BIZNESS DE LA SANTÉ : Rs 20 milliards par an pour se soigner

Les conclusions du « Survey Report » sur le Household Out-of-Pocket Expenditure on Health, entrepris conjointement par le ministère de la Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) confirment que Maurice consacre une moyenne de Rs 15 800 par tête d’habitant annuellement pour des besoins de traitement médical. Pour l’une des premières fois, le budget de la santé privée, qui est évalué à Rs 10,8 milliards, selon ce rapport, est supérieur au budget alloué au ministère de la Santé, qui est juste sous la barre des Rs 10 milliards, soit exactement Rs 9,2 milliards. La tendance de la prépondérance du privé sur le public en matière de santé devra s’accentuer dans les années à venir avec la décision du gouvernement d’inviter les fonctionnaires et les employés des corps para-publics à souscrire à partir du 1er juillet prochain à un Government Medical Insurance Scheme contributif, soit à hauteur de 50% pour les employés et 50% pour le gouvernement. Cette recommandation fait partie du dernier rapport du Pay Research Bureau (PRB). Certains trouvent dans ce moyen détourné d’assurance médicale dans le secteur public une manoeuvre pour s’engager dans la voie d’une privatisation partielle des services de santé public avec des répercussions sur le concept d’Universal Health Coverage (UHC) dans le cadre de la politique de Welfare State. En tout cas, à ce jour, le Survey conjoint met en exergue le fait que trois Mauriciens sur quatre continuent à avoir recours aux services de Primary Health Care du gouvernement vu que les tarifs pratiqués dans le privé ne sont pas à la portée de tous les ménages.
Le point de départ de cette étude concerne l’importance des services publics de santé comparativement à ceux du privé avec les dix-sept cliniques opérationnelles. Trois Mauriciens sur quatre (72, 8%) continuent à se rendre dans les différents centres hospitaliers du ministère de la Santé pour se faire soigner contre 27,2% optant pour des soins médicaux dans le privé. D’emblée, ce qui saute aux yeux est que cette dernière catégorie de Mauriciens, encore minoritaire, dépense davantage que les trois quarts pour se faite soigner chaque année.
Les dépenses encourues par ces 27,2% de la population se rendant dans des cliniques ou se faisant soigner par des médecins dans le privé sont de Rs 10,8 milliards, dont Rs 94,1 millions pour Rodrigues, probablement en raison d’une absence d’infrastructure médicale sur l’île. L’ensemble de ces dépenses pour les soins au privé représente 2,8% du produit intérieur brut (PIB), ou encore des dépenses de Rs 8568.54 par tête d’habitant par an. De ce fait, les auteurs de cette étude ne peuvent s’empêcher de dresser la comparaison avec le budget du ministère de la Santé. « Households’ Out-Of-Pocket Expenditure spending on health outsized the budget of the Ministry of Health and Quality of Life which was Rs 9,21 billion in 2014 by almost 16,43% », font-ils ressortir tout en se gardant de s’aventurer à commenter l’évolution de ces paramètres dans les années à venir.
Toutefois, force est de constater que la part du secteur privé dans les traitements médicaux n’a fait que progresser. Avec la précédente étude entreprise en 2006 pour l’exercice financier 2001/02, « total health expenditure for the Republic of Mauritius was Rs 6,12 billion, representing 4,5% pf GDP. Out of the total amount, the State spent Rs 3,16 billion. Out-Of-Pocket spending on health by households was estimated at Rs 2,32 billion. Households spent Rs 119,3 million on private insurance ».
Médecins dans le privé: le pactole
De cette enveloppe de dépenses de Rs 10,8 milliards encourues par les ménages au chapitre des soins médicaux, la facture pour les médicaments et les Medical Supplies and Disposables se monte à quelque Rs 5 milliards, soit de l’ordre de 50%. La part des pharmacies avec la vente des médicaments aux comptoirs est de Rs 2,93 milliards, soit un « per capita spending on pharmaceuticals in the private sector » de Rs 2 319.16, chiffre qui ne cesse d’augmenter en raison du taux d’inflation pharmaceutique.
Les fournisseurs de matériels médicaux et de Disposables ne sont pas loin derrière avec des recettes annuelles dépassant les également des Rs 2 milliards. A ce chapitre, le rapport du ministère de la Santé souligne que « medical supplies and disposables include all medical non-durable goods purchased either directly by health consumers or included in the bills of patients seeking services in the private sector». A lui seul, cet item nécessite des dépenses de Rs 2,2 milliards, soit 20% du budget des soins médicaux privés des ménages.
Le corps des médecins et autres spécialistes pratiquant dans le privé s’approprie quelque Rs 1,2 milliard annuellement de ce pactole. Ce petit détail pourrait pousser la Mauritius Revenue Authority (MRA) à revoir son dossier au sujet de l’Income Tax perçue des médecins du privé. De leur côté, les cliniques privées sont sur le point de passer la barre du milliard en terme de chiffre d’affaires, car en 2014, les User Fees payés aux cliniques étaient de Rs 927 millions. La progression aurait pu être freinée au cours de ces derniers mois avec la déconvenue subie par la clinique Apollo-Bramwell dans le sillage de l’écroulement de l’empire Dawood Ajum Rawat. Pour les besoins de cette étude, les dépenses médicales des ressortissants étrangers ont été exclues.
Les soins pour les yeux et pour les dents, qui sont prodigués dans le privé, constituent un chiffre d’affaires de l’ordre de Rs 1,2 milliard, dont Rs 390 millions pour les soins dentaires et la différence pour des besoins ophtalmologiques particulièrement. Un budget annuel de Rs 294,3 millions est consacré aux « laboratory services forming an integral part of the consumption of any patient, and constitute a guide for diagnosis and treatment choice ». A cela s’ajoutent Rs 233,5 millions pour d’autres services privés comme les X-Ray et Imaging Diagnosis Services.
Pour la période de janvier à juillet de l’année dernière, la moyenne de dépenses mensuelles pour les traitements médicaux était de Rs 1819 par famille, indique encore le rapport. L’achat des médicaments préoccupe le plus, avec Rs 495. Puis suivent dans l’ordre, les honoraires du médecin : Rs 301, les primes d’assurance : Rs 213, et les frais de clinique : Rs 143. « In 2015, average monthly expenditure on health incurred by a household having an average monthly income up to Rs 5000 was estimated around Rs 797. That amount rose to approximately Rs 2 665 for households with income, of more than Rs 20 000 per month », peut-on lire à la page 31 du rapport.
Le traitement médical des Mauriciens à l’étranger, dont le budget de transport, est un facteur majeur à ce tableau. Quelque Rs 425 millions sont dépensées à cet item annuellement, dont Rs 25 millions pour Rodrigues. « The amount spent on health-related  transport by health consumers in Rodrigues relates mostly to airfare of patients from Rodrigues travelling to Mauritius for health care services», note le rapport.
Le phénomène de Catastrophic Expenditure on Health
L’étude du ministère de la Santé, bénéficiant de l’appoint de l’OMS, se penche sur un aspect fondamental des dépenses médicales, notamment des cas de maladies graves survenant tout d’un coup. « The World Health Organisation recommends that health expenditure be viewed as catastrophic whenever it is greater than or equal to 40% of a household’s non-subsistence income, i.e. income available after basic needs have been met ».
Une des conclusions est qu’en moyenne 4% des ménages doivent faire face à ce phénomène de Catastrophic Expenditure on Health. Cette situation se compare favorablement à 2003 où le taux de Catastrophic Expenditure on Health était de 9%.
A partir de là se pose l’équation du financement des dépenses pour des traitements médicaux privés. La grosse majorité des ménages, soit 95,5% selon les chiffres du rapport, se fie à leurs revenus pour assurer ce financement. Néanmoins quelque 40%, soit dans deux cas sur cinq, ils ont dû effectuer des retraits de leurs comptes d’épargne en banque et 3% à des emprunts auprès des institutions financières.
Le rapport dépeint également un tableau sombre en 2015 avec « 8,1% of households had to borrow from friends and relatives in order to effect payments related to the purchase of health services in the private sector. 0,3% of households resorted to the sale of their properties, including land, buildings and vehicles to meet health care expenditures ».
D’où l’importance de l’assurance maladie. A ce stade, les compagnies d’assurance gèrent un portefeuille de 185 000 polices d’assurance maladie avec des contributions de Rs 1,5 milliard, montant qui représente le triple des Rs 565,5 millions de 2008/09. « Total claims settled by insurers, in 2014, amounted approximately to Rs 1,07 billion, out of which, claims settled directly to policyholders amounted to some Rs 367,9 million ». Cette étude soutient qu’un ménage sur cinq est couvert par des polices d’assurance, principalement suite à des arrangements avec les employeurs. La moyenne de prime mensuelle payée est de Rs 607 par mois, soit Rs 609 à Maurice et Rs 402 à Rodrigues.
Une des principales conclusions de cette étude sur le coût des traitements médicaux est qu’elle établit une « evidence-based information on the total estimated amount of Out-Of-the Pocket spending by households and set the platform for revisiting the health care financing mechanisms in the country, if needs arise ». D’où l’urgence de promouvoir des Financial Risk Protection Schemes pour encadrer ceux qui veulent prendre avantage des facilités de traitements médicaux dans le privé. « In order to promote financial risk protection schemes, government may wish to consider the possibility of increasing the relief on medical insurance premium for tax payers », propose le rapport. Une proposition formulée dans la conjoncture de préparatifs budgétaires avec le Budget Speech annoncé pour le 6 juin prochain, soit dans quatre semaines.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -