La Task Force sur la Banking Sector Resilience prépare la Roadmap for Unwinding of Covid-19 Support Measures tout en évitant au maximum des Cliff-Edge Effects
L’endettement des ménages, représentant Rs 120 milliards, en hausse
de trois points , soit 41% du PIB, pousse les banques à serrer la vis
Le Corporate Sector, avec des facilités bancaires de Rs 208 milliards, face à des “triple elevated risks”, sur le plan des liquidités, de la
capitalisation et de la profitabilité
Restructuration de la dette du secteur privé de l’ordre de Rs 100 milliards avec les BoM Relief Packages comptant pour 70% sous forme de moratoire
L’échéance du 1er octobre, avec la réouverture des frontières, est présentée par l’Hôtel du gouvernement comme une étape majeure post-Covid-19 pour l’économie. Et cela, en dépit de la détérioration de la situation sur le plan sanitaire. Toutefois, du côté de la Bank of Mauritius Tower, avec le gouverneur Harvesh Seegoolam étrennant son titre de Governor of the Year décerné par l’Africa Business Leadership Award, la principale appréhension s’articule autour des répercussions de l’Unwinding of Covid-19 Support Measures que ce soit en faveur des ménages ou des opérateurs du secteur privé, et devant intervenir d’un moment à l’autre à partir de ce dernier trimestre. Le fait crucial demeure que sur des facilités bancaires de l’ordre de Rs 200 milliards accordées au secteur privé, pas moins de Rs 100 milliards, soit 50%, ont fait l’objet de restructuration sous forme de moratoire du Covid-19 Support Programme initié par la Banque de Maurice depuis la mi-mars de l’année dernière. Et ce n’est pas tout. L’endettement des ménages, avec la dégradation sur le front de l’emploi et des salaires, avec une enveloppe de Rs 120 milliards, dont Rs 80 milliards pour les besoins de construction résidentielle, constitue un autre casse-tête, d’autant que “in a difficult economic environment characterized by lower income-generating abilities for many households, debt servicing has become more challenging”. En tout cas, les grandes manœuvres à être engagées lors des prochains mois ont une unique perspective, à savoir ne pas porter préjudice à la stabilité du secteur financier, qui a été épargné jusqu’ici des secousses causées par la pandémie de coronavirus.
En vue d’amorcer ce tournant, qui s’avère être aussi délicat que les effets des premier et second lockdowns de l’année dernière et du premier semestre de cette année, la Banque de Maurice, à travers la Task Force sur la Banking Sector Resilience, comprenant également des représentants des banques commerciales et de la Mauritius Bankers Association (MBA), a établi des pistes pour un retrait des mesures d’encadrement économique et social mises en place depuis mars de l’année dernière et prolongées techniquement jusqu’au 30 juin de l’année prochaine. Les détails de cette feuille de route de cet Unwinding of Covid-19 Support Measures font actuellement l’objet de discussions au sein de cette instance, avec l’intention déclarée du gouvernement par rapport à la date butoir du 1er octobre.
De ce fait, le nouveau mandat de la Banque de Maurice devra tenir en ligne de compte le “timing of the recovery from the pandemic”, tout en définissant une période de transition pour éliminer les risques potentiels de cliff-edge effects. Le dernier Financial Stability Report de la Banque de Maurice, rendu public jeudi, s’appesantit sur le fait que “the COVID-19 support measures will be unwound in targeted and time-bound manner, with a gradual return to the standard regulatory requirements.”
Néanmoins, même si la période de moratoire sur les emprunts accordés aux opérateurs économiques, aux petites et moyennes entreprises, aux ménages et aux individus a été étendue au 30 juin de l’année prochaine, les banques commerciales sont conseillées de procéder à un examen des demandes de facilités bancaires “on a case-to-case basis”. Ainsi, déjà, les effets se font sentir, surtout au niveau des ménages et individus en quête d’emprunts auprès des banques. La croissance des crédits bancaires, qui avait accusé une pointe de 6,3% en février dernier, soit avant la deuxième vague de Covid-19, a littéralement perdu deux points en un mois, pour se retrouver à 4,4% en mars et très probablement cette tendance baissière s’accentuant pour les mois subséquents.
Les données recueillies par la Banque de Maurice à partir des opérations des banques commerciales confirment que les crédits alloués aux ménages ont progressé à un taux réduit, soit 3% en mars dernier, contre 5,2% en septembre de l’année dernière, où Maurice se vantait déjà d’être Covid-Safe. À la fin de juillet dernier, les bank loans to households se montaient à Rs 120 milliards, dont Rs 80 milliards au titre des housing facilities. À la fin de mars dernier, une décroissance de 2,3% avait été enregistrée au niveau de ce dernier créneau.
La Banque centrale souligne à ce titre que “the moderation in household credit mainly reflects the sequels of the COVID-19 pandemic on the borrowing capacity of households.” D’un côté, il faut tenir en ligne de compte la montée des licenciements et la baisse dans les revenus des ménages, acculés à revoir leurs projets de construction et à ralentir la consommation. De l’autre, la nouvelle approche des banques. “On the supply-side, households who have been facing financial difficulties were unable to meet the eligibility criteria for securing new loans and advances”, note le Financial Stability Report.
La Banque de Maurice ne rate pas l’occasion de tirer la sonnette d’alarme au niveau de la capacité des ménages d’assurer le servicing de leurs dettes. “This cyclical evolution of indebtedness, although temporary in nature, should be carefully monitored to avoid potential debt overhang issues. The latter can arise in specific circumstances going forward, should households continue to face difficulties in servicing their debt despite a pick-up in economic activity”, avertit le régulateur du secteur bancaire.
Un autre indicateur, le household debt service ratio, est passé de 6,6% à 6,9% en six mois “on the back of the decline in household disposable income”. La Banque centrale ajoute que “pressures on the debt repayment capacity of households are likely to persist as the revenue generating capacity of households continue to be affected by the prolonged impact of the COVID-19 shock”.
Contrairement à la tendance des crédits aux ménages, la Corporate Credit Growth a connu une accélération entre septembre 2020 et mars de cette année, passant de 2,6% à 5%. “The corporate credit-to-GDP ratio increased from 56.0 % in September 2020 to 60.7 % in March 2021, reflecting the combined effects of corporate credit expansion and output contraction”, indique la dernière analyse de la Banque de Maurice, avec pour conséquence que le Corporate Credit-to-GDP Gap a plus que doublé de 4,2 à la fin du troisième trimestre de l’année dernière à 8,5% à la fin de mars dernier.
Ralentissement des activités économiques
“Under normal circumstances, the increasing gap in credit would have sent signals of potential overheating in the domestic credit market, warranting careful monitoring”, reconnaît la Banque de Maurice, qui fait ressortir que dans la conjoncture, ‘the surge in the credit gap” découle principalement d’un net ralentissement des activités économiques. “It may be perceived as transitory in nature and is likely to narrow down as economic conditions gradually revert back to normal”, avance-t-on.
Mais l’unknown dans cette équation de la relance escomptée se situe au niveau de la résilience si vantée de l’hospitality sector. La question qui se pose est si les conditions de base de cette reprise du tourisme sont réunies, d’autant que la mauvaise publicité à l’international avec Maurice en tête de liste de Covid-19 Case Growth Rate de ces dernières semaines porte un rude coup au plan échafaudé.
Pourquoi le tourisme ? Tout simplement, avec un endettement global du privé de plus de Rs 200 milliards à la fin de juillet, excluant les Rs 120 milliards de facilités accordées aux ménages, les accommodation and food services activities se présentent avec des créances de Rs 56,3 milliards, nettement devant les Rs 23 milliards du Real Estate ou les Rs 19,7 milliards du secteur manufacturier. Les plus gros clients qui ont frappé à la porte de la Mauritius Investment Corporation Ltd sont les major players de l’hôtellerie.
Avec ces derniers dix-huit mois marqués par la pandémie de coronavirus et l’arrêt partiel ou complet des activités, dépendant des secteurs, le montant total des restructured loans du secteur privé a varié entre une pointe de Rs 114,9 milliards en décembre de l’année dernière à Rs 106,3 milliards à la fin de mars dernier. La formule privilégiée pour la restructuration de ces prêts bancaires n’est autre que le moratoire, qui a atteint un double but, soit permettre aux entités privées de survivre et contenir les dérapages sur le plan de la stabilité financière.
Le Financial Stability Report révèle que “reflecting the severe disruption caused by the pandemic, around
57 % of loans in the accommodation and food services sector have been restructured as at end-March 2021”, soit un montant de plus de Rs 30 milliards. Le recours à la restructuration de la dette dans les autres secteurs se répartit comme suit:
l construction : Rs 5 milliards sur Rs 16 milliards, dont Rs 3 milliards libellées en devises étrangères
l agriculture : Rs 3 milliards sur
Rs 12,2 milliards, dont Rs 1,1 milliard en devises étrangères et
l le Real Estate Sector : un peu plus de Rs 4 milliards sur Rs 23 milliards, dont Rs 4,3 milliards en devises étrangères.
La Banque de Maurice faisant état des résultats du Covid-19 Support Programme avec les “loan moratoriums having cushioned the impact of income losses on the financial performance of distressed firms”, relève que “the corporate sector remains subjected to elevated risks, as regards to their liquidity, capitalisation and profitability positions”. La deuxième vague depuis mars dernier se traduit par le fait que “the operating environment remains highly challenging and uncertain for the corporate sector”.
Avec la réouverture des frontières du 1er octobre et un retour graduel vers la new normalcy, l’indicateur de Corporate Non-Performing Loans (NPLs) devra être suivi. À ce jour, ce paramètre de performance bancaire n’a pas connu de gros dérapages, sauf dans le secteur de la construction avec une augmentation de 2,7% au NPL Ratio. Le Global Business Sector, avec des facilités bancaires de Rs 67 milliards en devises étrangères, fait également l’objet de surveillance redoublée. Au chapitre des restructured loans, la Banque de Maurice note que “it is noteworthy that the GBC sector has experienced an increasing trend it its ratio from 13.9% as at end-September 2020 to 20.4% as at end-March 2021”.
Résilience des banques commerciales
En attendant d’enclencher l’étape de la désescalade des support measures, la Banque de Maurice se félicite que “other unwarranted consequences for the domestic economy were successfully avoided, including the downsizing of the labour force and synchronized firm closures”.
D’autre part, sur l’ensemble des deux confinements, soit ceux de 2020 et de 2021, les banques commerciales, soumises à des “unprecedented shocks from Covid-19 pandemic”, ont fait preuve de résilience. Le dernier exercice de stress testing mené par la Banque centrale arrive à la conclusion que même “in a Worst Case Scenario, banks have adequate capital and liquidity buffers to deal with the protracted repercussions of the pandemic”. Sauf pour les plus vulnérables au nombre maximal de deux.
Ce stress test a été entrepris sur la base de trois scénarios:
l la baseline, avec une reprise de l’économie au cours du deuxième semestre dans la mesure où “the re-opening of borders to international travel would boost confidence of households and businesses and support a gradual recovery of the tourism sector, with positive spillover effects on domestic growth momentum. The economy is estimated to rebound.”
l l’option moderate avec la reprise se faisant encore attendre en 2021 en raison de la morosité sur les principaux marchés et des répercussions sur la manufacture, le secteur financier et le tourisme et que “recovery would be expected as from the first semester of 2022” et
le severe scenario avec la prolongation de la crise jusqu’au second semestre de l’année prochaine dans la mesure où “the underlying rationale for such a scenario is the risk of a third wave of infections following the full opening of borders in October 2021. This could lead to the imposition of a third lockdown, with adverse repercussions on the economy.”
En conclusion, dans l’immédiat, un des premiers signes d’une accalmie se résume à l’assouplissement de l’interdiction aux banques commerciales de déclarer et de payer de dividendes à leurs actionnaires. “As the situation progressed and with more clarity on the potential impact of the pandemic, the Bank is now considering payment of dividend on a case-to-case basis. However, banks which intend to pay dividend are required to strictly comply with the requirements of the recently issued Guideline on Payment of Dividend”, indique la dernière édition du Financial Stability Report….