Une autre promesse électorale non tenue ?

C’est, sans doute, de bonne guerre politique de sortir chaque semaine au Parlement des dossiers cachés de l’ancien régime et surtout les dépenses effectuées par les ministres et institutions gouvernementales ainsi que leurs proches et autres agents nommés par le gouvernement précédent. Ce n’est pas une trouvaille puisque le précédent gouvernement ne ratait pas une occasion pour révéler les dépenses de celui qui l’avait précédé en l’accusant d’avoir… vidé les caisses. Le MSM et ses alliés ont joué à ce jeu au Parlement pendant dix ans. Comme quoi le discours politique, loin de se renouveler, n’est qu’une longue répétition que les uns et les autres utilisent contre leurs adversaires. Ces révélations ne sont, en fait, que les réponses à des questions parlementaires adroitement libellées. Comme si ceux qui les rédigeaient avaient déjà les réponses devant les yeux. Les réponses à ces questions plantées permettent de découvrir, ou de se rappeler, à quel point le MSM, ses partis alliés, leurs proches et leurs chamchas ont puisé dans les caisses de l’État, comme s’ils en étaient les propriétaires. C’est vrai qu’ils avaient un culot monstre de s’octroyer entre eux terrains, permis, missions et voyages à l’étranger avec per diem coûtant des millions aux caisses de l’État. Ces « révélations » incitent les députés de la majorité à pousser des cris scandalisés et font passer un sale quart d’heure aux deux rescapés des 60/0 – grâce au best loser system dont on attend toujours les modifications promises. Quand le vice Premier ministre ne traite pas les deux membres de l’opposition de « cochon », de « coupable », de « vermine » ou les invite à aller se faire pendre. Sans que le président de séance réagisse sur le champ. Il est vrai que, comme dit le proverbe africain, la bouche ne mord pas la main qui nourrit. Ou nomme !
Il faut reconnaître qu’à force d’être répétées, ces révélations, provoquées par des questions ciblées, commencent par lasser. Elles commencent à faire partie de ce que l’on pourrait qualifier de folklore parlementaire ordinaire : une pratique qui fait sourire, sans plus. D’autant plus que les responsables des scandales qui sont dénoncés dans le détail au Parlement, chaque semaine, semblent intouchables. Jusqu’à présent, c’est à dire plus de sept mois après le changement de gouvernement et en dépit des révélations faites au Parlement, aucune action n’a été entreprise contre les dilapidateurs des fonds publics patentés. Les rares enquêtes ouvertes contre certains d’entre eux par la FCC semblent se faire au ralenti, au même rythme que celles ouvertes et jamais terminées de feu l’ICAC. Souvenez-vous de la plus célèbre d’entre elles, celle dite Angus Road, dont on attend toujours la conclusion. À moins que depuis, à force de n’avoir pas été ouvert, le dossier ait été, selon la forme administrative consacrée, eaten by rats.
À quoi bon dénoncer les scandales, détailler le montant des sommes dépensées, révéler le nom des protagonistes en ne citant que leurs initiales, s’ils restent impunis ? S’ils ne sont même pas inquiétés en laissant croire qu’à un certain niveau à Maurice, le crime est impuni. Le Mauricien poursuivi parce qu’il n’a pas payé une contravention de quelques centaines de roupies dans les délais se demande, avec raison, pourquoi les criminels en col bleu qui détournent des millions de roupies des caisses de l’État semblent bénéficier d’une impunité totale. C’est le cas des « bénéficiaires » de la Mauritius Investment Corporation, institution dépendant de la banque Centrale, qui leur a attribué des millions, mais dont on refuse de rendre public les noms, ainsi que ceux de leurs agents et courtiers, en raison d’une supposée règle de confidentialité. Non seulement leurs noms semblent relever du secret d’État, mais ils ne font l’objet d’aucune mesure pour les faire rembourser les millions qui leur ont été prêtés. Les parlementaires de la majorité continueront à se scandaliser bruyamment en découvrant les réponses aux questions plantées semaine après semaine impliquant le gaspillage et parfois le détournement de l’argent public. Mais aussi longtemps que le gouvernement se contentera de dénoncer les scandales sans prendre des mesures pour punir les coupables, tout cela restera du folklore post électoral. Et l’engagement répété du gouvernement de mener une lutte sans merci contre la fraude et la corruption sera prise pour une autre promesse électorale non tenue.
Jean-Claude Antoine

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