Turbulences en vol : le jour où la vie de Nalini, hôtesse de l’air, a basculé…

Le 31 juillet 1992 restera à jamais gravé dans la mémoire de Nalini Ramasamy. Hôtesse de l’air pour Air Mauritius, la jeune femme, 26 ans à l’époque, était à bord d’un Bœng 767 de la compagnie nationale, en route vers Francfort, en Allemagne, lorsque l’avion a traversé de violentes turbulences. Cet incident devenu cauchemar a changé le cours de sa vie et restera gravé à jamais dans sa mémoire et sa chair. Ce traumatisme a fortement résonné, récemment, avec les nouvelles inquiétantes et tristes de turbulences vécues sur un vol de Singapore Airlines entre Londres et Singapour, le 21 mai dernier, qui a fait un mort et plusieurs blessés, et sur un vol de Qatar Airways sur le trajet Doha-Dublin, quelques jours plus tard, qui a fait 12 blessés.

- Publicité -

Nalini, aujourd’hui âgée de 58 ans, se souvient de ce jour fatidique comme si c’était hier. Ce qu’elle raconte à Week-End est inimaginable, ahurissant, et sonne comme une piqûre de rappel que dans l’aviation, le danger est toujours présent, même si l’avion demeure le transport humain le plus sûr et le plus fiable.

« Cabin crew, to your station immediately ! »

À l’époque, elle exerçait son métier d’hôtesse de l’air à Air Mauritius depuis quatre ans. Ce vol pour Francfort semblait être une routine. Soudainement, sans crier gare, l’avion est pris dans une tempête et secoué de toutes parts par des turbulences, alors qu’il ne restait que 45 minutes avant l’atterrissage. « Je travaillais à l’arrière de l’avion dans la cuisine quand j’ai entendu “Cabin crew, to your station immediately !” Il était déjà trop tard », se rappelle-t-elle avec émotion.

Elle n’a pas eu le temps de rejoindre sa place avant qu’en quelques secondes, l’avion ne chute brutalement de 8,000 pieds, projetant Nalini hors de son siège. « Ma tête a cogné contre le plafond de l’avion. Je suis retombée, mais mon siège s’était rétracté. Je suis tombée sur un coin du siège, puis projetée une nouvelle fois à gauche, puis à droite avant que l’avion ne se stabilise… enfin ! » Ce moment a duré un instant, mais c’était comme une éternité pour Nalini. Elle ajoute, émue, presqu’en larmes : «Malheureusement, ma colonne vertébrale a été touchée.» L’incident a également blessé cinq membres du personnel, dont une hôtesse allemande enceinte qui a perdu son bébé, et un autre collègue gravement blessé à la tête.

« À bord, c’était la panique totale ! La scène était chaotique, les passagers et l’équipage luttant pour reprendre le contrôle », raconte Nalini.

« La scène était chaotique… »

Un passager, constatant les blessés, a rampé pour alerter le chef de cabine. Celui-ci, accompagné de deux autres membres du personnel, a découvert l’ampleur de la tragédie. À l’atterrissage à Francfort, Nalini a été héliportée vers l’hôpital où elle a subi une opération dans les trois heures suivant l’incident, suivie d’une greffe 18 jours plus tard.

Nalini a ensuite passé cinq mois dans un centre de réhabilitation, apprenant à vivre avec son handicap, avant d’être transférée en Angleterre pour poursuivre sa rééducation. Ce n’est que neuf mois après l’accident qu’elle a pu regagner l’île Maurice. Pendant son hospitalisation, elle a pu compter sur le soutien indéfectible de ses collègues et de la communauté mauricienne en Allemagne. «Des Mauriciens m’ont prise sous leur aile. J’ai vu une solidarité sans faille », confie-t-elle, heureuse de cette chaleur humaine dans son malheur.

Malgré les pronostics médicaux pessimistes qui lui disaient qu’elle ne marcherait plus jamais, Nalini a trouvé la force de se battre. « Les médecins m’avaient dit que je ne marcherais plus jamais. J’ai beaucoup pleuré, mais j’ai décidé de me battre pour retrouver une certaine autonomie », se souvient-elle. Et d’ajouter : « Ils m’appelaient l’enfant miracle », car aujourd’hui, bien qu’elle marche avec une canne et souffre de douleurs continues, elle est indépendante et conduit même sa voiture. Une leçon de courage, et une leçon de vie. Un exemple d’abnégation dans l’adversité qui doit inspirer ceux et celles qui ont vécu des mésaventures, pour ne pas dire des malheurs semblables.

À son retour à Maurice, Air Mauritius l’a affectée à un poste de bureau trois fois par semaine. Mais elle y a vécu des moments difficiles, faisant face à des remarques désobligeantes et au manque de soutien de la part de son employeur. « J’ai entendu des remarques du higher management disant que j’avais fait un énorme trou dans leur budget ou que j’étais psychologiquement débalancée. » Qu’espéraient-ils après un tel accident ?

Ce n’est que cinq ans et demi plus tard que Nalini a reçu une indemnisation financière, qu’elle juge aujourd’hui insuffisante.

Indemnisation financière insuffisante

« On m’avait aussi promis des billets gratuits pour mes check-ups annuels, mais je paye mon déplacement et mon traitement de ma poche chaque année. » Alors que c’est en faisant son travail  qu’elle a été blessée !

Depuis 1998, Nalini Ramasamy travaille au sein de l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA), dans l’administration, trois fois par semaine. Cependant, elle continue de vivre avec courage et détermination, comme un exemple de résilience exceptionnelle.

Mais le 25 mai dernier, c’est un véritable couteau que la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) a mis dans sa plaie. Son accident n’a pas été traité comme tel lors des bulletins d’information de la MBC. Ceux qui faisaient état de l’incident survenu à bord de Singapore Airlines avançaient, dans la foulée, que jusqu’ici, la compagnie d’aviation nationale Air Mauritius n’avait pas été sujette à ce genre d’adversité. Comme si l’on pouvait aussi tirer un capital politique sur le malheur…

Le pire et la vérité, c’est qu’Air Mauritius et son hôtesse Nalini Ramasamy ont bien été victimes de turbulences graves avec des  blessures indélébiles jusqu’aujourd’hui. Avec une certaine amertume, voire de la colère, Nalini déplore que le reportage mensonger diffusé par la MBC ait pu induire le public en erreur et inciter des personnes à douter de la véracité de ses déclarations concernant son handicap et son accident, insinuant qu’elle aurait pu avoir inventé toute cette histoire à l’époque.

Douter de la véracité de son malheur 

Elle a, d’ailleurs, exprimé ses préoccupations dans une mise au point au directeur de la MBC, l’a informé qu’elle envisageait de consulter ses avocats, et se réservait ses droits pour d’éventuelles actions légales. Elle considère diffamatoire ce manque de professionnalisme de la MBC, d’autant que la station nationale avait les moyens de vérifier le nombre de fois où elle est intervenue sur leurs antennes pour sensibiliser le public aux dangers de tels incidents par le biais d’interviews et d’autres émissions.

En conclusion à cet entretien poignant, bouleversant, et qui remue toute personne, on ressent la douleur et la colère profonde qui habitent cette ancienne hôtesse de l’air, citoyenne mauricienne, exemple de courage et de volonté de vivre, malgré l’adversité qui a fait de sa vie un calvaire depuis l’incident du 31 juillet 1992 qui a donné un autre cours à sa vie… pas celle qu’elle rêvait avant ! Week-End vous salue, bien bas Nalini !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -