Le Rendez-Vous de la Rupture : Vendredi 13 pour le coup d’envoi des débats sur le budget

— Ultime étape de consultations menées par le PM et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, avec les ministres cette semaine  AXYS : « GM’s first comprehensive policy statement to realign the economy after years of underperformance, fiscal erosion, rising inequality, and a weakening external position » — SBM Insights sur le Chagos Deal : « Of particular significance, this financial package should provide a slight additional leeway for Mauritius to address its high and worrying fiscal deficit »

À J-4 du grand oral du Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, le Budget Cell au ministère des Finances se retrouve sous pression pour mettre au point les derniers détails de ce premier budget de l’Alliance du Changement, promettant une rupture avec la politique et les pratiques adoptées jusqu’ici. À ce stade, très peu de détails ont transpiré des couloirs du Treasury Building, sauf que le mot d’ordre demeure la remise en ordre de l’économie sous le signe de la discipline fiscale. Entre-temps, les délibérations du conseil des ministres de vendredi dernier, qui n’ont pas permis d’aborder sur le fond le prochain exercice budgétaire, auront seulement évacué les modalités des prochains débats à l’Assemblée nationale après la lecture du Budget Speech de ce jeudi. En parallèle, des pre-budget statements émis quasi simultanément en fin de semaine par la State Bank of Mauritius sous la signature de Nuvin Balloo, Group Chief Strategy Officer, et le bureau de consultants en affaires, AXYS, mené par Sanjay Goolab, Managing Director – Securities and Execution Desk, mettent l’accent sur la menace du fiscal deficit tout en soulignant que ce premier budget de l’Alliance du Changement devra pouvoir ouvrir les perspectives de ce redressement de l’équation des finances, désordre légué par dix ans de gouvernement de l’Alliance Lepep.

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Loin des conjectures et autres spéculations sur le budget mix que proposera Navin Ramgoolam à la population, la certitude est le changement à l’ordre du jour du programme des débats du budget. Contrairement à la pratique établie, le coup d’envoi avec la réplique du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, ne devra pas intervenir dans les 48 à 72 heures suivant le discours du budget.

En effet, les indications recueillies par Week-End auprès des sources concordantes sont que les débats ne seront entamés que dans l’après-midi du vendredi 13, un délai d’au moins huit jours, soit après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. Et à partir de là, ll faudra s’attendre à un marathon parlementaire pour que les budget estimates 2025-26 ne soient adoptés au plus tard le lundi 30 juin prochain, la fin de l’exercice financier, pour éviter un Vote on Account sanctionnant les dépenses publiques au cas où cette échéance n’est pas respectée.

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Avec des séances de l’Assemblée nationale De Die in Diem, Joe Lesjongard aura la possibilité de proposer quotidiennement en guise d’ouverture de séance des Private Notice Questions (PNQs) adressées à des membres du gouvernement. Au QG du Sun Trust, les membres de l’état-major se frottent les mains, dans la mesure où les sujets pour des PNQs ne manquent pas — allant des dessous du Chagos Deal aux licenciements dans les collectivités locales en passant par les déboires politiques avec les nominations à la National Empowerment Foundation (NEF). Et sans compter les retombées des mesures annoncées dans le budget 2025-26.

« Autant d’éléments et de moves stratégiques permettant au MSM d’assurer une visibilité sur le front parlementaire et politique », laisse-t-on entendre dans l’entourage du leader, Pravind Jugnauth, qui a assuré une sortie politique au cours de la semaine écoulée sur le dossier des Chagos, la première depuis la cinglante défaite du 10 novembre 2024, en occultant l’opération Maradiva, Lakaz Mama de la Financial Crimes Commission du samedi 15 février avec les valises à Rs 114,8 millions.

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La raison de ce renvoi au vendredi 13 des débats budgétaires est que dès le prochain week-end, le Premier ministre devra entreprendre une mission officielle en France pour participer au sommet sur l’Océan à Nice à l’invitation du président français, Emmanuel Macron. En marge de la séance plénière, Navin Ramgoolam prévoit des entretiens d’ordre bilatéral, avec des échanges en prévision de la prochaine visite d’État d’Emmanuel Macron à la fin de l’année. En principe, il devra être de retour au pays pour les débats du 13.
En amont au Budget Day, le Premier ministre prévoit de rencontrer les différents ministres pour un ultime arbitrage ou encore pour caler la stratégie politique post-budgétaire avec les partenaires de l’Alliance du Changement et les parlementaires, entre autres.

D’autre part, dans le run-up du budget, le groupe AXYS et la State Bank of Mauritius ont publié en fin de semaine écoulée des analyses de la situation économique et budgétaire, et en vue de dégager des stratégies de relance. Dans le document Budget Expectations, le second en un mois, AXYS situe l’importance du budget 2025-26 dans le contexte global, de même que les enjeux.

 

Tableau peu reluisant
« With a strong electoral mandate secured in November 2024, the coalition committed to the overarching priorities, taming inflation, stimulating sustainable economic growth, and safeguarding institutional independence and freedom. » Toutefois, avant de passer aux propositions, AXYS dresse un tableau peu reluisant de la performance budgétaire et financière sous le précédent gouvernement.

En guise de préambule, mention est faite que « the budget is more than a fiscal tool. It is the government’s first comprehensive policy statement to realign the economy after years of underperformance, fiscal erosion, rising inequality, and a weakening external position. » À partir de ce constat, Sanjay Goolab, Managing Director – Securities and Execution Desk, et Navnit Seeburrun, Investment Analyst chez AXYS, dissèquent les indicateurs et les secteurs économiques, en s’appesantissant sur le fait que les autorités ne peuvent échapper à la contrainte majeure d’un worsening du Current Account Deficit, qui est passé de Rs 29,7 milliards en 2023 à Rs 44,7 milliards en 2024, avec une détérioration inévitable de la balance des paiements.

De toute évidence, là où le bât blesse en matière économique est au niveau du déficit budgétaire, représentant Rs 48,5 milliards, soit 6,7% du Produit intérieur brut (PIB). Pour AXYS, la cause de cette inadéquation budgétaire se trouve dans « an unproductive spending and an unsustainable rise in pension-related costs. » La conséquence directe de cette politique est que « this overshadows critical investments in education, health, and infrastructure. »

À ce titre, la thérapie préconisée par le Fonds monétaire international, à savoir des réformes en profondeur, dont « gradually increasing the retirement age (de 60 à 65 ans) and enhancing fiscal transparency », revient à l’agenda budgétaire. Tout en pointant du doigt la politique de l’ancien gouvernement, avec pour résultat des « pubic sector inefficiencies » et surtout le recycling des projets de développement, avec sept sur dix (95 sur 137) dans le budget 2024-25 de Renganaden Padayachy étant des redites, AXYS propose trois lignes d’action, à savoir :
• l’adoption d’une Fiscal Responsibiity Act et une nouvelle Debt Management Act, présentée comme étant utmost crucial ;
• l’élargissement de l’assiette fiscale via des taxes vertes ;
• la réallocation des dépenses sociales vers des secteurs porteurs.

Au chapitre des redites budgétaires, signées de l’ancien Grand Argentier dans les précédents budgets, AXYS n’hésite pas pour stigmatiser que « this repetition raises serious questions about implementation, accountability, and strategic planning. Such redundancy must be addressed to restore credibility in fiscal policy making and ensure efficient allocation of public funds. » Sous la forme de rupture, les spécialistes d’AXYS maintiennent que « it is essential that future budgets, especially under the full term of the Alliance du Changement, reflect renewed ambition, transparency, and a clear break from recycled promises. »

AXYS affirme que « the 2025/26 budget must break decisively from the past. It must embody the electoral commitments made by the Alliance du Changement, controlling inflation, spurring inclusive growth, and preserving institutional autonomy. » Mais le rapport Budget Expectations concède que même si « this budget can lay the foundation for a resilient, modern, and equitable Mauritius, the moment demands political courage and strategic clarity. »

Stratégie de la rupture

En attendant de voir le Premier ministre et ministre des Finances dévoiler la stratégie de la rupture avec l’accent sur la consommation et le recours à des Allowances, AXYS dégage des pistes d’interventions dans différents secteurs clés de l’économie pour assurer la résilience et la croissance comme suit :
Agriculture : Avec seulement 4,6% du PIB et 1% des dépenses publiques, le secteur souffre d’un sous-investissement chronique. En 2024, la facture des importations alimentaires se montait à Rs 57,6 milliards. Dans une tentative de redresser la barre, une National Agro-Resilience Initiative, prônant la promotion du Smart and Organic Farming, une politique de soutien avec des Tax Breaks et des subventions sur les équipements agricoles, un Cold Chain Investment et une campagne nationale sur le thème Eat What You Grow, est proposée ;

Économie bleue : Malgré une Zone Economique Exclusive couvrant de 2,3 millions de kilomètres carrés, le potentiel marin reste largement inexploité dans la mesure où Maurice importe pour Rs 12 milliards de produits de mer chaque année, même si les recettes d’exportation du seafood hub sont de l’ordre de Rs 17 milliards. La proposition est à deux niveaux, soit la création d’une Seafood Export Zone pas trop loin de Port-Louis et des investissements dans des eco-friendly fishing and logistics ;

Services financiers : En déclin malgré un poids de 13,3% dans la Valeur Ajoutée Brute (VAB), le secteur nécessite un écosystème de marchés de capitaux plus robuste, le soutien à la fintech et la mobilisation des fonds de pension vers l’économie locale ;
Tourisme : ce secteur est marqué par un tassement presque chronique, avec toujours 1,4 million de visiteurs et des dépenses journalières figées à USD 131. Les propositions s’articulent autour de la construction des établissements 3 et 4-étoiles, délaissant le haut de gamme, une réorientation des open skies policies favorisant les low-cost carriers et une diversification de l’offre : écotourisme, tourisme culturel, bien-être, activités nautiques et parcs de loisirs aux standards internationaux.

Immobilier et IDE : Bien que l’immobilier capte 72% des IDE, la VAB du secteur recule et les prix ont bondi de 144% depuis 2019. AXYS prévient que « the sector’s dominance distorts economic policies » et recommande d’encadrer la spéculation étrangère et de conditionner les investissements à une création de valeur économique tangible.

SBM Insights
Le ballon d’oxygène du Chagos Financial Package
— Budget : « An urgent priority is to execute a well-calibrated medium term fiscal consolidation programme »

La dernière édition de SBM Insights, sous la plume de Nuvin Balloo, Group Chief Strategy Officer, n’ignore nullement l’apport du Chagos Financial Package dans la conjoncture budgétaire. Mais en marge de la présentation du budget, l’analyse de la Banque d’État note que « la conjoncture mondiale contraignante et les ratios macroéconomiques récents requièrent la poursuite des politiques économiques bien conçues et une consolidation fiscale crédible et efficace sur le moyen et long termes, tout en renforçant la résilience et la compétitivité de l’économie. »

Commentant le ballon d’oxygène représenté par le traité anglo-mauricien sur les Chagos du 22 mai dernier, la State Bank of Mauritius trouve que « comfortingly also, the financial package and accompanying foreign exchange inflows would help to achieve better-performing domestic forex markets and an even more resilient banking industry, alongside boosting the availability of foreign currency on the market and relative rupee stability. »
Cela dit, le Chief Strategy Officer de la State Bank concède que le contexte international, conjugué aux caractéristiques inhérentes de l’économie, impose « le besoin primordial de prendre les mesures nécessaires – avec le support des différentes parties prenantes – dans le but de contenir la hausse des dépenses publiques récurrentes, bien que cela peut s’avérer politiquement risquant ; et d’accroître sensiblement les revenus de l’État. »
La dernière édition de SBM Insights, rendue publique au cours de la semaine écoulée attire l’attention sur le fait que « a major challenge and an urgent priority for Mauritius is — in light of current fiscal and budgetary ratios — to execute a well-calibrated medium-term fiscal consolidation programme, which will tackle the fiscal deficit, promote budgetary discipline and ensure that public debt is embarked on a sustainable path. »
Pour atteindre cet objectif budgétaire, la State Bank of Mauritius se penche en faveur d’une série de mesures, dont :
— « to contain Government expenditures in the wake of the dynamic context and to prioritise earmarked projects along with consolidating social welfare ;
— « to materially boost tax and non-tax Government revenues, aided by effective reforms ;
— « to maintain the integrity and transparency of fiscal rules, to reduce macroeconomic risks ;
— « to preserve the attractiveness and predictability of the income tax regime, to uphold the appeal of the business environment and foster capital inflows ; and
— « to secure broad-based stakeholder acceptance, backed by judicious communication strategies. »

Nuvin Balloo met également en garde contre les risques potentiels avec les vents contraires mondiaux, essentiellement en raison des droits de douane annoncés par Donald Trump, des perturbations dans les schémas commerciaux ainsi que des répercussions à plusieurs niveaux sur les marchés financiers et le secteur réel. Les conséquences pourraient se traduire en termes d’inflation, de consommation des ménages, d’exportations nettes, de flux de capitaux étrangers, de mouvements de devises et de valeur ajoutée sectorielle.
« Sur le plan domestique, l’expansion de l’économie mauricienne sera, cette année-ci, affectée par les sécheresses fréquentes et prolongées que le pays a connues, avec des répercussions sur les prix à la consommation, la production et le commerce. Il convient de souligner que notre pronostic de croissance pour le pays sera réévalué en cours d’année, car soumis à des incertitudes majeures et à des risques de dégradation du contexte mondial. Au niveau domestique, l’un des principaux downside risks concerne l’aggravation potentielle des aléas climatiques, qui seraient susceptibles d’affecter négativement la production nationale et les performances à l’export », note un communiqué à ce sujet.

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