Question bête

L’opposition avait reproché à Pravind Jugnauth — avec raison — de s’être fait élire en caressant dans le sens du poil l’électorat du 3e âge avec sa promesse d’augmentation de pension de vieillesse. Les résultats des dernières élections lui ont donné raison puisqu’il les a remportées — avec ses alliés — avec seulement 37% des suffrages, c’est-à-dire contre plus de la moitié du pays. Un pays où plus d’un tiers de l’électorat — tendance en augmentation — dégoûté des partis politiques et des politiciens refuse d’aller accomplir son devoir civique — et/ou celui du troisième âge — représente, lui, 30% des électeurs. Depuis 2019, les partis politiques de l’opposition ont compris l’importance du vote des nana et des nani, des grands-pères et des grands-mères et autres gran dimounn, et ont commencé à se livrer a une opération séduction pour les inciter à changer de camp politique pour les prochaines élections. C’est dans le cadre de cette stratégie de séduction que l’opposition a cru frapper un grand coup, lors de sa conférence de presse de fin d’année. En sus de Paul qui Bérenger qui continue à affirmer « élections derrière la porte » et de Xavier Duval qui annonce « qu’il faut en finir avec le gouvernement MSM », c’est à Navin Ramgoolam, futur Premier ministre annoncé et incontesté — pour le moment — qu’échut le privilège de faire la promesse électorale. Quand l’alliance de l’opposition aura remporté les prochaines élections, le nouveau gouvernement va « faire passer la pension de vieillesse à Rs 13 500 pour tous les Mauriciens âgés de plus de 60 ans. » C’était, dans l’esprit des stratèges de l’opposition — les counterparts de ceux de Lakwizinn — couper l’herbe sous les pieds du leader du MSM en l’embarrassant sur son propre terrain : celui des promesses d’augmentation du montant de la pension de vieillesse.

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Pravind Jugnauth ne pouvait laisser passer cette incursion sur son terrain de prédilection et se devait de réagir par une contre-proposition pour « rassurer» son électorat. Il choisit, évidemment, son message à la nation pour donner la réplique à Navin Ramgoolam — qu’il dit être un loser qui ne l’intéresse pas, mais dont il réagit à la moindre déclaration. On connaissait le Bonom Nwel avant Noël, on découvrit, le 1er janvier 2024, le Bonom Nwel apre Noël. Réagissant à la promesse de son challenger, en haussant les enchères, Pravind Jugnauth vint annoncer qu’il n’avait pas besoin d’attendre les prochaines élections pour faire le montant de la pension de vieillesse atteindre les Rs 13 500 promises par Navin Ramgoolam. C’est tout de suite — c’est-à-dire à la fin de janvier — que cette somme sera payée.

Mais gros hic : seuls ceux qui ont déjà 75 ans auront droit à l’augmentation. Si les plus de 75 ans applaudirent à tout rompre ceux qui n’ont pas encore eu trois fois 25 ans — la majorité de ceux qui touchent la pension de vieillesse — se sentirent trahis. En réagissant rapidement à la promesse de Navin Ramgoolam, Pravind Jugnauth vient de fracturer l’électorat du troisième âge qui l’avait soutenu en bloc aux dernières élections. Cette partie de l’électorat a déjà fait savoir son profond mécontentement aux députés orange de leurs circonscriptions. Leur mécontentement s’ajoute à celui des milliers d’employés du secteur privé, qui n’avaient pas eu droit aux Rs 2 000 d’allowance pour le end of year party, une allocation généreusement octroyée aux fonctionnaires par le gouvernement à travers le ministre des Finances. Des mécontents susceptibles de rejoindre le camp de l’opposition pour montrer leur colère dans un pays où l’électeur a appris, des politiciens, qu’un vote ça se monnaye et que le retournement de veste politique est pratiquement un sport national. Il est évident que pour éteindre l’incendie qu’il vient d’allumer, Pravind Jugnauth aura besoin de donner des gages — une augmentation uniforme de la pension de vieillesse ? — tandis que l’opposition va sans nul doute renchérir et hausser les enchères. On l’aura compris : la campagne électorale a commencé sur des chapeaux de roues et promet d’être fertile en rebondissements au niveau des promesses faites à l’électorat. Des promesses qui ressemblent de plus en plus à des bribes électoraux.
Question bête : est-ce que, comme d’habitude, ce sont les contribuables qui vont payer les promesses électorales des politiciens ?

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