Une refonte législative ambitieuse visant à restaurer l’éthique, renforcer la gouvernance et mettre fin aux dérives du passé
Plus de pouvoir au Chief Executive Officer de la GRA
Le gouvernement de Navin Ramgoolam a tranché. Avec l’adoption de la Gambling Regulatory Authority (Amendment) Act 2025, c’est une page décisive qui se tourne dans l’histoire des courses hippiques à Maurice. Marqué par des années d’instabilité, de perte de crédibilité et d’influences privées opaques, le secteur hippique est désormais placé sous une supervision plus rigoureuse. L’État affiche sa volonté de restaurer l’intégrité d’une industrie longtemps laissée à elle-même.
Dès les premières lignes du texte de loi, le ton est donné : il ne s’agit pas d’un ajustement cosmétique, mais d’un véritable basculement de modèle. La Gambling Regulatory Authority (GRA), longtemps critiquée pour son manque d’autorité, se dote enfin d’une structure cohérente. Huit divisions formalisées y sont désormais instituées, avec des fonctions bien définies et des pouvoirs renforcés. Parmi elles, la Horse Racing Integrity Division s’impose comme le cœur névralgique du nouveau dispositif. Elle est chargée de surveiller de bout en bout le fonctionnement du secteur, des conditions d’organisation des courses à la délivrance des licences, en passant par la prévention du dopage et le contrôle des standards de sécurité.
L’objectif affiché est de reprendre la main sur un univers où les organisateurs de courses jouissaient jusqu’ici d’une autonomie quasi totale. Les Rules of Racing, autrefois rédigées et imposées par les opérateurs eux-mêmes, devront désormais être approuvées, voire édictées, par la GRA. La régulation ne se fera plus dans l’ombre, mais dans un cadre harmonisé, aligné sur les meilleures pratiques internationales.
Le coup de grâce symbolique est, sans doute, porté au COIREC, cette entité née sous l’ancien régime et devenue le point de passage obligé dans la prise de contrôle du Champ-de-Mars, au détriment du Mauritius Turf Club. Désormais, le champ de courses national ne sera plus entre les mains d’un organisme opaque. Il sera administré par une entité publique désignée, rompant définitivement avec la confusion des genres entre pouvoir administratif et intérêts privés. Autre nouveauté majeure, les licences professionnelles sont encadrées avec bien plus de rigueur.
La GRA est investie du pouvoir de délivrer ou de retirer les accréditations des jockeys, entraîneurs, stables et centres équestres, selon des critères harmonisés et vérifiables. Ce nettoyage de fond s’accompagne d’une réforme financière importante. Tout entraîneur ou propriétaire d’écurie devra désormais fournir une garantie bancaire de trois millions de roupies, destinée à couvrir les salaires impayés ou les dettes, en cas de défaut. Une mesure de sécurité inédite qui vise à éviter les dérives financières souvent ignorées jusqu’ici.
Sur le terrain des paris également, l’État durcit les règles. Il ne sera plus possible pour un bookmaker d’opérer simultanément sur l’hippodrome et hors site. La séparation est nette, la régulation précise. Le totalisateur devient l’apanage exclusif des organisateurs agréés, mettant fin aux combinaisons floues entre promoteurs et opérateurs de paris.
Enfin, la réforme rehausse les seuils de transparence financière. Toute transaction supérieure à Rs 50,000 devra être déclarée, et le seuil d’influence dans une entité passe de 10 à 20% pour éviter les manipulations en coulisses. La GRA, dans sa nouvelle configuration, se dote aussi de mécanismes internes plus robustes: un secrétaire du conseil est officiellement institué, des comités spécialisés pourront être constitués par division, et la coordination interservices est renforcée.
À travers cette réforme, le gouvernement tente de rebâtir la légitimité d’un secteur en crise. Le texte est ambitieux, la structure solide. Mais le défi sera dans l’application. C’est là que la GRA sera attendue au tournant. Car si les lois peuvent changer les cadres, seules la volonté politique et la fermeté dans l’exécution peuvent changer les pratiques.
Ce qui change avec la nouvelle loi
1. Création de la Horse Racing Integrity Division
Remplace l’ancienne Horse Racing Division.
Supervision renforcée des courses, du dopage, de la sécurité et de l’éthique.
Contrôle accru sur les jockeys, entraîneurs, vétérinaires et centres équestres.
2. Refonte des Rules of Racing
Désormais approuvées et imposées par la GRA, et non par les organisateurs eux-mêmes.
Alignement sur les normes internationales pour plus de transparence.
3. Caution bancaire obligatoire
Rs 3 millions exigés aux entraîneurs et propriétaires d’écuries pour couvrir dettes salariales et litiges.
Sécurisation financière accrue dans le secteur.
4. Réglementation des opérateurs de paris
Seuls les organisateurs de courses peuvent désormais opérer un totalisateur.
Interdiction pour un bookmaker d’opérer à la fois sur et hors du champ de courses.
5. Seuils financiers revus à la hausse
Déclaration obligatoire pour toute transaction supérieure à Rs 50,000 (au lieu de Rs 10,000).
Seuil d’“intérêt significatif” dans une entreprise porté à 20% (contre 10% auparavant).
6. Suppression du COIREC
Le Champ-de-Mars pourra être administré par toute entité publique désignée par l’État.
l Fin légale de la délégation exclusive accordée
à COIREC.
Suite à une intervention illicite sur ordre d’un supérieur ? —
Nevin Seengh limogé : une décision révélatrice des tensions à la GRA
Le récent licenciement de Nevin Seengh, ancien responsable légal de la Gambling Regulatory Authority (GRA), est à la fois la conclusion d’une faute professionnelle avérée et le révélateur d’un climat trouble au sein de l’institution, où la gouvernance semble marquée par des influences ambiguës et des pratiques discutables.
C’est à l’issue d’un comité disciplinaire que Nevin Seengh a été démis de ses fonctions, après avoir pris l’initiative d’écrire au nom du comité d’appel de la GRA pour demander le report d’une audience disciplinaire visant l’entraîneur Preetam Daby. Une démarche jugée inacceptable par le président dudit comité, M. Aboobaker, ainsi que par l’avocat de l’entraîneur Preetam Daby, Me Yahia Nazroo, qui ont dénoncé un vice de procédure.
Nevin Seengh a reconnu les faits, mais a tenté de justifier son action en affirmant avoir agi sous les instructions directes du président de la GRA. Selon ses déclarations lors de son audition, ce dernier l’aurait sommé, sur un ton autoritaire, de demander ce renvoi. Pourquoi? Des propos que le président a, bien entendu, formellement démentis.
Le comité disciplinaire a tranché : en s’arrogeant des prérogatives qui n’étaient pas les siennes, Nevin Seengh a violé les principes de séparation des fonctions. Il aurait dû savoir que même sous pression, il lui appartenait d’agir en toute indépendance. Sa mise à pied apparaît donc justifiée sur le fond, bien qu’elle soulève des questions sur la responsabilité partagée dans cette affaire.
Un président de la GRA déjà controversé
Ce dossier met également en lumière la personnalité controversée du nouveau président de la GRA, Veeshal Chumroo. Loin de faire l’unanimité, il est accusé par plusieurs sources d’entretenir des rapports trop étroits avec certains acteurs du monde hippique – précisément ceux qui sollicitent régulièrement les services et autorisations de la GRA. Cette proximité, jugée excessive, pose un problème de fond : celui de l’impartialité et de la neutralité que doit incarner un régulateur dans un secteur aussi sensible.
Un risque pour
l’équilibre de la GRA
Chacun se souvient aussi de cet épisode troublant : alors en déplacement officiel à Londres, le président aurait exigé l’annulation d’une décision du board concernant la nomination d’un cadre, au seul motif qu’elle avait été prise en son absence. Un geste interprété comme une volonté de contrôle absolu, incompatible avec la collégialité attendue d’un organe de gouvernance.
Dans la nouvelle configuration institutionnelle, où les pouvoirs de la CEO Mme Divya Ringadoo de la GRA ont été renforcés, le rôle du président aurait dû s’inscrire dans une logique d’équilibre et de supervision modérée. Pourtant, son attitude inquisitrice et interventionniste suscite l’inquiétude. Si ces pratiques persistent, elles pourraient nuire à la stabilité et à la crédibilité de l’organisme, déjà fragilisé par des décisions confuses et des conflits internes.
L’affaire Nevin Seengh, loin de se limiter à une erreur individuelle, révèle un malaise plus profond au sein de la GRA. Elle appelle aujourd’hui à une clarification urgente des rôles, des responsabilités et des limites de chacun, afin de restaurer un climat de confiance autour d’une institution censée réguler avec rigueur, indépendance et transparence.
Il est urgent que le président Veeshal Chamroo se contente de présider, laisse travailler l’éxécutif et prenne de la distance avec ses amis, acteurs hippiques, car il est impérieux que l’institution GRA soit et soit perçu comme étant impartial et incorruptible…et soit au dessus de tout soupçon. Le nouveau gouvernement n’a pas amené les changements en cours pour que les courses hippiques se retrouvent au même niveau que ces dernières années à cause de quelques brebis galeuses qui vont compromettre son intégrité.
Que chacun rentre dans ses bottes et travaille de concert et dans les règles pur redonner aux courses ses lettres de noblesses et non y voir une opportunité pour se vautrer dans la maldonne. A bon entendeur….
Amendements à la GRA Act —Vers la fin du monopole de SMSPariaz ?
La saison hippique 2025 s’annonce sous le signe de la saine concurrence
Parmi les bruits qui courent avec insistance dans les coulisses du monde hippique, l’un des plus retentissants concerne SMSPariaz et la possible fin de son monopole sur les paris à cotes fixes (« fixed odds betting ») via communications électroniques. Si rien n’est encore officiellement confirmé par les autorités, plusieurs signaux convergent : l’opérateur historique devrait bien être reconduit pour la saison 2025, mais il ne sera peut-être plus seul en piste.
D’après des sources bien informées, un second opérateur serait sur le point d’obtenir une licence pour proposer lui aussi des paris à cotes fixes. Il s’agirait d’un bookmaker bien connu de la région de Flacq, qui aurait su se constituer des appuis solides, à la fois sur le plan local et (potentiellement) international. S’il obtient effectivement son ticket d’entrée, ce serait la première fois depuis des années que Jean Michel Lee Shim et son empire de paris seraient confrontés à une véritable concurrence directe sur ce segment très lucratif.
Depuis plusieurs années, SMSPariaz évolue dans une position quasi exclusive, captant à son profit une part croissante du marché, au détriment du Tote classique et des petits opérateurs indépendants. La possible ouverture à la concurrence marque un changement de paradigme important, dans un secteur souvent critiqué pour son manque de transparence et son apparente concentration de pouvoir.
À en croire son habileté politique, Jean Michel Lee Shim ne devrait pas s’opposer publiquement à cette évolution. Il pourrait même se fendre de déclarations conciliantes, réaffirmant qu’il est « favorable à la libéralisation du marché dans l’intérêt des turfistes ». Mais nul doute qu’en coulisses, des efforts seront déployés pour maintenir ses positions dominantes, notamment via des ajustements stratégiques ou des alliances ciblées.
Habitué à jouer sur plusieurs tableaux, le promoteur de SMSPariaz saura, sans doute, activer les bons leviers, qu’ils soient juridiques, techniques ou politiques, pour défendre ses intérêts. Mais le vent tourne. Et cette fois, il pourrait bien devoir composer avec un adversaire aux dents longues, désireux de prendre une part du gâteau…
A cause d’une décision qui discrédite le GM—
Anil Kokil démasqué :une dérive autoritaire, un limogeage salutaire et un passé révélateur
Le masque est tombé. En voulant faire interdire la manifestation pacifique de la plateforme commune syndicale contre le passage de la pension de vieillesse de 60 à 65 ans, Anil Kokil a signé sa propre disgrâce. Ce nominé politique, parachuté à la tête de la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd (COIREC), a été limogé séance tenante. Une décision à la hauteur de la gravité de son geste.
Ce que ce scandale révèle, cependant, dépasse la simple maladresse administrative. Car Anil Kokil n’est pas un inconnu du paysage politico-administratif. Il fait partie de ces nominés de l’ancien régime MSM, maintenus en poste malgré l’alternance, et dont le rôle fut stratégique dans une opération bien plus vaste : celle visant à déloger le Mauritius Turf Club (MTC) de son fief historique du Champ-de-Mars.
Le COIREC a en effet été créé dans la foulée d’une manœuvre politique de grande envergure, qui visait à favoriser un nouvel acteur hippique, proche du pouvoir de l’époque : le People’s Turf PLC de Jean Michel Lee Shim. Ce dernier, en accédant au statut d’organisateur officiel des courses, a pu s’imposer au Champ-de-Mars tout en développant à Petit Gamin une nouvelle infrastructure hippique, dans l’optique d’y transférer un jour tout le calendrier des courses. Le but ultime étant de lever suffisamment de fonds pour financer le pouvoir politique de l’époque
Kokil, en tant que CEO de la COIREC, était un rouage central de cette stratégie. Il incarnait ce pouvoir administratif mis au service d’intérêts économiques et politiques publics et privés, au détriment de la transparence et de l’intérêt public. Sa récente tentative de museler la première mobilisation syndicale d’envergure contre le nouveau gouvernement n’est donc pas un dérapage isolé. Elle s’inscrit dans une logique de contrôle autoritaire et de mépris des droits fondamentaux.
Heureusement, le Premier ministre Navin Ramgoolam a su réagir avec fermeté. Il s’est immédiatement dissocié de la décision du CEO de la COIREC, qu’il a qualifiée d’« inacceptable », et a demandé au Commissaire de police d’ignorer la lettre d’interdiction envoyée par Kokil. Mieux encore, le contrat de ce dernier a été résilié dans la foulée.
L’affaire Kokil est donc un double révélateur. D’une part, elle montre que certaines pratiques autoritaires héritées de l’ancien régime persistent au sein des institutions publics. D’autre part, elle met en lumière la nécessité de nettoyer en profondeur ces organes publics qui continuent de servir des agendas opaques, comme celui de l’emprise passée et progressive de Jean Michel Lee Shim sur les structures hippiques du pays.
Le limogeage d’Anil Kokil n’est pas qu’une sanction individuelle : c’est un signal politique. Il rappelle que la démocratie ne peut tolérer des dirigeants publics qui agissent en mercenaires d’intérêts particuliers. Et qu’au Champ-de-Mars comme ailleurs, la voix du peuple ne peut être confisquée.