Rupture pour le budget ou économie en rupture

Jeudi s’annonce être le Jour J, un triple J, avec la présentation du premier budget du gouvernement de l’Alliance du Changement, menée par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam. Conjoncturellement, le maître-mot, qui semble revenir comme un leitmotiv, demeure la rupture. Logiquement, avec le choix sans appel de 60/0 et deux membres de l’opposition, rescapés sous le Best Loser System, legs politique des colons britanniques, qui tentent, hélas, toujours de s’agripper à une partie du territoire mauricien, faisant obstacle à la décolonisation totale de la République, la rupture a été consommée.

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C’était le choix du 10 novembre 2024. Toutefois, depuis cette dernière date, tout reste encore à faire. Dans un premier temps, restaurer la crédibilité, et aussi la visibilité des institutions sous la Constitution, notamment le rayonnement de l’Office of the Director of Public Prosecutions, débarrassé de l’écueil d’un commissaire de police se croyant investi de tous les pouvoirs. Puis l’éclatement du corset asphyxiant la liberté d’expression. Et ensuite, le retour du droit sacré sur le plan régional confisqué, en toute impunité.

Cette étape sur le front des droits fondamentaux, en rupture avec des pratiques du passé, attend la mise sur pied de la Commission Constitutionnelle pour confirmation de la démarche du changement. L’annonce d’un délai de six mois pour la concrétisation de ce projet, visant à présenter un nouveau modèle en matière de réforme électorale, avait été faite dans le discours-programme du 24 janvier dernier. L’échéance se précise déjà.

Mais jeudi prochain, avec Navin Ramgoolam donnant lecture du premier des cinq Budget Speeches, au minimum, pour la présente législature, sur fond sonore de Lakes Vid, constitue le rendez-vous de l’autre rupture. Certes, chaque ménage s’attend à la rupture avec la hausse des prix constatée à chaque tournée des étagères de supermarché. Chaque salarié rêve d’une fin de mois nullement marquée par un exercice de funambule avec les échéances mensuelles et les impondérables de la famille. Chaque opérateur économique, qu’il soit dans le réseau des PME ou au sein des conglomérats, se demande comment réconcilier les desiderata d’un marché volatil, les aspirations des salariés et les bénéfices d’un Rate of Return, assurant une profitabilité légitime.

Le budget de jeudi prochain se voit confronté à la réalité, avec tout un chacun anticipant un lendemain meilleur. La maigre opposition au sein de l’hémicycle puisera ses forces à l’étage des promesses, surtout les enchères faites lors de la dernière campagne des élections législatives de novembre 2024. À coup sûr, l’arsenal de la contre-offensive au budget est déjà bien ficelé et prêt à être dégoupillé dès le dernier mot du Budget Speech prononcé.

Néanmoins, les Pre-Budget Statements publiés ces derniers jours ont le mérite de mettre en exergue que l’économie de Maurice est à bout de souffle. La gestion des caisses publiques reste autre chose. La consolidation fiscale est l’instrument privilégié pour tenter de joindre les deux bouts. L’état des lieux des différents secteurs porteurs de croissance crée une ambiance d’Intensive Care Unit économique.

Historiquement, dans les années 60, les conclusions de Meade et Titmuss n’avaient nullement découragé les dirigeants d’alors. La riposte avait pris la forme d’un slogan : une production d’une tonne de sucre par tête d’habitant. Le Protocole-Sucre, avec un prix garanti rémunérateur et un quota définitif, négocié en 1975 avec le Marché Commun, a pris le relais.

Dans les années 80, Maurice insufflait un nouvel élan à la zone franche, qui peinait encore à établir ses marques. Les années de gloire du textile Made in Mauritius ont débouché sur le premier miracle économique. En parallèle, l’industrie touristique s’est transformée en un pilier solide de l’économie, avec de nouveaux appuis dans le secteur des services. Ou encore après, le Global Business Sector s’est distingué avec un apport à deux chiffres au Produit Intérieur Brut.

À la veille de ce budget de la rupture, avec l’opposition misant sur cette hypothétique bouée politique pour justifier sa place au soleil, la vérité, en toute transparence, est que l’économie de Maurice est en rupture de filières d’activités économiques résilientes, qu’elles soient dans la production de biens ou de services, pour affronter les volatilités tourbillonnaires.

Maurice a-t-elle les ressources nécessaires pour prendre avantage de sa nouvelle richesse avec une zone économique exclusive, agrémentée par le Chagos Deal ? Surtout, concrétiser cette rupture avec ce slogan archi-répété d’État-Océan. Quitte à enrichir cette strophe du poète Régis Fanchette à l’effet que Le destin des îles est de chanter pour affirmer que le choix inexorable de la République est de réussir contre vents et marées…

Est-ce un hasard qu’après la lecture du budget, le Premier ministre participera au sommet international consacré à l’Océan à Nice en France avant de rentrer pour des débats budgétaires ?

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