Max Anish Gowriah : son double JE au service de sa pratique picturale

Dr DIDIER WONG CHI MAN

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Max Anish Gowriah est un jeune artiste mauricien, nouveau sur la scène artistique locale et qui vient d’expérimenter sa première exposition solo, I AM, à la galerie Imaaya. De son vrai

Dr DIDIER WONG CHI MAN

prénom Anish, il décide à l’âge de 16 ans de se créer un personnage, Max, afin de pouvoir exister autrement. Max c’est son double. C’est le Anish qu’il ne pouvait pas être dans la société mauricienne – encore trop pudibonde et remplie de préjugés – avant qu’il ne s’envole pour l’Italie, Florence, pour étudier la mode.

Max Anish Gowriah se livre à travers son art. Il donne à voir qui il est et peu importe ce qu’on pensera de lui. He is what he is. Quand on consulte sa page Instagram : MAXANISH, on prend connaissance des explications ou des réflexions profondes sur certaines de ses oeuvres. On interprète alors les possibles tiraillements qu’il a pu avoir et pu subir antérieurement et peut-être encore aujourd’hui. La force de sa créativité réside dans une autoréflexion, une introspection qu’il s’impose et qui le mène dans une démarche créative libre, expressive et assumée qui le libère. Mais elle réside également dans une pratique plastique autocentrée (mais pas dans le mauvais sens du terme) qui tente de dévoiler son JE.

Max s’adapte tout comme il s’adapte à sa façon d’être selon qu’il soit à Flacq (où il réside avec ses parents) ou ailleurs. Max est un personnage créé pour être façonné selon les situations et les envies d’Anish. Ainsi, pour comprendre les œuvres de Max Anish Gowriah, il faut saisir la démarche d’Anish. Ce dernier ne souffre pas de « Trouble dissociatif de l’identité ». Il incarne simplement plusieurs personnes (Anish, Max et Anish Gowriah) de façon consciente sous une identité fabriquée. Cette caractéristique de l’artiste occupe une place prépondérante dans son travail et c’est cela qui rend son univers pictural aussi saisissant.

Sa pratique du dessin et de la peinture est prolifique, quasi boulimique car, dit-il, « c’est la quantité qui fait la qualité »… Effectivement, les murs de la galerie ont été pleinement et intelligemment investis par les 100 dessins et 76 peintures qui ont été sélectionnés. La présentation est originale. Composer et accrocher pour présenter étaient un acte créateur en lui-même pour cette exposition, le tout sous l’œil expert et les conseils de Charlie d’Hotman. D’ailleurs, l’accrochage des œuvres me fait penser aux expositions de l’artiste française Annette Messager, toujours dans une légèreté visuelle.

La galerie Imaaya a présenté un artiste très prometteur mais qui se cherche encore. Max dessine et peint selon ses humeurs et cela se ressent. Il est dans l’instant présent. Ses états d’âme sont visibles et I AM nous offre cette palette d’émotions et de techniques qu’il tente de maîtriser à force de travail. Ce qui retient mon attention dans sa pratique, c’est son graphisme (son gros point fort) et la diversité des styles qu’il ose essayer, à tâtons parfois et c’est tout à fait normal. Max n’a pas peur d’imiter. N’ayant pas eu une formation d’arts plastiques, c’est à travers des références de grands maîtres (Manet, Picasso, Matisse, Munch, Bacon…) qu’il s’est formé. Il voue une grande admiration pour l’artiste William Blake, notamment pour les métaphores que ce dernier évoque dans ses œuvres. Or, on ne peut faire abstraction de l’influence de Gustav Klimt et plus encore d’Egon Schile. C’est indéniable dans sa façon d’aborder les traits qui, tout comme Schile, sont profonds avec des lignes parfois anguleuses, sinueuses et exagérées. Alberto Giacometti fait également partie de son répertoire graphique dans ses moments de colère ou d’angoisse. Les traits deviennent alors nerveux, denses et sombres montrant une force graphique évidente.

L’artiste pratique l’autoportrait psychologique qui lui permet de révéler ou d’affirmer une identité ou son identité parfois complexe à assumer. Les portraits, qu’ils soient dessinés ou peints, dévoilent son aisance picturale. Certaines toiles me font penser à A.R. Penck, artiste expressionniste allemand, dans la manière de composer et d’insérer les personnages sur la surface du support. Comment ne pas penser aux artistes français Hervé Di Rosa et Robert Combas du mouvement Figuration libre quand on regarde certaines de ses peintures ? Ou encore de l’allemand Martin Kippenberger qui, lui aussi, a une pratique prolifique et variée dans les techniques. Ainsi, quand Max rassemble ses dessins faits sur format A4 et qu’il les dispose aléatoirement côte-à-côte pour former un grand cadre on ne peut que faire référence à l’œuvre de Kippenberger « Everyone is the architect of his own fortune » à la Bourse de Commerce à Paris. Le format n’a pas d’importance pour Max. Il passe facilement de la miniature au moyen format sans que cela affecte son travail. Ses peintures sont tout aussi intéressantes. Il aborde certaines comme une mise en scène de théâtre, comme des contes avec des créatures bestiaires ou de la mythologie et la divinité hindoue.

Max Anish Gowriah est un artiste à suivre et il est promis à un bel avenir à condition d’être bienveillamment guidé. Bien que les influences des grands artistes soient encore présentes (et il n’y a pas de honte à cela), les œuvres de ce jeune artiste ont leurs identités propres car il possède déjà une touche personnelle et surtout une réflexion intelligente sur tout ce qu’il entreprend plastiquement. En cela, il se démarque de bon nombre de plasticiens. Il me semble que son travail arrivera à maturité une fois que Anish Gowriah se détachera de Max pour s’exprimer et s’émanciper et être le JE qu’il a toujours voulu être.

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