Je ne sais plus sur quel pied danser dans cette comédie musicale décalée ou cet opéra tragique qu’est la vie actuelle. Heureusement qu’il y a Jade, dont je vous ai déjà parlé, héroïne du livre Jade et les sacrés mystères de la vie, écrit par François Garagnon. Jade a le don de me mettre de bonne humeur. L’auteur du livre a su utiliser des mots simples et accessibles pour nous mener dans une lecture aussi facile que philosophique et tout autant réjouissante qu’apaisante. C’est un baume au cœur pour jeunes et grands.
Petit extrait : « On a tous des jours de pluie. Mais cela ne change rien au paysage. Regarde par la fenêtre… Tu vois ce paysage. Il est plongé dans la nuit, demain il sera baigné de lumière. Et puis il y aura l’automne, et la neige, puis les fleurs s’épanouiront à nouveau, et enfin on retrouvera la chaleur de l’été. Qu’est-ce qui aura changé ? Tout. Rien. […] C’est toujours le même paysage. Tu es toujours toi. Il faut t’accepter pareillement, sous la neige et sous le soleil. »
Quel beau conseil donné par cette sacrée Jade. Elle nous entraîne dans une danse joyeuse et majestueuse de mots qui s’enlacent et s’épousent avec une exquise fluidité.
En ce jour où j’écris, il n’y a ni soleil ni pluie ! Ils ont tous deux laissé leur place aux nuages insignifiants. Le temps est plutôt hésitant, ne sachant lui aussi sur quel pied danser. Denses sont les nuages lourds, dense est l’atmosphère pesante, pendant que la danse à laquelle s’amuse le soleil derrière la robe aux différents tons de gris est, elle, légère. Tel un enfant, il danse, même si on ne le voit pas, rayonne et réchauffe, même si on ne le sait pas. Danser toujours et encore malgré le temps, avec un cœur d’enfant, n’est-ce pas là le précieux secret d’une vie plus guillerette ? Ce temps me fait penser à ces moments particuliers où nous ne savons plus si nous devons rire ou pleurer. Applaudir ou être sans réaction aucune !
La beauté, pour ne citer que cela, a cette capacité de nous mettre dans cet état : on ne sait pas toujours comment réagir, tant les émotions peuvent aller dans un sens comme dans l’autre. Que ce soit devant un beau coucher de soleil, devant l’étendue du désert qui semble se perdre à l’infini, devant l’immensité et la tranquillité d’une forêt, devant un ciel bleu qui a l’air de se confondre au firmament… Comme ces choses-là, qui nous sont offertes sur un plateau d’argent, sont belles et s’ancrent, à tout jamais, dans notre mémoire !
Mais que dire de cette période actuelle, mémorable et triste, de mise à l’écart de la population non-vaccinée ? Quelle que soit la raison de ce choix personnel ou médical, nous devrions réagir avec plus de raisonnement et de conviction devant cette injustice. Il ne s’agit certainement pas ici d’encourager la désobéissance des lois établies. Mais ne soyons pas candides et si crédules devant les incohérences de nos nouveaux droits et devoirs. C’est le début d’une discrimination, que j’espère éphémère, que nous subissons, sous couvert de protocoles sanitaires. Pendant que les étudiants se fréquentent, se font des checks et certainement des cheek to cheek, quelques rares professeurs préfèrent mettre les élèves non-vaccinés sur des tables séparées ! « Au cas où j’ai la peste ! » me disait un étudiant de 17 ans, déjà testé positif, il y a quelques semaines. Ce qui est autrement déconcertant, c’est de voir une personne avoir un mouvement de recul en apprenant que l’autre en face, pas vaccinée, a été positive au Covid… il y a plusieurs semaines ! Je ne parle même pas des regards inquisiteurs. Évidemment, si le monde entier martèle autant de propos négatifs sur des personnes positives au Covid, de facto, ces dernières seront considérées comme des pestiférées. C’est fort, mais c’est un mot utilisé, çà et là, en passant, de manière sympathique certainement, avec des allusions péjoratives peut-être, et il n’y a pas de mal à cela ! Mais parfois, ces propos sont bien ciblés. Là, c’est grave ! Ces petits commentaires anodins sont des perles que nous finissons par enfiler sur un fil étrange : fait d’un peu d’amertume, d’une larme d’incompréhension, d’un soupçon de rejet. Comme c’est « magnifique » !
Des endroits précis sont désormais interdits à ces « san-konpran », sous peine d’une amende, voire d’un emprisonnement. Cela a le mérite d’être clair. Une journaliste de lemauricien.com a demandé au ministre de la Santé, le docteur Jagutpal, lors de la conférence de presse du 1er octobre, si ceux ayant été testés positifs au Covid devaient faire le vaccin. La réponse, évidente, fut très claire : « Apre 4 mwa ki li pou kapav vaksine. » Très bien ! Merveilleux ! Mais au téléphone, le médecin de l’hôpital m’avait dit : « Enn de mwa par la, mo panse » et un autre : « Plis ki 6 mwa, non ? » J’aimerais bien savoir. Et y a-t-il moyen d’avoir un pass pour ces centaines (au minimum) de personnes concernées ? Y a-t-il un communiqué clair, diffusé abondamment, partout, établissant la marche à suivre dans ce cas précis ? Comment obtenir un pass sanitaire pendant les quatre mois ? L’application Besafemoris peut-elle délivrer ce saint passport aux allures pures à ces citoyens aussi ? À partir de quel document ? Ou bien allons-nous laisser imposer la vaccination même à ceux qui peuvent — ou doivent ? — attendre encore un peu ? Là, c’est le ministre, lui-même, en personne qui l’a dit. Cette déclaration ne vient pas d’un complotiste déjà étiqueté, éjecté, hué.
Tourbillon d’infos, valse à trois, dix, mille temps : résultat, on ne sait pas sur quel pied danser. Certains laissent passer, pendant que d’autres réclament le pass. Et pendant ce temps, le temps passe, les lacunes sont vivaces, l’indifférence croît, et, trépasse, par la même occasion, la solidarité devant la stigmatisation. Notre monde devient-il un diamant dépoli ?
Je ne vais pas épiloguer plus longtemps dessus, mais il est temps que cet étiquetage discriminatoire et stigmatisant soit perçu par toute la population comme en étant bien un, à tort ou à raison… à tort surtout ! À tort, parce qu’il est encore trop tôt pour savoir avec certitude qui a raison. À tort, parce que la peur est mauvaise conseillère et amène, en ce moment, la division.
Laissons la raison au temps. Au temps qui passe…