Budget 2022-23 : le clignotant de la dette dans le viseur du FMI et de Moody’s

Avec la notation maintenue à “Baa2 with Negative Outlook”, cette agence internationale met en garde contre toute détérioration sur le plan de l’endettement public

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Le FMI : « The goal to reduce the stock of public debt should not justify deploying
quasi-fiscal financing, for example, by the MIC »

Le ministère des Finances allergique à tout divorce entre la Banque de Maurice et la MIC, comme préconisé encore une fois par la mission Sancak

À la veille de la présentation du budget 2022-23, deux institutions financières internationales se sont signalées à l’attention du ministre des Finances, Renganaden Padayachy. Moody’s Investors Service et le Fonds monétaire international, avec la conclusion des Article IV Consultations, tiennent quasiment le même langage, voire mettent en avant une préoccupation majeure. Attention à l’endettement public, qui frise la barre des Rs 420 milliards à la fin de mars dernier. Dépendant du dénominateur de ce paramètre économique, notamment l’évolution du Produit intérieur brut (PIB), le ratio peut varier sensiblement des 101% du PIB en décembre dernier dans la dernière analyse de la Banque Mondiale aux 87% selon les chiffres de Moody’s. Mais toujours est-il que l’évolution de la dette publique est dans le viseur de Moody’s et du FMI, et que les provisions à l’item de la public debt dans les prochains Budget Estimates, soit techniquement à l’Appendix F, seront passées à la loupe.

Au cours de la semaine écoulée, le ministre des Finances, qui entame la dernière étape de son policy dialogue avec ses collègues du conseil des ministres sur l’arbitrage du budget 2022-23, s’est retrouvé avec des analyses et des prévisions de ces institutions sur les economic fundamentals en cette période de transition Post-Covid-19, mais également marquées par les séquelles de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans la conjoncture, le maître mot mis en avant demeure fiscal consolidation, soit policies undertaken by Governments to reduce their deficits and accumulation of debt stock.

“Notes of caution” révélatrices

À ce stade, l’agence Moody’s s’est gardée de changer la notation de Baa2 avec une Negative Outlook de Maurice, comme appréhendé par la Mauritius Bankers’ Association (MBA) dans son Budget Memorandum au ministère des Finances. Toutefois, les notes of caution pour l’économie sont plus que révélatrices.

Trois points apparaissent sur le radar de Moody’s porteurs de risques pour la notation future de Maurice. Les indicateurs qui sont sous surveillance demeurent la politique fiscale et monétaire, de même que l’évolution du déficit commercial das un contexte d’extrême volatilité sur le front international. Le taux de change de la roupie et la dégradation de la balance des paiements sont également des facteurs à risques pour toute décision éventuelle de downgrade ou d’upgrade de la part de Moody’s.

Les analyses de cette agence de notation concèdent une amélioration de l’ordre de 16% au niveau de la collecte des recettes fiscales au cours de l’exercice en cours. L’opération d’unwinding of the Covid-19 Support Programme devra également avoir des conséquences positives sur le déficit budgétaire, susceptible de passer des 5% prévus initialement à 4,5%. La conséquence devrait se traduire par un allègement progressif de la pression sur la dette publique, de 87% du PIB au 30 juin 2021 à 76% à juin de l’année prochaine. C’est ce que fait comprendre Moody’s dans sa notation en date du 11 mai.

Sur cette question de la dette publique, la mission du FMI consacrée aux Article IV Consultations revient à la charge sur l’urgence de la consolidation fiscale. Et ce n’est pas sans surprise, en attendant des commentaires plus élaborés dans le Mauritius Staff Report devant être avalisé lors de la réunion du board du FMI au cours de la première quinzaine de juin, les Concluding Remarks de ces présentes discussions à haut niveau apportent des précisions de taille.

« As the recovery solidifies, further fiscal consolidation is needed to restore fiscal space and ensure debt sustainability. Mauritius’ public debt, which rose notably amid the pandemic, is set to stay at elevated levels in the medium term », souligne Cemile Sanzak à la fin de la mission en début de semaine.

“Flexibility to
address shocks”

Poursuivant sur la question de la dette, le FMI préconise « as the economy exits the pandemic, reinstating fiscal rules, including a medium-term debt anchor, would help preserve fiscal sustainability and reduce debt vulnerabilities, while allowing for flexibility to address shocks. » Tout indique que le FMI s’est inscrit en faux par rapport au jeu d’écriture survenu en décembre de l’année dernière avec le transfert de Rs 25 milliards des fonds de la Mauritius Investment Corporation (MIC) à Airport Holdings Ltd pour une prise de participation au sein de cette superstructure aéroportuaire en vue d’assurer la sortie sous administration de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius.

Avec les Rs 25 milliards en provenance de la filiale de la Banque de Maurice, l’Hôtel du Gouvernement a été en mesure de financer le remboursement des engagements agréés lors de la watershed meeting of creditors d’Air Mauritius à hauteur de Rs 12 milliards, avec le montant restant engagé dans une opération de toilettage partielle de la dette publique, notamment au niveau du Fonds national de pension au 31 décembre dernier pour atténuer le ratio de la dette au PIB de 101%.

Le communiqué émis à la mi-journée de mardi note que « the (IMF) mission recommends fiscal consolidation through credible revenue and expenditure measures. The goal to reduce the stock of public debt should not justify deploying quasi-fiscal financing, for example, by the Mauritius Investment Corporation (MIC). » Le FMI fait comprendre qu’une telle approche n’est nullement soutenable en matière de gestion de la dette à terme, car « while quasi-fiscal measures can help reduce debt in the short term, they can delay fundamental fiscal policy actions and lead to renewed pressures in the medium and long term. »

“Safeguarding the Central bank
independence”

Un autre point fondamental soulevé dans les Concluding Remarks de la mission du FMI s’articule autour de la mission première de la Banque de Maurice. De larges extraits y sont consacrés, les officiels soutenant avec force que « improving effectiveness of monetary policy and safeguarding the Central bank independence need to remain priorities. »

Tout en exprimant le souhait de voir le New Policy Framework à la Banque de Maurice être adopté au niveau de l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais, la mission Sancka met l’accent sur la nécessité d’un « tightening the policy stance to control inflation and counter un-anchoring of inflation expectations and second round effects. » Une autre composante de ce nouvel encadrement à la Banque de Maurice porte sur plus grande marge de flexibilité au niveau de la politique de taux de change alors que la préoccupation se résume à « improving the legal framework and addressing governance issues are important to allow for further safeguards to the central bank independence. »

Néanmoins, avant de s’attaquer aux relations entre la Banque de Maurice et la Mauritius Investment Corporation, le FMI lâche une remarque valant son pesant d’or et n’échappant pas à l’attention de ceux qui assurent un BoM Tower Watch. « Consistent with the BOM Act, the government needs to cover BOM’s losses which may materialize due to increasing policy implementation costs already in the near-to medium-term », rappelle le FMI avec la publication du bilan de la Banque centrale pour l’exercice financier en cours under close monitoring.

Par contre, la confrontation entre le ministère des Finances et le FMI est des plus frontale quand le chapitre des opérations de la MIC est ouvert. Comme ce fut le cas lors des précédentes consultations, l’Hôtel du Gouvernement et la Banque de Maurice sont sur la même longueur d’onde. Pour le FMI, les opérations de la Mauritius Investment Corporation comportent des risques au balance sheet de la Banque centrale avec la séparation de ces entités une condition sine qua non pour consolider l’indépendance de cette dernière et assurer la séparation entre « monetary and fiscal policies. »

“Taking over”
de la MIC

Très probablement, le Staff Report à l’Executive Board du FMI réitérera la demande pour que les Rs 48 milliards encore dans les comptes de la MIC soient remboursées sans nul autre procès à la Banque de Maurice. Le FMI a également repris la thèse avancée par la Mauritius Bankers’ Association à l’effet que la MIC se présente comme un concurrent avec des avantages conséquents dans le circuit pour le financement de projets profitables. Ainsi, la solution proposée est soit un taking over de la MIC par le gouvernement, soit l’intégration à la Banque de Développement.

Pas question de céder aux pressions du FMI au sujet de la MIC, dont les interventions auront permis à des conglomérats économiques de garder la tête hors de l’eau pendant la pandémie de Covid-19 et surtout de prévenir tout effet sismique dans le secteur des services financiers. C’est la position adoptée par Renganaden Padayachy et Harvesh Seegoolam au lendemain de la publication de ces Concluding Remarks.

En conclusion à des Concluding Remarks, le FMI balise la voie en vue de satisfaire « Mauritius’ aspiration to become a high-income country. » Toutefois, la mission fait ressortir que cet Economic Reform Agenda devra être formulé en consultation avec le secteur privé et la société civile. « To achieve this, the authorities need to consider policy options to reduce the shortage of suitably skilled workers. Greater digitalization should help further promote diversification and move up the value chain. Addressing climate change is another priority to help the economy build resilience against shocks. Diversification and improving the resilience of the economy need to be supported by a comprehensive reform agenda to identify priorities, address obstacles, and increase efficiency, including by finding complementarities between the public and private sectors », avance la mission, Sancak.

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