception de quelques dirigeants lucides, tous ceux qui vociféraient hier dans la capitale s’étaient montrés extrêmement mutiques lorsque le NPF a été liquidé et que la taxe qu’est la contribution sociale généralisée avait été introduite. Ils n’avaient pas évoqué, alors, le fait que le projet n’était pas dans le programme de Lalians Lepep et que le gouvernement de 2019 n’avait pas mandat pour introduire une telle mesure.
Certains, faut-il le répéter, à l’instar de Reaz Chuttoo, s’étaient transformés en promoteurs zélés de la CSG. Les Rs 44 milliards pris des poches des salariés ont été dilapidés et plus rien dans ce fonds qui a servi à “fer la bous dou”.
Si les syndicats étaient honnêtes et patriotiques, ils expliqueraient aux salariés que les chiffres sont implacables et que l’enjeu est simple : la réforme c’est aujourd’hui, sinon ce sera la pension réduite demain ou pas de pension du tout pour personne. Les Mauriciens doivent penser à ceux qui triment aujourd’hui et qui risquent de se retrouver bien dépourvus demain.
Tout cela ne devrait pas occulter ce que le MSM, qui tente de se refaire une virginité, représente : un pouvoir mafieux dont la philosophie depuis sa création en 1983 est d’endormir le peuple avec des prébendes, pendant qu’en haut, les dirigeants remplissaient leurs valises en détournant l’argent de ce même peuple.
Cette semaine encore a apporté la preuve de ce qu’un régime corrompu et ses satellites peuvent accomplir en terme de pillage des resources publiques. L’assistant commissaire de police Lilram Deal, protégé de l’ancien gouvernement, a passé la nuit de vendredi en cellule. Il est accusé d’avoir détourné une partie du “reward money” destiné aux informateurs de la police, les indics, comme on les appelle dans le jargon policier.
Lilram Deal n’est pas n’importe qui. Il faisait partie du cercle restreint de la famille Jugnauth. C’est lui qui avait été choisi pour diriger la cellule anti-terroriste attachée au bureau du Premier ministre. La révélation, l’année dernière, de sa participation avec Lockdev Hoolash, chef du service de renseignements, à la mission visant à ramener Navin Kisnah du Mozambique en 2017, parti au lendemain de la saisie de Rs 2 milliards de drogue, avait déjà fait jaser autant que ses nombreuses missions à l’étranger en compagnie de Nayen Kumar Lallah, secrétaire au cabinet et cousin de Lady Sarojni Jugnauth.
Tout dans l’affaire Kisnah, qui croupit toujours en prison depuis huit ans, pue la pègre. On y trouve tous les ingrédients d’un système bien rôdé, drogue, gros sous et, probablement, blanchiment dans le circuit des courses hippiques.
A-t-il été question de “reward money” dans cette affaire ? Quel usage a été fait de cette manne mise à la disposition de la police par l’ancien commissaire de police Anil Kumar Dip ? Le fait de mettre la main dans la caisse a-t-il pu faire dérailler certaines enquêtes cruciales et continuer à protéger les gros bonnets ? Ce sont des questions auxquelles doivent s’attaquer la Financial Crimes Commission, mais aussi la police.
Non moins caractéristique d’un “State capture” affiné est l’affaire SBM/Maradiva qui a valu à l’ancien directeur de la banque, financée par l’État, Premchand Mungur, une arrestation durant la semaine écoulée. Il est accusé d’avoir manœuvré pour que cet organisme rachète les crédits à hauteur de Rs 490 millions de l’hôtel Maradiva auprès d’une autre banque qui s’apprêtait à mettre le “fleuron” de Kobita Jugnauth et Sanjiv Ramdanee en liquidation. Les modifications apportées au Hotel Investment Certificate par Pravind Jugnauth pour “aider la famille” n’avaient probablement pas suffi.
Dans la catégorie des perles rares dénichées par l’ancien gouvernement, il y a Anil Kumar Kokil et son COIREC (Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd) créé du jour au lendemain par Steve Obeegadoo pour prendre le contrôle du Champ de Mars, arraché à la municipalité de Port-Louis pour faciliter l’arrivée de PTP et les petites affaires de Monsieur Lee Shim, le bailleur de fonds du MSM.
En tant que directeur de COIREC, il a décidé qu’il n’allait pas autoriser la manifestation contestant le report de l’accès à la pension universelle de 60 à 65 ans au Champ de Mars, alors que la police avait accordé son autorisation de principe moyennant celui des autres parties impliquées.
Le bureau du Premier ministre n’a pas tardé à réagir et à annuler la décision du petit potentat orange en y ajoutant à cela la seule décision qui s’imposait : le renvoi pur et simple de ce nominé politique de l’ancien gouvernement.
Débattre des sujets sociaux du jour est un impératif démocratique, mais banaliser la corruption à grande échelle, l’enrichissement personnel et le vol au grand jour des ressources publiques est aussi un crime.

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