Revendications de la rue : Les dérives de la réforme de la pension

  • La Basic Retirement Pension (BRP) à Rs 13 500 à 60 ans s’estompe de plus en plus avec la déclaration de Jugnauth à Pailles du 1er octobre
  • Face aux assurances du ministre Padayachy, la réalité des déductions sur les fiches de paie des salariés à la fin d’octobre avec la CSG fait tiquer plus d’un
  • Des fonctionnaires appréhendent un coup fourré avec le prochain rapport du PRB mettant fin à l’exemption aux contributions à la Contribution Sociale Généralisée (CSG)

Les dérives de la réforme de la pension risquent de venir se greffer au tableau de revendications de la rue en prévision du rassemblement annoncé pour le 7 novembre prochain dans la circonscription du Premier ministre de Quartier-Militaire/Moka (No 8). D’une part, l’élimination d’un trait de plume dans le dernier budget du National Pensions Fund (NPF), guichet incontournable pour une pension à la retraite à 60 ans et son remplacement par une taxe sous forme de Contribution Sociale Généralisée (CSG), contestée de manière véhémente aussi bien par les salariés que par les employeurs. D’autre part, la déclaration du PM, Pravind Jugnauth, à l’occasion de la Journée internationale des Personnes âgées, jeudi, préparant le terrain à un éventuel revirement de situation par rapport à la promesse électorale pour une pension de vieillesse à Rs 13,500 par mois. Puis, il y a les appréhensions entretenues par les plus avisés au sein de la fonction publique à l’effet que l’exemption aux fonctionnaires des déductions mensuelles ne pourrait être qu’éphémère une fois le prochain rapport du Pay Research Bureau (PRB) rendu public.

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Pour des observateurs avertis, la problématique de la pension transcende les groupes d’âges, les catégories socio-économiques. “Il n’y pas que ceux qui sont âgés de plus de 60 ans qui se préoccupent de la pension à la retraite. Certes, pour cette catégorie de Mauriciens, après de longues années de bons et loyaux services, la pension mensuelle reste une question de survie. Mais aujourd’hui, dès qu’un jeune trouve un emploi, s’il en trouve avec les temps qui courent suite à la pandémie de Covid19, il est confronté à chaque fin de mois, en consultant sa fiche de paie, à la taxe imposée pour assurer le fonds pour la CSG”, note le syndicaliste Rashid Imrith.

“Ce que le ministre des Finances, Renganaden Padyachy, a fait dans le budget, aucun de ses prédécesseurs n’a osé le faire. Il a enclenché l’abolition à terme de l’universalité de la pension de vieillesse à 60 avec l’abolition du Fonds National de Pensions, en vigueur depuis 1978 après de hautes luttes sur le plan politique et social”, poursuit-il.

Avec les premières déductions au titre de la CSG à la fin du mois de septembre, les salariés ont dû se rendre compte du montant prélevé de leurs salaires mensuels comparativement à leurs précédentes contributions sous le NPF (voir fiches de paie comparatives plus loin). Fort de son slogan dans le budget pour le Marketing politique de la CSG, le Grand Argentier a tenté de remettre une couche au cours de la semaine écoulée en déclarant qu’au moins quatre petites et moyennes entreprises sur cinq ne seront pas affectées par l’introduction de la CSG, qui reste encore en travers de la gorge de Business Mauritius.

Avec l’abolition du plafond de Rs 18,740 pour l’application du pourcentage de contribution au Fonds national de Pension devenu caduc, tous les salariés devront constater des changements dans leurs fiches de paie à cet item. “Ceux de la classe moyenne, qui ne bénéficient pas de Grants pour la construction de leurs logements et autres facilités et qui essuient de plein fouet les retombées de Covid-19, sont parmi les plus affectés avec la CSG. Chaque roupie en moins à la fin du mois s’ajoute au lourd fardeau de cette catégorie de Mauriciens et de l’ensemble des salariés”, poursuit le syndicaliste.

Le président de la Fédération des Syndicats du Secteur Public (FSSP) attire l’attention sur la situation prévalant dans le secteur public où deux formules de pension sont en application. “Contrairement à ses aînés, tout fonctionnaire ayant pris de l’emploi après janvier 2013 contribue un pourcentage de ses salaires à un Defined Contribution Pension Scheme avec le montant de sa pension non connu, alors que les autres fonctionnaires sont dans un Defined Benefits Scheme leur permettant de connaître à l’avance le Lump Sum et le montant de la pension”, ajoute-t-il comme pour bien situer l’enjeu de la pension.

Néanmoins, la principale crainte latente dans la fonction publique concerne l’exemption à la contribution à la CSG — avec le gouvernement actuellement prenant à sa charge le montant total des déductions — qui pourrait ne pas être permanente. En effet, cette décision en faveur des 58,520 fonctionnaires détenant des Funded Posts dans le service civil est perçue comme étant “discrimintoire envers les autres salariés du pays dans la difficile conjoncture.”

Sur ses gardes

Mais l’appréhension la plus préoccupante se situe au niveau du prochain rapport du PRB, qui doit, en  principe, prendre un effet rétroactif à partir du 1er janvier 2020. Ainsi, l’une des éventuelles recommandations au chapitre des conditions de service pourrait s’articuler autour de l’imposition de ces déductions dans les salaires des fonctionnaires pour les besoins de la CSG. En tout cas, du côté de la fonction publique, au vu de l’évolution de la situation des finances publiques, l’on reste sur ses gardes et surtout dans le sillage de la dernière déclaration du PM au Sawmi Vivekananda International Convention Centre, jeudi dernier.

Devant une assistance composée majoritairement de personnes du 3e âge, Pravind Jugnauth a commenté les perspectives pour la pension avec en toile de fond la pandémie de Covid-19 tout en rappelant que “ant novam 2014 ziska zordi, basic retirement pension finn ogmant par 148%.” Mais avant d’effleurer les risques que la promesse électorale de l’Alliance Morisien de la pension de vieillesse à Rs 13 500 ne puisse se matérialiser, il est revenu sur le fait que la pension est passée de Rs 3,600 à Rs 9,000.

“Zot kone nou program dan la kanpagn elektoral noun dir ki nou pou ogmant pansion avan la fin nou manda nou pou fer li vin 13,500 roupi “ poursuit-il avant d’être interrompu par des applaudissements de l’audience. Il ne devait pas cacher son étonnement devant cette réaction.

“Mo bien kontan zot pe aplodi me sa sete pandan la kanpagn ceki nou ti dir nou pou fer. Antretan nou finn gagn Covid-19 ki finn met lemond a zenou. Mo dir nou ban senior nou Covid Safe me so linpak lor lekonomi li enorm lor tou ban sekter. O fet, tou ban lekonomi dan lemond pe contrakte. Savedir sa gato ki nou ti pe prevwar kan nou ti pe fer kanpagn, nou ti dir nou pou fer gato la grosi pou ki saken gagn enn pli gro par, malerezman sa gato-là pe retreci”’, s’est appesanti le PM.

Pravind Jugnauth ne s’est pas arrêté dans son analyse en faisant état des propositions des institutions internationales pour une révision des prestations sociales. Pour l’exercice financier en cours, le budget prévoit une enveloppe de Rs 35,1 milliards au titre des Social Benefits, dont Rs 27,7 milliards pour le paiement de la Basic Retirement Pension. Ce budget, qui est en hausse de quelque Rs 10 milliards par rapport à la précédente année financière, devra être de l’ordre de Rs 36 milliards en 2021/22 et de Rs 37 milliards pour l’exercice subséquent, alors que techniquement en 2023, la Basic Retirement Pension aurait dû être augmentée à Rs 13, 500 par mois, soit 50% de plus qu’actuellement.

En conclusion, le PM ajoutera que “vu ki Covid fini deza afekte nou ek nou pa kone komie tan ankor li pou ena enn linpak lor nou lekonomi, zot kapav kont lor nou pou fer tou seki nou kapav pou kontinie donn zot ban sipor pou amelior kalite lavi.”

Une façon de dire que la pension s’est déjà invitée à l’agenda des revendications de la rue de demain…

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