Rann nou kass !!!

Du rififi à la tête de la Banque de Maurice (BoM), instance régulatrice qui n’arrive pas à se réguler elle-même, alors que le pays vit une situation économique et financière extrêmement difficile.

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Appelé par le Premier ministre à démissionner suite à ses différends avec le Gouverneur de l’institution, le Second Deputy Governor à la Banque de Maurice, Gérard Sanspeur a fait ce vendredi un certain nombre d’accusations très graves.   

Il dénonce, par exemple, un per diem de Rs 73,000 par jour lors de missions à l’étranger. « Prendre Rs 73,000 par jour lorsqu’un pays traverse une telle situation, je trouve que c’est faire preuve de gourmandise », dit-il.

Il pointe aussi des conflits d’intérêt par rapport à certaines personnes et entreprises. Une influence qu’il juge excessive dans des dossiers stratégiques comme la Basic Retirement Pension portée de 60 à 65 ans sans consultation. Et puis, il s’insurge contre le refus répété de procéder à un audit complet de la Mauritius Investment Corporation (MIC).

Incorporée le 2 juin 2020, la MIC avait notamment pour mission d’assister les entreprises mauriciennes viables qui se retrouvaient en détresse financière en raison de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19.

D’entrée de jeu, la MIC a été dotée d’un budget de Rs 80 milliards alloué par la Bank of Mauritius. Mais de nombreuses questions n’ont pas tardé à surgir sur la façon dont ces  investissements ont été instrumentalisés par le gouvernement de Pravind Jugnauth.  Depuis le changement de gouvernement en novembre 2024, plusieurs enquêtes ont été initiées par la Financial Crimes Commission (FCC), ayant conduit notamment à l’arrestation de l’ex-Chief Executive Officer de la MIC, Jitendra Bissessur, ce 2 avril 2025.

Au 30 septembre 2024, la MIC avait investi un total de Rs 56,8 milliards dans 60 entités.

Plusieurs de ces milliards seraient déjà irrécupérables. Par exemple, dans le cas de Best Construct, société de construction qui a reçu Rs 180 millions de la MIC au cours de l’exercice financier 2022-23, qui n’a rien remboursé et qui a été mise sous administration volontaire, il y a deux mois.   

Il y a aussi, parmi les actions controversées de la MIC, les Rs 45 millions accordées à Menlo Park Ltd et ses sondages en faveur de l’ex-gouvernement. Ou encore le Rs 1 milliard accordé à Mauriplage Beach Resort Ltd, gestionnaire de Maradiva Villas Resort and Spa qui appartient au beau-frère de l’ex-Premier ministre ; les Rs 650 millions attribués à un autre proche de l’ex-pouvoir pour son Luxury Retirement Village.

Et puis, et puis, il y a ces autres transactions qui interrogent grandement. Notamment ces espèces de « trocs » en échange de terres dont l’évaluation reste curieusement opaque. Le conglomérat Médine, grand propriétaire de terres dans l’Ouest, qui « cède » 579,2 arpents de terrains à la MIC pour Rs 2,5 milliards. Ou le rachat par la MIC de terres d’Omnicane pour un montant de Rs 4,5 milliards. Et puis, les Rs 1,3 milliard attribués à Rogers Hospitality Operations Ltd (anciennement VLH Ltd), les Rs 2 milliards à l’hôtel Long Beach, les Rs 1,1 milliard à Anahita Hotel, les Rs 550 millions à Merville Ltd, Rs 500 millions à Attitude Hospitality Ltd, Rs 65 millions à Zilwa Attitude.

Beaucoup, beaucoup d’argent à des entités qui ont depuis repris du poil de la bête. Et au sujet desquelles se pose la question légitime de savoir pourquoi elles ne remboursent pas cet argent public, alors qu’elles sont parallèlement en train d’attribuer des dividendes à leurs actionnaires privés…

La mauvaise gestion du dossier de la MIC et de la Banque de Maurice ne risque pas seulement d’avoir de sévères répercussions sur l’économie mauricienne. Elle risque aussi de nourrir le ras-le-bol, voire la colère face à une situation où l’exploitation foncière et financière de notre pays ne cesse de se faire au profit des mêmes intérêts historiques, avec la complicité de gouvernements avides de s’en mettre quelques millions dans les poches au passage. Et alors que le reste de la population se voit confrontée à des difficultés économiques grandissantes.

Face à cette débauche de milliards « gaspillés », il nous a été annoncé en grande pompe par le gouvernement, cette semaine, que Rs 400 millions provenant du Fonds de stabilisation des prix seront utilisées afin de réduire d’environ 10% les prix de 5 produits de base, à savoir le lait en poudre, l’huile comestible, le lait infantile, les couches pour bébés et le fromage. Une mesure valable pour six mois. Ok. Quelques roupies de moins sur 5 produits.

Dans la même semaine, l’Africa Wealth Report 2025 de Henley & Partners en partenariat avec New World Wealth, publié le mardi 26 août, nous révèle que Maurice affiche l’une des plus fortes progressions sur le continent africain du nombre de millionnaires (+63%) de 2015 à 2025, alors même que d’autres pays enregistrent une baisse marquée de leurs populations de millionnaires (Nigeria – 47% ; Angola – 36% ; Algérie – 23%). Maurice se classe ainsi au 6e rang des pays les plus riches d’Afrique en nombre de personnes fortunées, avec 4,800 millionnaires dont 14 centi-millionnaires (détenant plus de 100 millions de dollars). Sur notre côte ouest par ailleurs grandement affectée par la pauvreté, Rivière-Noire se révèle être la région africaine avec la plus importante croissance du nombre de millionnaires (+105%) entre 2015 et 2025, devant Marrakech (Maroc) et the Whale Coast (Afrique du Sud). Elle concentre à elle seule 1,100 millionnaires et 6 centi-millionnaires.

Combien de temps ces inégalités et, surtout, leur étalage seront-ils supportables ?

En France, selon une information de Mediapart rendue publique en cette fin de semaine, le Premier ministre François Bayrou, qui appelle actuellement les Français à se serrer la ceinture, s’apprête à rénover son bureau de maire à Pau, dans un souci de redonner à son espace de travail son « esprit d’antan » du XIXe siècle. Coût de l’opération : 40,800 euros d’argent public. Cela, alors même « qu’il est lancé en pleine croisade contre l’endettement de la France et qu’il a promis de s’attaquer aux avantages indus des élus », souligne le journal Libération. Ce qui rajoute, sans nul doute, du fuel à l’appel au débrayage général lancé pour le 10 septembre.

Toujours cette semaine, l’Indonésie a été secouée par de violentes manifestations. Un premier défi pour M. Prabowo Subianto qui, lors de son accession à la Présidence du pays le 20 octobre 2024, avait promis une croissance rapide. Mais sa gestion de l’économie, les coupes budgétaires généralisées annoncées cette année et des licenciements massifs ont suscité le mécontentement de la population.

Le 25 août, des mobilisations se sont tenues devant le Parlement, réclamant une hausse du salaire minimum face aux indemnités jugées indécentes des députés, notamment leur allocation mensuelle de logement de 50 millions de roupies (près de 10 fois le salaire minimum à Jakarta). Ce jeudi 28 août, la capitale était paralysée par des manifestations ouvrières, syndicales et  étudiantes. Et les forces de l’ordre ont rapidement perdu le contrôle. Affan Kurniawan, 21 ans, conducteur de moto-taxi, qui effectuait ce soir-là une livraison de repas, aurait été violemment percuté et écrasé par un véhicule blindé de la brigade mobile (Brimob) lors d’affrontements entre policiers et manifestants. C’est en tout cas ce que montre une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Ce drame a fait basculer la contestation sociale en véritable crise nationale, avec de vifs affrontements entre police et manifestants à travers l’Indonésie.

Partout autour de nous, la contestation qui monte et parfois explose dit aussi combien des populations ne supportent plus les contradictions de leurs gouvernements entre austérité prônée pour les plus vulnérables et laxisme exercé pour les déjà puissants…

SHENAZ PATEL

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