Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Deven Nagalingum, s’est engagé, depuis sa prise de fonction, le 22 novembre dernier, dans un combat contre ce qu’il appelle la « mafia dans le sport ». En maintes occasions d’ailleurs, a-t-il précisé, il coupera « latet serpan » ! Sauf que lui, ne dispose pas de katanas comme Deadpool, héros de Marvel. Son principal atout : une détermination sans bornes avec, bien évidemment, le soutien indéfectible du Premier ministre, Navin Ramgoolam, et de son adjoint, Paul Bérenger.
Toutefois, sa décision de s’asseoir, il y a une semaine, à la même table que la Mauritius Football Association (MFA), représentée par son président, Samir Sobha, pour évoquer une relance, sonne comme un coup d’épée dans l’eau ! Cela, au moment même où un vent s’est levé pour rendre le sport plus crédible et intègre. Pourquoi donc le football et pas une autre discipline, notamment celles qui font honneur au pays et qui se démènent, avec très peu de moyens, pour exister, contrairement à la MFA ?
Que cela soit toutefois très clair. Il n’est nullement de notre intention d’user des termes de Deven Nagalingum, ni de les associer à la MFA et encore moins à une autre fédération. Pourquoi alors dénoncer une alliance gouvernement-MFA tout en étant conscient qu’une discipline peut réaliser des meilleurs si elle est pleinement soutenue par l’État ?
La raison est toute simple et Deven Nagalingum sait mieux que quiconque qu’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre ! À moins qu’il l’ignore, sa posture vis-à-vis de la MFA tranche diamétralement avec celle adoptée en mars dernier. Cela, au moment où il avait alerté, au nom du gouvernement, le Comité international olympique sur la situation d’illégalité de certaines fédérations par rapport aux lois du pays !
Dans ce contexte, comment un gouvernement qui a bâti sa campagne sur le changement peut-il accepter de se mettre à la même table qu’une fédération qui est en situation irrégulière depuis 2014 au lieu de la sanctionner selon la loi sportive ? L’ancien ministre des Sports, Stephan Toussaint, ne l’a-t-il pas confirmé à l’Assemblée nationale, avant de suspendre la MFA en mars 2023, mais sauvée ensuite par la fédération internationale et grâce au coup de pouce inattendu du Comité olympique mauricien (COM) ?
Pourquoi et comment la MFA n’a-t-elle pas été inquiétée ces 11 dernières années ? Alors que pourtant, le Registrar of Associations aurait dû user de ses pouvoirs pour la désenregistrer. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Est-ce à comprendre qu’Arvin Boolell, alors député de l’opposition, avait raison d’évoquer, en juin 2019 à l’Assemblée nationale, « une connivence entre le Registrar of Associations et la MFA » ?
Deven Nagalingum n’a-t-il pas lui-même indiqué que le Cabinet allait mener une enquête sur certains dirigeants sportifs ? Dans ce contexte, n’était-il pas important de réclamer d’abord des comptes à la MFA, notamment sur ses finances, avant de parler de relance ? Est-ce à comprendre que le Registrar of Associations a validé les annual returns de cette fédération sans même reconnaître ses statuts pendant toutes ces années ?
Dans le cas contraire, qui s’est assuré que les finances de la MFA soient en phase avec les bonnes pratiques financières de ce pays ? Deven Nagalingum sait-il aussi que la MFA a bénéficié, pendant des années, de centaines de millions de roupies de la fédération internationale sans qu’un exercice de contrôle rigoureux n’ait été mis en place comme l’exige le protocole financier ?
Ce qui nous amène à dire que tout projet d’envergure doit obligatoirement être accompagné de personnes responsables, motivées et déterminées. À Côte d’Or, apprenons-nous du reste, de grands chantiers sont en cours, avec la collaboration du ministère des Sports, pour une révision de la formation.
Un maillon essentiel qui a tant fait défaut au cours de ces dernières années et qui nécessitera le soutien du secteur privé. Les fonds recueillis seront ainsi gérés dans la transparence par une fondation déjà sur pied, composée des personnes intègres. Quel sera donc le rôle de la MFA dans cette équation ?
Même si une collaboration avec la fédération semble inévitable, il est important que la relance ne se fasse pas à n’importe quel prix ! Car, qui dit changement d’orientation, dit aussi changement d’hommes et de femmes. Sauf qu’à Maurice, le gouvernement a décidé de faire, non pas du neuf avec du vieux, mais du bon avec une équipe qui a lamentablement failli à ses responsabilités et qui, pourtant, se retrouve au premier rang pour… relancer le football !
Jean-Michel Chelvan