COVID-19 : à qui la faute ?

Nous voilà donc repartis dans la psychose de la contamination COVID… S’il n’y avait plus eu, officiellement, de contamination locale depuis le 29 avril, ces 6 mois et demi de répit ont pris brusquement fin avec l’annonce, le 12 novembre dernier, d’un nouveau cas de contamination locale. Un jeune homme de 29 ans, dont le père, Mauricien, était rentré peu avant d’Australie.

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Et c’est à nouveau la ruée vers les supermarchés…

Depuis la ré-ouverture partielle de nos frontières le 1er octobre dernier, on pouvait craindre que le virus réapparaisse chez nous. Il est évident que tant pour des raisons humaines qu’économiques, nous ne pouvions rester fermés éternellement au monde extérieur. De fait, la ré-ouverture a été très précautionneuse, avec l’imposition d’une quarantaine stricte et payante dans un nombre choisi d’hôtels. Et si certains hôtels semblent avoir voulu rendre le séjour le moins désagréable possible pour leurs « clients forcés », il semblait plausible que l’obligation de rester enfermé dans une chambre n’allait pas toujours être évidente à faire respecter. Quelques « échappées » l’ont confirmé…

Mais ce n’est finalement pas de là qu’est venue la réinfection. L’homme rentrant d’Australie ayant été testé positif dès son arrivée à Maurice le 26 octobre dernier, c’est directement à l’hôpital ENT qu’il a été mis sous surveillance. Ne montrant apparemment aucun symptôme, il a été soumis, selon les autorités, à deux tests au bout du 7ème jour. Tests qui se sont tous deux révélés négatifs. D’où la décision de le laisser repartir chez lui. Le problème, c’est que cet homme se serait senti mal 16 jours après son retour au pays. Et sera testé COVID-positif lorsqu’il se rend dans une clinique 18 jours après son arrivée. Ayant, au passage, infecté son fils de 29 ans. Qui s’est un peu baladé à travers l’île entretemps. Faisant craindre une super-contagion, dont les traces ne se sont heureusement pas matérialisées jusqu’ici.

Il est symptomatique de noter le déferlement de suspicions, de condamnations, voire d’invectives qui ont suivi à l’encontre de ce jeune homme. On aurait pu le comprendre s’il savait qu’il était COVID positif lorsqu’il s’est baladé. Mais clairement, il ne le savait pas. Il en est lui-même victime.

La « faute », alors, revient-elle aux autorités ? L’hôpital a-t-il commis une faute en laissant le père rentrer chez lui au bout de 8 jours, alors que ceux qui sont testés négatifs à l’arrivée sont obligés de rester 14 jours en isolation ? Certains diront que même en Chine, où le contrôle COVID est ultra strict, le protocole prévoit de laisser partir une personne dont deux tests successifs se seraient révélés négatifs. Cela semble juste. Le problème, c’est que l’OMS dit quand même que la positivité peut apparaître jusqu’à 14 jours après l’infection.

Le cas de cet homme est clairement très rare. Et il n’est pas dit que même le délai de 14 jours aurait été suffisant. Ainsi, une étude publiée récemment dans l’American Journal of Emergency Medicine documente le cas d’un patient de 82 ans admis Covid-positif à l’hôpital en avril. Après avoir passé 28 jours en soins intensifs, celui-ci a pu regagner son domicile à l’issue de deux tests PCR négatifs. Mais dix jours plus tard, il ressent à nouveau des symptômes qui l’obligent à retourner à l’hôpital où il est à nouveau testé positif. S’agit-il de ré-infection ou de traces du virus ayant pu subsister dans son organisme entre ses deux passages à l’hôpital, avec une charge trop faible pour être détectée par les tests PCR ?

Il faut donc se résoudre à accepter qu’il y a encore tant de choses que l’on ne sait pas au sujet de ce virus. Ni quelle quantité du virus est « nécessaire » pour être infecté. Ni ce qui fait que certains patients sont plus affectés que d’autres, alors qu’ils semblent partager les mêmes « caractéristiques ». Ni pourquoi les hommes sont plus nombreux à être affectés, ni pourquoi les femmes semblent souffrir de formes plus longues. Ni combien de temps on est contagieux. Ni combien de temps on est immunisé. Et on peut encore moins faire  l’impasse sur le fait que le meilleur test dont nous disposons à ce stade, le test PCR, n’est fiable qu’à 85 à 90%… Donc  les faux-positifs et les faux-négatifs sont possibles…

La question est : que fait-on à partir de là ?

Il semble clair que la récente demande de l’Association des Hôteliers pour la réduction de la quatorzaine à une septaine risque d’être battue en brèche par ce nouveau cas. Mais combien de temps peut-on décemment garder des personnes enfermées sur simple suspicion, au vu des problèmes de santé, physique et mentale, que l’enfermement est lui-même susceptible de générer ? En Italie, une femme s’est retrouvée positive pendant plus de 70 jours, alors même qu’elle n’avait aucun symptôme et qu’on ne savait pas si elle était contagieuse ou pas. Sa « chance », c’est d’être dans un pays où elle a pu rester à domicile. A Maurice, elle aurait été forcée de rester plus de deux mois à l’hôpital…

Il y a une lueur d’espoir avec le vaccin annoncé cette semaine par Pfizer et BioNTech. Qui, dans ses essais, se serait révélé efficace à 90%. Mais il n’en reste pas moins que même ce vaccin prometteur ne pourra être sur le marché avant un certain temps. Car on en sait encore très peu sur les résultats réels, sur les caractéristiques des 94 malades testés, s’il s’agissait de cas légers ou sévères. L’annonce a en tout cas boosté les marchés boursiers. Et Pfizer affirme qu’il avait une “obligation morale” de faire cette annonce à ce stade que certains jugent prématuré, pour apporter une bouffée d’air à un monde qui fait face à une résurgence marquée de la pandémie. Selon le Dr Michael Osterholm, conseiller coronavirus de Joe Biden, les mois à venir seront the “darkest of the pandemic”.

Il faudra donc, peut-être, se résoudre à une part d’incertitude. En utilisant au mieux les moyens que nous avons à notre disposition. En Chine, tout arrivant est mis en quatorzaine avec un sensor attaché à la porte d’entrée, qui signale au cas où l’on quitte les locaux. A Hong Kong, l’arrivant se voit fixer au poignet un bracelet que l’on doit appairer avec une application sur son téléphone dès qu’on atteint son lieu de quarantaine. Bracelet qui envoie une alerte aux autorités si on quitte ce lieu de quarantaine, avec à la clé une amende de  $25 000 et six semaines de prison. A Maurice, qu’allons-nous faire ?

Cette semaine, le Centers for Disease Control and Prevention a rendu publiques de nouvelles études qui réaffirment l’utilité des masques, qui aident à réduire la transmission autant par des personnes asymptomatiques (qui ont été infectées mais qui ne présentent pas de symptômes) que par les présymptomatiques (qui ont infectées et qui vont bientôt présenter des symptômes). Se laver fréquemment les mains, éviter les espaces fermés mal aérés, les lieux trop fréquentés… C’est cette auto-discipline qui peut être notre meilleur garant.

En ne perdant pas de vue que « l’ennemi » est le virus et pas ceux et celles qui en viennent à être infectés, et parfois hélas à le transmettre, à leur insu. Il est ainsi saisissant de voir que jusqu’aujourd’hui, les personnes qui arrivent à Maurice sont « convoyées » vers leur lieu de quatorzaine comme des « high criminals », dans un cortège roulant à vive allure, escorté de motards tout gyrophares aveuglants et sirènes hurlantes.

Saurons-nous, face à une crainte légitime, ne pas perdre l’humanité de considérer ceux qui seraient trouvés positifs comme des malades, à soigner, et non comme des criminels, à stigmatiser ?

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