Dany Marie, Rezistans ek Alternativ : “Ce budget est tel un gâteau appétissant, mais…”

Dany Marie, membre de Rezistans ek Alternativ, qualifie le budget 2024-2024 de tentant en apparence, mais amer et insuffisant à la dégustation. Elle relève l’importance de certaines initiatives, tout en critiquant leur introduction tardive. Elle questionne des mesures économiques, environnementales et sociales proposées, estimant qu’elles ne répondent pas adéquatement aux défis des Mauriciens, notamment en matière de logement, d’emploi et d’égalité des genres. Un budget qui viendrait conforter le choix de son parti de s’allier concrètement à l’alliance de l’opposition ? En guise de réponse, elle sourit et préfère rappeler l’importance du Right to recall de la société civile.

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l Dany Marie, qu’elles sont les mesures positives que vous avez relevées dans le budget 2024-2025 ?

Ce budget est tel un gâteau appétissant qui vous tente, mais une fois que vous en mangez, il vous laisse un goût aussi amer que le margoz. Il y a des bits and pieces, à l’exemple de la distribution des serviettes hygiéniques aux filles de Grade 6 à 13, ce qui est bien. Mais c’est une initiative qui aurait dû être entrée dans les normes depuis longtemps, pas dans un budget en 2024. D’ailleurs, les serviettes hygiéniques devraient être disponibles dans tous les lieux publics. Tout comme on devrait avoir des toilettes publiques dans tous les endroits stratégiques. A-t-on pensé aux femmes laboureurs, dans les champs, qui doivent changer leurs serviettes hygiéniques ? Ou realize, zordi nou an 2024, fam travayer bis pe bizin sanz zot pad dan bis ! Il ne suffit pas de donner Rs 2,000 ou Rs 3,000 aux femmes et aux foyers, alors que le pouvoir d’achat est en chute libre. C’est un gouvernement qui ne vit pas la réalité des femmes, de la classe moyenne et des travailleurs. Comme je le dis, c’est un budget qui donne des bits and pieces. Mais les bits and pieces ne changent pas la vie d’une population.

l Ce budget vous conforte dans l’idée que la place de Rezistans ek Alternativ est aux côtés de l’alliance de l’opposition ?

(Rires) Il est important de comprendre ce que nous souhaitons. Nous voulons d’un changement de la Constitution en profondeur. Pou fer sa, li inportan pou zwenn lezot lafors politik. Depuis l’Indépendance, les députés et les ministres font comme bon leur semble. Ce qui explique notre demande pour un Right to recall. Cette demande s’appliquera aussi pour Rezistans ek Alternativ le jour où il se retrouvera au Parlement.

l Qu’attendiez-vous du budget ?

Qu’il y ait des mesures pour mieux protéger les travailleurs, empêcher l’exode des jeunes et les encourager à participer au développement de Maurice. Au lieu de cela, c’est un budget qui encourage le secteur ICT/BPO à recruter davantage d’étrangers. Nous ne sommes pas contre la main-d’œuvre étrangère, mais parallèlement, nos jeunes préfèrent partir parce qu’on ne fait rien pour qu’ils cultivent le sentiment d’appartenance à leur pays. Le nombre de jeunes qui partent pour l’Australie ou le Canada est impressionnant. D’un autre côté, le budget propose des aides financières pour encourager la natalité. On demande aux Mauriciens de faire des enfants, mais on leur offre un système éducatif qui favorise l’élitisme. On demande aux femmes de faire des enfants, mais on ne développe pas le secteur de l’emploi. Ki sa bann zanfan-la pou travay demin?

Je m’attendais à ce qu’il y ait un vrai programme de logement, que le ministre annonce la construction de plus de maisons… Qu’on mette en place un mécanisme qui humanise les procédures pour les familles sinistrées qui ont perdu leurs maisons dans des inondations. À chaque budget, le gouvernement prévoit un nombre de maisons pour des familles à faible revenu. Est-ce que ce nombre répond à la demande réelle, alors qu’il y a une crise de logement à Maurice ? Il y a des familles qui sont dans l’attente d’une maison depuis des années.

l Pensez-vous que ce budget prend en perspective l’égalité des chances, des genres et l’équité… pour une meilleure participation des Mauriciens dans le secteur économique ?

Pour commencer, il y a des lois qui existent déjà pour que l’égalité des chances, des genres et l’équité au travail soient implémentées dans la pratique. Mais le plafond de verre est encore une réalité dans le secteur privé. Alors, donner des allocations ne suffit pas pour effacer tout clivage. Par ailleurs, il y a de nombreuses femmes parmi les 48% des Mauriciennes qui travaillent, qui sont les seules chefs de famille à la maison et qui doivent élever leurs enfants sans aucun appui. Leur pouvoir d’achat continuera à baisser malgré les allocations. Anou get sa Rs 5,000 Support Allowance ki pou donn bann fam viktim violans domestik. Eski pou inplemante mem-sa ? Combien de questions va-t-on poser aux femmes avant de leur donner cet argent, sans oublier la lenteur des services publics ? Quels sont les critères qui seront appliqués ? N’oublions pas, non plus, qu’il y a des victimes qui n’ont pas le choix que de rester sous le toit de leurs bourreaux ! Il serait plus raisonnable qu’un gouvernement, en sus de ce support financier, investisse dans des structures d’accueil sécurisées pour les victimes de violence domestique. Celles qui opèrent déjà ne suffisent pas. Il faut des structures qui s’adaptent à des situations d’urgence. Est-ce que le gouvernement a pensé à annexer un abri pour les femmes qui pourraient subir des actes de violence dans ses projets de maisons de la National Housing Development Company Ltd ?

l À votre avis, est-ce que l’opération de séduction, avec ce budget à la veille des élections générales, a marché ?

En essayant de séduire la population avec ce budget, le gouvernement lui a donné un bribe électoral. Le gouvernement peut très bien revenir sur les Rs 20,000 de revenu minimum garanti. Car n’oublions pas il y a le salaire minimum, la Contribution Sociale Généralisée et le montant que le gouvernement ajoute. À n’importe quel moment, le gouvernement peut interrompre sa participation. En d’autre mots, son message est de voter pour lui si vous voulez continuer de toucher votre revenu minimum garanti. Et que le revenu mimimum garanti sera incertain sous un autre régime. Li pe rod fer ou krwar ki tou korek. Kapav ki demin, an ziye… tou pou korek. Me kan tou pou ogmante, lesans ek diezel ogmante, ki pou arive lerla ?

l Quelles pourraient être les retombées de la suppression de  l’abolition du quota sur le recrutement des travailleurs étrangers dans les secteurs TIC, BPO et manufacturier ? 

Rien ne nous dit que les employeurs n’en profiteront pas pour supprimer les droits des employés mauriciens. Il y aura une forme de chantage déguisé qui pèsera sur les Mauriciens : soit ils acceptent de travailler avec les mêmes conditions que les étrangers, soit ils perdent leur emploi. Les étrangers dans ces secteurs n’ont pas droit au congé de vacances, ni à l’indemnité de repas. Cette suppression de quota redéfinira, sans doute, la vie économique du pays avec des bouleversements sociaux. Le taux de chômage pourrait augmenter, ce qui entraînerait des fléaux, plus de violence, et des répercussions malheureuses dans les familles. J’avoue, j’ai peur. À un moment donné, nous allons nous retrouver avec des travailleurs étrangers sous-payés qui vivront dans des conditions encore plus difficiles.

l Que pensez-vous de la mesure de Rs 300 milliards visant à mettre en œuvre un programme d’adaptation et d’atténuation face au changement climatique ?

L’extraction de sable pour restaurer nos côtes n’est pas une solution. La véritable solution serait d’arrêter la construction des hôtels. Il y en a trop sur nos côtes, de même que les villas dans des projets intégrés. La construction de drains est-elle une autre solution pour affronter le changement climatique pendant qu’on continue à distribuer des permis EIA (Environmental Impact Assessment) à tout bout de champ ? Ou pa kapav kontign ranz drin kan ou pe tir kann pou met Smart Cities ! On va décaisser un budget de Rs 300 milliards pour continuer à accorder des permis à des projets de construction sur nos zones humides et nos dunes de sable ? Il faudrait plutôt songer à augmenter notre culture et production agricoles et encourager les petits planteurs à se tourner vers l’agriculture biologique. 80% de nos produits alimentaires sont importés. Kifer pa donn bann peser bato semi-indistriyel pou al lapes ? Entre-temps, ce sont de gros bateaux qui viennent spolier notre zone économique avec une surpêche qui fait du tort à notre mer.

Sabrina Quirin

 

 

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