Santé mentale — Prévention suicide : Befrienders célèbre ses 30 années au service de la société

En 2024, sur les 112 cas de suicides, 38 concernaient des jeunes dans la fourchette de 16 à 25 ans et 56 entre 26 et 45 ans. 60 volontaires offrent un service d'écoute 7/7 Doris Dardanne (présidente) : « Le nombre de jeunes en détresse en hausse constante »

L’ONG Befrienders Mauritius, engagée dans la prévention du suicide, célèbre cette année, ses 30 ans. Initiative de feu Dr Ibhoo Mansoor et ONG dirigée pendant longtemps par Ibrahim Sheik-Yousouf, elle a traversé le temps grâce au dévouement de nombreux volontaires, qui se relaient pour offrir un service d’écoute 7 jours sur 7. Pour ce 30e anniversaire, l’accent est mis sur les jeunes, étant donné le nombre grandissant d’appels de détresse venant d’eux.

- Publicité -

« Silent Signs, Listening Hearts. » Tel est le thème choisi par Befrienders Mauritius pour les activités marquant ses 30 années d’existence. Doris Dardanne, la présidente, explique que l’accent est mis sur les jeunes, car ils sont de plus en plus nombreux à chercher de l’aide. Les statistiques officielles donnent un aperçu de l’étendue du problème. En 2024, sur les 112 cas de suicides enregistrés, 38 concernaient des jeunes âgés de 16 à 25 ans et 56 des personnes âgées de 26 à 45 ans.

Le lancement des activités marquant les 30 ans d’existence a eu lieu hier, coïncidant avec la Journée mondiale de prévention du suicide, observée le 10 septembre. Doris Dardanne a fait ressortir que des ateliers seront organisés pour aider les participants à reconnaître les signes qui doivent alerter chez les personnes en détresse : « Le suicide est l’une des principales causes de décès chez les jeunes. Les parents sont parfois perdus. Il peut y avoir un manque de communication dans la famille et des non-dits. Nous allons mettre l’accent sur la relation parents-enfants. »

- Publicité -

La présidente de Befrienders Mauritius a également insisté sur l’importance de la communication. «Il faut utiliser la parole pour priser l’isolement. La santé mentale est l’affaire de tous », a-t-elle insisté.

José Émilien, membre de Befrienders Mauritius depuis 19 ans, est revenu sur le parcours de l’ONG. «Lorsqu’il est rentré au pays, le Dr Ibhoo Mansoor était alerté par le nombre de suicides. Il a voulu lancer un service d’écoute sur le modèle de The Samaritans, en Angleterre. Il a contacté des personnes du milieu médical, dont Ibrahim Sheik-Yousouf, qui a été directeur de Befrienders. Aujourd’hui, nous sommes affiliés à Befrienders International.»

- Advertisement -

Actuellement, Befrienders Mauritius compte 60 volontaires offrant un service d’écoute 7 jours sur 7. Au préalable, ils suivent une formation de dix jours. Au lancement de l’ONG, il y a 30 ans, des experts britanniques sont venus former les Mauriciens, qui sont devenus formateurs, à leur tour. « La formation est très importante, car il s’agit d’un sujet sensible. Il faut s’assurer de ne pas faire plus de tort que de bien à la personne qui appelle », indique José Émilien.

Nouveaux moyens de communication

 Si au départ, Befrienders opérait avec une hotline et recevait une cinquantaine d’appels par an, la situation a bien évolué depuis. Aujourd’hui, il y a un numéro WhatsApp, qui facilite surtout la communication des jeunes et le nombre d’appels reçus par an est passé à 3000. Le confinement dû à la pandémie de Covid-19 a aussi poussé l’ONG à ajouter deux lignes à son service. « Beaucoup de personnes pensent que le confinement a permis aux familles de passer du temps ensemble et de resserrer les liens, mais il y a eu aussi beaucoup de problèmes qui ont éclaté.»

Outre le service d’écoute par téléphone, Befrienders reçoit également en personne et fait des campagnes de prévention dans les établissements scolaires et les bureaux. « Nous essayons de donner le maximum d’information pour aider les personnes à détecter des signes de détresse. Nous faisons également de la formation pour l’écoute active.»

Les causes de détresse émotionnelle ont également évolué au fil des années. Si au départ, les peines de coeur et les maladies mentales étaient parmi les causes les plus courantes de pensées suicidaires, il faut aujourd’hui, ajouter le bullying, les non-dits, la solitude et le manque de dialogue dans les couples ou entre parents et enfants. «L’un des plus grands défis, c’est qu’il faut toujours former de nouveaux volontaires. Car beaucoup partent après deux ou trois ans. Ce n’est pas toujours facile de soutenir cette charge émotionnelle.»

L’autre difficulté étant que le suicide et la santé mentale demeurent des tabous de la société mauricienne. « Il y a beaucoup de non-dits. Les personnes gardent ce qu’elles ressentent à l’intérieur. Les hommes sont plus concernés par ce problème. C’est pour cela qu’il y a plus de cas de suicides avérés chez les hommes.»

Sheila Cheekooree, membre depuis 18 ans et chargée de formation, a mis l’accent sur l’importance de bien équiper les volontaires. «Tous les appels ne sont pas pareils. Ils doivent pouvoir faire la différence entre quelqu’un qui a besoin de parler et quelqu’un qui risque de commettre l’irréparable ou qui a déjà fait quelque chose de grave avant d’appeler.» Pour cette raison, poursuit-elle, sur chaque shift, il y a un volontaire expérimenté et un nouveau. Le premier agira comme mentor.

Les volontaires sont également formés au Suicidal Risk Assessment. L’envers du décor est qu’il y a également des gens qui se servent du service d’écoute pour harceler les volontaires. Les exemples du Sexual Manipulative Calle» ou de l’Angry Caller, ont été évoqués par Sheila Cheekooree. Dans ce cas, les volontaires, ont aussi appris comment mettre fin à un appel indésirable.

Riche de son parcours de 30 ans, Befrienders Mauritius a élaboré un plan d’intervention pour les cinq ans à venir. Celui-ci comprend : plus de campagnes de sensibilisation auprès du public; plus d’interventions dans les prisons, maisons de retraite et hôpitaux, entre autres; collaboration avec d’autres ONG; étendre les heures d’écoute au-delà de 21h; mettre en place des podcasts dédiés à la santé mentale; recruter et former plus de jeunes adultes.

 

Nooha (volontaire) : « J’ai appris à voir les gens différemment »

 

« Je suis volontaire à Befrienders depuis 9 ans. Le travail d’écoute m’a aidé à développer l’empathie. J’ai appris à voir les gens différemment. Ce n’est pas toujours facile d’assurer l’écoute. Les confidences peuvent avoir des incidences sur notre vie personnelle, être un poids sur nous.

C’est pour cela que nous avons des sessions de Debrief avec l’équipe. Nous apprenons à gérer cette situation. Ma motivation est qu’une communication peut aider à sauver une vie, ou donner l’envie de vivre. Ma satisfaction est de savoir que je peux faire une différence dans la vie des gens.»

 

Eric (volontaire) : « Il ne faut pas hésiter à en parler »

« Je suis volontaire depuis octobre de l’année dernière et je constate que malgré tous les moyens de communication que nous avons aujourd’hui, il y a des gens qui sont bien isolés. Cela, même quand ils ont une cellule familiale. Le plus dur dans ce travail est de ne pas ramener les problèmes à la maison.

Ma gratification est que je me dis, peut-être, que j’ai pu faire la différence. Pour continuer ce service, nous avons besoin de volontaires. Nous avons de plus en plus de jeunes de moins de 18 ans qui appellent. Quand on a un enfant de huit ans qui pense à mettre fin à ses jours, c’est très dur. Il ne faut pas hésiter à en parler. N’hésitez jamais à demander à quelqu’un : ça va? Tout va bien?»

Formations aux parents et éducateurs

 

Dans le cadre des activités marquant les 30 ans d’existence, Befrienders Mauritius a organisé deux ateliers de formation, en collaboration avec l’entreprise sociale Konekte. Jeudi matin, le Dr en psychologie, Émilie Rivet a animé une causerie sur le thème « Le comportement suicidaire à l’adolescence : les facteurs de risques, signes, alertes et stratégies d’intervention », à l’intention des éducateurs.

Dans l’après-midi, elle a réuni les parents, sur le thème «Prévention du suicide et de la détresse émotionnelle par la création et le renforcement des liens affectifs parents-enfants.»

Élise Koenig, psychologue spécialisée dans le développement de l’enfance et l’adolescence, a animé une causerie sur le thème «Aider mon enfant à gérer des situations de harcèlement.»

Le samedi 6 septembre, Françoise Labelle, représentante locale de la Gordon Training International, pour la formation sur la parentalité efficace et l’enseignement efficace, animera un autre atelier au Flying Dodo. Le thème est : « Écoute active, reformulation et obstacles à la communication parents-enfants/Renforcer le lien affectif » . Cette session est réservée aux ONG. Un autre atelier sur le même thème à l’intention des bénévoles est prévu le même jour.

Pour contacter Befrienders

Hotline : 800 9393

Téléphone : 4670160

Whatsapp : 5483 7233

Adresse : 152 Route Royale Beau-Bassin

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques