CRIMINALITÉ À MAURICE En 2024 : Crimes graves, surpopulation carcérale et récidive : le revers inquiétant des statistiques 2024

• La drogue prolifère malgré la répression avec 4 373 infractions  (+4 %) avec le  Cannabis et les substances synthétiques qui dominent, alors que les jeunes sont en première ligne et les réseaux gagnent en sophistication • 35 homicides (+34,6 %),  317 144 contraventions routières (+137 %) et un taux de récidive carcérale de 73 %. • Les autorités appelées à agir face à la récidive et à la violence domestique

Les derniers chiffres publiés par Statistics Mauritius dans l’édition 2024 des Indicateurs économiques et sociaux sur la criminalité, la justice et la sécurité dressent un tableau nuancé de la situation du crime et de la justice dans le pays. Si les taux globaux d’infractions ont diminué, une analyse plus fine révèle des augmentations inquiétantes de certaines violences, une surpopulation carcérale croissante et une récurrence marquée des récidives.

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• Une baisse globale de la criminalité, mais des défis sous-jacents
En 2024, le taux global d’infractions (hors contraventions) est tombé à 42,8 pour 1 000 habitants, contre 46,6 en 2023. Les délits ont diminué de 11,5 % et les vols ont chuté de manière significative de 26,2 %. Le taux de contraventions routières a plus que doublé, en grande partie à cause de l’introduction des amendes forfaitaires automatiques.
Malgré ces progrès en apparence, plusieurs catégories ont connu des évolutions préoccupantes. Les homicides volontaires sont passés de 26 à 35 cas (+34,6 %), dont 40 % perpétrés au sein des foyers. Les agressions n’ont diminué que légèrement, avec plus de 62 % commises à domicile et 55 % des victimes ayant un lien avec leur agresseur.

• Violences sexuelles : les jeunes et les foyers en ligne de mire
Les données sur les violences sexuelles et l’exploitation sont particulièrement alarmantes. Bien que le nombre de cas rapportés soit passé de 688 à 682, la majorité des victimes (93,2 %) étaient des femmes et près des deux tiers avaient moins de 16 ans. Le taux de victimisation des femmes est passé de 101,9 à 102,7 pour 100 000 femmes. La plupart des agressions ont eu lieu dans un cadre domestique, souvent avec des membres de la famille comme agresseurs.

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Les mineurs sont fortement touchés. Les cas impliquant des mineurs ont augmenté, mais les condamnations ont chuté, passant de 109 en 2023 à 69 en 2024. Les condamnations pour viol sont tombées de 13 à 6, révélant d’importantes lacunes dans l’application des lois et la protection des victimes.

• Infractions liées à la drogue et violations routières en hausse
Les infractions liées à la drogue ont augmenté de 4 % pour atteindre 4 373 cas, avec une prédominance du cannabis et des cannabinoïdes synthétiques. La valeur marchande des drogues saisies est estimée à 1,56 milliard de roupies. Les condamnations pour délits liés à la drogue ont bondi de 22,9 %.

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Les infractions routières ont explosé, notamment pour excès de vitesse, utilisation du téléphone au volant et absence de vignette sur les véhicules. Les infractions routières cumulées ont conduit à la disqualification de 34 conducteurs, dont un étranger.
• Amendes forfaitaires et explosion des contraventions routières
Le nombre de contraventions routières est passé de 133 434 en 2023 à 317 144 en 2024. Cette augmentation est principalement due à l’introduction des amendes forfaitaires (Fixed Penalty Notices – FPNs), un nouveau mécanisme ayant généré 100 818 cas. Ces amendes sont généralement émises par des dispositifs automatisés et des radars routiers, pour des infractions telles que l’excès de vitesse, le non-port de la ceinture et l’utilisation du téléphone en conduisant.

À l’inverse, les contraventions émises par la police (lors de contrôles routiers) représentent 216 326 cas en 2024. Celles-ci ciblent notamment la conduite en état d’ivresse, les irrégularités de documents et la conduite dangereuse ou négligente. Les hausses les plus marquées concernent :
• Utilisation du téléphone en conduisant : +320,9 %
• Non-port de la ceinture : +375,7 %
• Excès de vitesse : +29,6 %
• Absence de vignette : +182,8 %
• Dépassement sur ligne continue : +402,3 %

Ces données traduisent un renforcement de la surveillance automatisée, mais aussi une intensification des contrôles policiers manuels.
• Condamnations et poursuites : une justice sous pression
Bien que le nombre de personnes poursuivies soit resté stable (25 877), le taux de condamnation a chuté de 23,2 à 18,0 pour 1 000 habitants. Les condamnations pour vol, fraude, agression et dégradations ont diminué, tandis que seules celles pour drogues et homicides ont progressé. De façon inquiétante, 48 % des condamnations en 2024 concernaient des infractions routières non violentes.
La baisse des condamnations judiciaires et des renvois de l’ODPP vers les cours supérieures (-45,5 %) soulève des questions sur la capacité ou les priorités du ministère public. Par ailleurs, les divorces ont augmenté de 11 %, tandis que les signalements de violences domestiques ont légèrement diminué.

• Prison : une population en hausse, des récidives préoccupantes
Le taux d’emprisonnement est passé de 196,6 à 210,3 pour 100 000 habitants. Le taux d’occupation moyen des prisons a atteint 70,2 %, avec près de la moitié des détenus en détention préventive. Fait notable, 73 % des détenus étaient des récidivistes, et 56 % avaient déjà été incarcérés plus d’une fois.

Chez les adultes, les délits les plus courants sont le vol, les troubles à l’ordre public, les braquages et les affaires de drogue. La tranche d’âge la plus représentée est celle des 26-30 ans. L’incarcération des mineurs reste faible, concentrée sur les cas de vol et de cambriolage.
• Quelles actions envisager ?
Les spécialistes appellent à une stratégie multisectorielle :
• Sécurité domestique : plus de moyens pour la prévention des violences intrafamiliales, le soutien communautaire et l’accompagnement psychologique.
• Protection des mineurs : renforcer les unités spécialisées et garantir une poursuite plus efficace des infractions sexuelles.
• Réinsertion et réhabilitation : développer les peines alternatives comme la probation et les travaux d’intérêt général.
• Réforme des poursuites : doter le bureau du DPP et la justice de moyens renforcés pour traiter les dossiers complexes.
• Policing intelligent : s’appuyer sur des données pour cibler les infractions routières et liées à la drogue.

Chiffres clés de la criminalité à Maurice en 2024
Indicateur
Chiffre 2024
Variation
Taux global d’infractions
42,8 pour 1 000

Homicides volontaires
35 cas
↑ +34,6%
Agressions
9 474 cas
↓ -2,4%
Victimes de violences sexuelles
93,2 % femmes

Victimes < 16 ans (violences sexuelles)
64,7 %

Infractions liées à la drogue
4 373
↑ +4%
Contraventions routières
317 144
↑ +137%
Amendes forfaitaires automatisées
100 818

Contraventions émises par la police
216 326

Taux de condamnation
18,0 pour 1 000
↓ -22,4%
Taux d’emprisonnement
210,3 pour 100 000

Récidive parmi les détenus
73 %

Si Maurice a réussi à réduire une part de la petite criminalité, des problèmes systémiques plus profonds subsistent : violences domestiques, trafic de drogues, récidives persistantes. Les données 2024 tracent une feuille de route claire pour ceux qui veulent engager des réformes ambitieuses et coordonnées.

Infractions liées à la drogue : un problème endémique qui évolue
• La valeur marchande des drogues saisies a été estimée à 1,56 milliard de roupies, ce qui témoigne d’une économie parallèle florissante

En 2024, Maurice a enregistré 4 373 infractions liées à la drogue, soit une hausse de 4 % par rapport à 2023. Si cette progression peut sembler modérée en apparence, elle s’inscrit dans un contexte où le trafic, la consommation et la distribution de stupéfiants deviennent de plus en plus sophistiqués et fragmentés. Le cannabis reste la substance la plus fréquemment saisie, mais l’usage croissant de cannabinoïdes synthétiques et de drogues de synthèse suscite une vive inquiétude dans les milieux policiers et sanitaires.

La valeur marchande des drogues saisies a été estimée à 1,56 milliard de roupies, ce qui témoigne d’une économie parallèle florissante. Cette donnée révèle aussi l’existence d’un réseau structuré, bien implanté localement et souvent lié à des circuits transnationaux. En parallèle, les condamnations pour infractions liées à la drogue ont augmenté de 22,9 %, ce qui suggère une intensification des efforts de poursuite. Toutefois, cette hausse des condamnations contraste avec le faible taux de réhabilitation observé parmi les anciens détenus.

Autre fait préoccupant : une part significative des jeunes incarcérés est liée à des délits de drogue, souvent mineurs, ce qui pose la question de l’efficacité des politiques répressives face aux enjeux de santé publique. En l’absence de politique de réduction des risques et de prise en charge systématique de la dépendance, la récidive reste élevée et le cycle de la marginalisation se perpétue.

Les spécialistes appellent à un changement de paradigme :
• Renforcement du volet préventif, en milieu scolaire et communautaire.
• Création de centres de désintoxication régionaux pour une meilleure prise en charge.
• Dépénalisation partielle de l’usage personnel accompagné de traitements médicaux.
• Meilleure traçabilité des saisies et transparence dans les enquêtes.
• Renforcement de la coopération régionale et du renseignement douanier.

Une stratégie nationale sur les drogues devrait ainsi articuler répression ciblée, prévention active, et réinsertion durable pour endiguer un fléau qui se renouvelle sans cesse sous de nouvelles formes.

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