Quand le soleil dansera encore ?

Le titre est inspiré du film Fatima, qui passe actuellement sur Canal+ et se réfère au miracle du soleil, où environ 70 000 personnes ont été témoins d’un phénomène extraordinaire. Un bref rappel de cet événement avant de m’aventurer ailleurs. Au Portugal en 1917, trois jeunes enfants, Lucie, Jacinthe et François, racontent avoir vu la Vierge Marie. Apparitions qui ont pris fin le 13 octobre 1917, après qu’une foule de curieux, de croyants et de non-croyants ont vu le soleil danser dans le ciel.

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J’ai imaginé que cela se reproduisait. Mais pourquoi donc une telle envie de surnaturel en cette époque si terre à terre, trop cartésienne même ? Tout simplement parce que, malgré les leçons tirées des confinements et de leurs conséquences, l’essentiel est déjà oublié et nous sommes repartis à vive allure dans nos travers, nos échéances épuisantes et nos mauvaises habitudes. Nous oublions que nous avons nos limites, nos trop-pleins et que la fatigue nous colle à la peau dès qu’on en fait un peu trop. Si nous étions, aujourd’hui, une foule de plusieurs centaines de milliers à voir danser le soleil, nous prendrions certainement un bon recul par rapport à notre rythme effréné.

L’activisme s’est insidieusement imposé dans notre quotidien et y a pris une place envahissante. De rendez-vous en réunions, de rencontres en engagements, les jours passent, les semaines s’accélèrent et les mois se succèdent sans que nous puissions vraiment nous arrêter. Ne serait-ce que pour un instant suffisamment réparateur ! Ne serait-ce que pour ralentir la cadence ! Cette course qui n’en finit pas pousse même certains d’entre nous dans leurs derniers retranchements, où découragement et léthargie s’installent, où renfermement et égoïsme s’implantent, où le burn-out menace.

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Tels des métronomes lancés dans une course minutée, le pas s’accélère, nous entraînant dans un marathon sans limites. Dans cette folie dévastatrice, nous rêvons de nous poser pour profiter du temps présent. Excellente pensée ! Mais quand cette démarche sera-t-elle vraiment possible, et de manière bénéfique et durable ? Il faut certes commencer par prendre la décision de se poser pour y arriver, mais faut-il encore que la situation dans laquelle nous vivons nous la permette ! Et quand nous n’y parvenons pas, ce besoin intense devient comme un leitmotiv culpabilisant : « Il faut que je m’arrête. J’ai besoin de temps libre. Je veux vivre l’instant présent. C’est cela, je veux vivre l’instant présent. Il faut que je m’arrête. J’ai besoin de temps libre… » Stop ! Que les désirs difficilement réalisables, les cris et les ras-le-bol cessent de nous peser et de nous faire languir d’un autre présent. Celui-ci est celui que nous avons et de l’avenir nous n’en savons rien. Basta! Que le désir ardent et sincère d’un avenir trop idéaliste ne nous dévore pas et qu’il soit juste une occasion d’espérer et de rechercher ce qui est meilleur, sans se mettre trop la pression.

À trop vouloir être et avoir autrement, nous perdons pied dans des désillusions et des frustrations. Il serait plus sage de ne pas rester prisonniers d’objectifs inatteignables et d’ambitions insatiables. Les objectifs sont là pour nous faire aller le plus loin possible bien entendu et nous donner, par la suite, un sentiment de satisfaction et de devoir accompli. Si nous ne les atteignons pas, en revanche, ils nous auront quand même permis de faire du chemin et d’acquérir de l’expérience là où nous ne nous serions peut-être pas aventurés.

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Et si notre objectif était de ralentir le pas ? Car à trop se laisser entraîner dans une vie speed, le spleen peut s’installer. Tout comme la saison froide et sombre laisse sa place à la chaleur et à la lumière, nos os humides et fatigués reprennent vie, espoir et force. Quel sera notre nouveau leitmotiv : stop ou encore ?

Devant les paysages ensoleillés qui nous sont donnés en ce moment, j’ai bien envie de peindre les mots et d’écrire les paysages. Brumes et nuages ne confondent plus le ciel bleu. Mots, phrases et vers créent la poésie sur une feuille blanche. La plume va au rythme d’une danse guidée par les lettres de l’alphabet. La musique s’impose dans la tête comme une douce mélodie apaisante. Débarrassons-nous du métronome qui, tel un marteau-piqueur dans notre tête, nous rappelle sans cesse tout ce qu’il nous reste à faire et le peu de temps dont nous disposons pour réaliser nos tâches.

Levons donc la tête — et le pied ! —, stoppons-nous rien qu’un instant, juste le temps d’une petite danse en solo ou d’un pas de deux, et réjouissons-nous du soleil qui brille. Il ne dansera peut-être pas encore (ou peut-être que si, qui sait), mais il est suffisamment merveilleux de savoir qu’il se lève chaque jour pour les bons et les mauvais.

Et à défaut de le voir danser, continuons notre petite danse légère et joyeuse, avant que nous ne sachions plus sur quel pied danser avec cette vie qui nous tient en haleine.

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