Dhiren Ponnusamy (CEO du groupe Medine) : « Nous sommes positifs, mais restons sur nos gardes par rapport à 2023 »

Dhiren Ponnusamy occupe les fonctions de Chief Executive Officer (CEO) de Medine depuis le 1er juillet de l’année dernière, après avoir occupé le poste de Chief Operating Officer au sein de cette même compagnie.

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Dans une interview accordée à Le Mauricien cette semaine, il commente le dernier bilan financier de la compagnie, qui présente des profits de l’ordre du milliard de roupies, et les objectifs de l’entreprise pour les prochaines années, dont la réduction des dettes à moins de Rs 4 milliards à la fin de l’année prochaine.

« Nous sommes positifs, mais restons sur nos gardes par rapport à l’année 2023 », affirme-t-il, ajoutant que « nous allons tirer un trait sur notre programme de désendettement, et sommes en position de réinvestir dans nos activités », dit-il.

Vous avez pris vos fonctions officiellement en plein Covid l’année dernière avec pour mission de mettre en œuvre une nouvelle stratégie. À la lumière des résultats obtenus, il semble que cette stratégie donne des résultats. Pouvez-vous nous en parler ?

Effectivement, j’ai pris la barre en plein Covid-19 en avril 2020 dans des circonstances difficiles pour le pays. Nous avions également des défis majeurs à relever par rapport à l’entreprise, elle-même. Nous avons mis une stratégie en place pour revoir toutes nos opérations et redéfini nos efforts par rapport au rôle qu’on veut jouer.

Médine est aujourd’hui un groupe diversifié et centré autour de cinq pôles de développement : l’agriculture, l’Éducation, Casela, sport/hospitalité et l’immobilier. En plus d’être cotée en Bourse, Médine est un véritable précurseur dans chacun de ces secteurs d’activités, après avoir été un des pionniers du secteur cannier. Nous sommes aussi un des acteurs principaux du développement de l’Ouest du pays. Nous nous sommes engagés il y a quelques années à revoir nos opérations et à revisiter le rôle que Medine veut jouer sur l’échiquier national.

En septembre et octobre 2020, nous avions articulé une stratégie à moyen terme de ce que nous voulions voir acté. Medine a une situation et une profitabilité pérenne, nous avons commencé par une double stratégie financière de désendettement. Il s’agissait d’abord de réduire la dette en dessous de Rs 4 milliards. Elle était à Rs 8 milliards en 2020. Puis de viser un Earnings Per Share (EPS), ou Bénéfice Par Action, de Rs 4 par action. L’EPS est un indicateur financier très important pour analyser une entreprise. Nous pensions que cette stratégie, contenant deux promesses fermes, était un signal très fort pour nos actionnaires, mais aussi pour nos employés, la communauté de l’Ouest que nous soutenons, et le public mauricien en général.

Est-ce que les résultats obtenus correspondent à vos attentes ?

Pari tenu ! Nous avons progressé de manière continue et soutenable, enregistrant des progrès tangibles, comme le prouvent nos résultats avec une profitabilité de Rs 1 milliard, un record historique de profitabilité pour Médine. Avec toute l’équipe dirigeante, nous sommes très satisfaits de l’engagement colossal de l’équipe de Medine sans laquelle ces résultats n’auraient pas été concrétisés. C’est très encourageant. Même si on prend comme base opérationnelle le Covid, nous pouvons dire que nous avons fait du progrès. Maintenant, nous nous focalisons, entre autres, sur comment investir judicieusement dans des secteurs d’avenir.

Médine se désengage dans la production sucrière. Comment se porte Médine sans usine sucrière ?

Medine est aujourd’hui diversifié avec cinq pôles d’activité, donc Medine se porte bien, même quand il y a des décisions à prendre dans l’un ou l’autre de ses pôles. La fermeture de l’usine en 2019 était la résultante de l’abandon de terres par plusieurs petits planteurs de la région, déséquilibrant l’opération usinière car cela a eu un impact direct sur les économies d’échelle, rendant l’usine productive ou pas. Mais il est important de noter que Medine représentait avant ce désengagement dans les activités usinières environ 10% de la production cannière à Maurice, et que nous avons maintenu notre part de marché depuis.

Medine a toujours été connu comme pionnier dans le domaine agricole. Que faites-vous en ce moment ?

Dans le but d’avoir un pôle agricole durable dans le temps, nous continuons d’investir dans les nouvelles technologies agricoles, pour encore plus d’efficience dans la production. Nous avons une équipe dédiée à la recherche et au développement et sommes convaincus que les nouvelles technologies, intégrant l’intelligence artificielle, sont la clé pour mieux gérer les intrants et optimiser notre utilisation de l’eau, entre autres.

Lorsqu’on parle de production agricole de Medine, on pense également à l’autosuffisance alimentaire. Où en sommes-nous à ce sujet ?

Médine produit environ 5 000 tonnes de la production nationale de fruits et légumes. Sur certains légumes, notre part de marché va jusqu’à 20 – 25%. Nous savons l’importance de notre rôle à l’échelle nationale et avons l’intention de le renforcer de façon durable. Nous étions les premiers à nous engager dans l’agriculture raisonnée, avant même que cela soit dans l’air du temps. Nous allons continuer à investir des ressources pour une agriculture saine, et sommes aujourd’hui aussi impliqués dans la transformation de produits, avec, par exemple, des Chips de pomme de terre, patate douce, arouille et autres que nous retrouvons sur les rayons des supermarchés partout dans l’île. Et ce n’est que le début !

Medine s’est également lancé dans le développement foncier et immobilier et les changements de paysage dans la région de Cascavelle avec le développement immobilier n’échappent à personne. Comment se porte ce secteur ?

Vous verrez que nos pôles ont de fortes synergies entre elles. La diversification de Medine se fait à travers un écosystème relié, ce qui est un élément clé de notre développement.
Le pôle Immobilier reste le fer de lance de Medine, avec notre Smart City qui inclut des résidences, des écoles, des complexes sportifs, etc. Nous avons cette année lancé trois nouveaux projets immobiliers : The Grove Phase 1, ainsi que deux morcellements résidentiels. Et nous avons d’autres projets, hors du cadre de la Smart City, qui font partie du plan stratégique de Medine pour le développement de la région. Nous allons aussi prochainement lancer la phase 2 de Cascavelle Shopping Mall, et consolider ainsi la position de Cascavelle comme centre névralgique de l’Ouest.

En sachant que nous sommes l’un des acteurs clés du développement de l’Ouest du pays, nous voyons le développement immobilier comme un ensemble. Nous continuons à garder dans le viseur l’impact positif que nous pouvons avoir sur les communautés autour de nous. Nous poursuivons sur cette lancée avec l’accord passé avec la RDA pour une route alternative desservant l’ouest. Notre contribution s’élève à plus de Rs 1 milliard, ce qui en fait le plus gros investissement du secteur privé dans un projet d’infrastructure publique. Cela démontre encore une fois notre engagement pour l’avenir du pays et dans le développement de notre région de l’Ouest.

Medine est un des principaux acteurs dans le cadre de développement de Maurice comme un Hub de l’éducation au niveau de la région. Pouvez-vous nous en parler…

Nous sommes fiers que Medine facilite l’accès à l’éducation pour plus de 3 000 étudiants, avec une grande majorité de jeunes Mauriciens mais aussi environ 800 étrangers. L’un des objectifs du pôle éducation est de contribuer à l’avancement du pays en investissant dans la jeunesse et dans l’instruction.

Plusieurs universités se sont implantées dans notre Hub, Middlesex avec son campus et d’autres institutions comme Paris Sorbonne pour le droit, l’école d’architecture de Nantes, Vatel, entre autres. Le hub se porte bien. Le Covid a eu un impact qui a toutefois été compensé par des Mauriciens qui n’ont pu se rendre à l’étranger. Avec l’ouverture des frontières, nous commençons à revoir l’engouement des étrangers pour Maurice.
Il faut dire que notre pays s’est construit en s’appuyant sur l’éducation, en offrant des secteurs de formation ciblés qui concordent avec les objectifs nationaux. Nous y croyons, et nous sommes convaincus que la plus riche ressource de notre pays reste nos jeunes. D’où notre investissement dans ce pôle.

Cela apporte des bénéfices à l’ensemble du groupe et a aussi un impact économique intéressant pour la région avec la venue de beaucoup d’étudiants des quatre coins de l’île, sans oublier les étudiants étrangers. Pour 2023, nous sommes en pourparlers avancés pour la venue d’autres institutions éducatives et les discussions sont très avancées.
Il faut dire que l’impact de l’éducation ne se mesure pas sur les revenus et le bilan financier. Elle est très intégrée avec les autres pôles d’activité dont le foncier. Les écoles et universités sont non seulement des opérateurs à l’intérieur du Hub mais aussi des locataires dans les zones résidentielles. La venue des étudiants à Maurice a un impact non seulement sur le plan régional mais également sur le plan national, surtout en termes de devises étrangères.

Médine est cependant moins actif dans le domaine touristique. Qu’est-ce qui explique ce manque d’intérêt dans ce secteur ?

Au contraire, Medine affiche un grand intérêt pour le secteur touristique ! Avec ce secteur qui compte pour plus de 20% du Produit intérieur brut, il ne peut en être autrement. Mais nous voyons le tourisme différemment peut-être de ceux qui y sont impliqués de manière traditionnelle, à travers un parc hôtelier par exemple.

Nous avons certes l’opération hôtelière de Tamarina, un petit hôtel dans les environs de Tamarin, mais nous sommes également dans l’écosystème touristique, avec notamment Casela Nature Parks, qui accueille environ 250 000 touristes et visiteurs tous les ans. Nous avons également la réserve naturelle de Yémen qui fait partie de l’écosystème touristique et où nous travaillons également en partenariat avec la Mauritius Wildlife Foundation sur la gestion de la réserve écologique de Mondrain. Cette réserve abrite des espèces endémiques uniques au monde.

Concernant Casela, il va continuer à se développer, avec un plan d’innovation annuel pour encourager touristes et Mauriciens à découvrir et redécouvrir les merveilles de ce parc unique à Maurice. Ce pôle s’inscrit dans notre offre de loisirs pour la région avec des randonnées et de nos activités pour le développement foncier. À Yemen, il y a aussi l’élevage de cerfs. C’est une activité qui est là depuis longtemps.

Le changement climatique et le développement durable sont au centre des conférences internationales comme la COP 27 mais également à Maurice qui a accueilli ces jours-ci plusieurs conférences. Est-ce que ce sont des questions qui intéressent une compagnie comme Medine ?

Cette pratique fait partie de l’ADN de Medine depuis très longtemps, avant qu’un nom ne soit posé sur la mouvance. Le développement durable et inclusif est infusé dans chacun de nos pôles, par exemple à travers l’innovation durable dans la Smart City – par exemple, l’équipe pôle Immobilier a introduit des drains naturels dans les développements pour supprimer de façon ordonnée l’excès d’eau à la surface du sol, tout en respectant les écoulements naturels. Durable aussi avec notre pôle Education, qui adopte une architecture Green by Design pour réduire les besoins en climatisation avec des stratégies de conception et de processus de construction innovants.
Il ne faut pas oublier, non plus, que nous produisons de l’énergie verte pour 12 000 foyers mauriciens, puisque nous opérons la plus large ferme photovoltaïque du pays à Henrietta qui a été inauguré en 2019. Elle permet d’alimenter quelque 12 000 foyers.

Est-ce que Medine se limite à Maurice ou est-ce que vous envisagez des investissements en Afrique, entre autres ?

D’abord, nous croyons fortement dans le potentiel de notre pays. Ensuite, nos différents chantiers à Maurice sont déjà bien grands. Nous avons donc pris la décision, pour le moment, de concentrer nos efforts sur le territoire mauricien. Cela dit, si nous voyons des opportunités dans nos zones d’expertise, nous allons bien sûr les considérer à terme.

Tous ces projets nécessitent des expertises et des ressources humaines. Or à Maurice on parle beaucoup en ce moment des problèmes rencontrés au niveau du recrutement. Qu’en est-il à Medine ?

Les ressources humaines sont fondamentales pour le développement du pays et le manque de main-d’œuvre est effectivement un problème brûlant pour le pays. Les Mauriciens sont intelligents et travailleurs, des qualités qui font qu’ils sont demandés ailleurs, comme c’est le cas en ce moment dans le secteur touristique.

L’une des motivations de notre pôle Éducatif est importante non seulement pour Medine mais pour l’ensemble le pays afin de faire face à ce problème de pénurie de ressources humaines et à la fuite des cerveaux. Étant moi-même rentré après 20 ans à l’étranger, mon message aux jeunes et à la diaspora est que Maurice est un pays du présent mais aussi de l’avenir. Nous lisons souvent des exemples de Mauriciens qui brillent à l’étranger. Il y a de la place pour leurs compétences ici, surtout dans certains secteurs clés pour le pays. Nous pouvons, bien entendu, créer d’autres opportunités. Je les invite à revenir.

De plus, alors qu’avant les jeunes disaient souvent qu’ils ne trouveraient pas leurs places dans le monde du travail local, il faut absolument mettre en lumière que la méritocratie gagne du terrain. L’un des meilleurs exemples de cela se trouve ici même à Médine, qui est un groupe avec un actionnariat très diversifié, et où tout le monde possède des chances égales d’avancement.

On parle beaucoup de risque de récession ou de Slow Down économique pour l’année prochaine. Quelles sont vos appréhensions ?

Nous sommes positifs mais restons sur nos gardes par rapport à 2023, étant donné que notre pays est tellement tributaire de ce qui se passe internationalement. Il y a une guerre en Ukraine qui semble loin d’être terminée, mais aussi des signes montrant que les États-Unis et l’Europe vont vers une récession… Il ne faut pas oublier le marché chinois qui, tout doucement, va vers une réouverture et une reprise. Cela pourra atténuer les effets négatifs, pour Maurice, de ce qui se passe en Ukraine, en Europe et aux États-Unis.

La crise est donc derrière pour Medine ?

Oui. Nous restons prudents, mais sommes solidement sur la bonne route. Nous allons tirer un trait sur notre programme de désendettement, et sommes en position de réinvestir dans nos activités. De belles choses sont à venir pour Medine, et je ne veux pas terminer sans un immense merci à l’équipe de Médine pour son engagement et son soutien indéfectible.

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