RÉCOLTE 2014 : La tonne de sucre à Rs 14 000

En dépit des assurances données en début d’année par le Syndicat des Sucres, la communauté des planteurs de cannes, petits aussi bien que grands opérateurs, fait face à l’un de ses pires cauchemars qu’elle avait cru occulter.. En marge du début de la récolte sucrière, avec une estimation de la production sucrière à 410 000 tonnes pour cette année et l’obligation d’honorer l’engagement des 80%, le prix de la tonne de sucre a été fixé Rs 14 000, soit l’un des deux prix les plus bas de ces dix dernières années. Ce chiffre représente une baisse de Rs 3 500 par rapport à la récolte de 2012. Cette décision a été communiquée aux concernés en fin de semaine. Devant ce phénomène, l’une des premières conséquences de l’élimination des quotas de sucre sur le marché de l’Union Européenne à partir de 2017 et une augmentation du stock de sucre dans le monde, à l’initiative du Premier ministre, Navin Ramgoolam, le gouvernement a pris la décision de proposer une formule d’assistance financière aux petits et moyens planteurs pour au moins les deux prochaines années.
Cette première estimation de Rs 14 000, susceptible d’être révisée légèrement au fil des mois, aux dires des plus optimistes au sein du Syndicat des Sucres, a représenté une véritable douche froide dans ce secteur économique, qui évolue sans filet de protection depuis le démantèlement du Protocole-Sucre entre les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et l’Union européenne. Pour les plus gros opérateurs de ce secteur, l’inquiétude est également de mise, même si sous le programme de réforme sucrière, des options de diversification ont été exercées.
L’une des plus graves appréhensions porte sur un éventuel abandon des champs de cannes par les petits et moyens planteurs vu que cette activité économique est jugée de plus en plus non-rentable. Avec une éventuelle réduction dramatique de la superficie sous culture de la canne, Maurice pourrait faire face à de graves difficultés pour honorer ses engagements commerciaux sur le plan international. Déjà, entre 5 000 et 6 000 hectares de cannes ont été abandonnés et une accélération de cette tendance pourrait porter préjudice à ce qui fut jadis le fleuron de l’économie mauricienne.
Le dossier du prix de la tonne de sucre aux planteurs a été abordé lors des dernières délibérations du conseil des ministres compte tenu de l’extrême sensibilité des répercussions sur le tissu socio-économique. Après analyse des données inquiétantes, le gouvernement a pris la décision d’ouvrir un guichet d’assistance financière pour les deux prochaines années en faveur des petits et moyens planteurs. Le communiqué émis après la réunion du Cabinet de vendredi confirme cette démarche sans faire état des modalités de ce soutien financier.
D’aucuns affirment que soit le Premier ministre, soit le ministre de l’Agro-Industrie, Satish Faugoo, qui participent ce matin à la séance spéciale de prières au temple Tookay à Camp-Diable pour marquer le début de la récolte sucrière, pourrait être appelé à faire état de plus amples détails sur cette intention du gouvernement pour atténuer les effets négatifs de l’élimination des quotas de sucre en Europe, décision effective dans deux ans.
« In the context of the abolition of the EU Sugar Quota and taking into consideration the recent decline in the price of sugar across the EU, with the consequential impact on the Sugar Sector, Cabinet has agreed to a proposal of the Prime Minister to provide financial assistance to small and medium planters for a period of two crop years pending the outcome of the assessment of the socio-economic and environmental impact of the abolition of the EU Sugar Quota currently being carried out by the Ministry of Agro-Industry and Food Security. This measure would ensure that the critical volume of cane required for the viability of the industry is met », note le communiqué officiel du gouvernement.
Le mois dernier, le gouvernement a également entériné la décision de commanditer une étude en vue d’évaluer « the socio-economic and environmental impact of the abolition of the EU sugar quota, with a view to coming up with a new strategy and plan to ensure that the Sugar Sector continues to be viable and sustainable, play its multifunctional role, and contribute, in a significant manner, to the development of the socio-economic framework of the country ». Le bureau d’études qui décrochera ce contrat devra également proposer des actions et des mesures pour mitiger les répercussions néfastes de cette décision européenne sur les partenaires de l’industrie cannière, notamment les petits planteurs et les métayers, de quantifier le coût et l’impact de ces mitigating measures, aussi bien que d’identifier les possibilités de financement, dont un soutien financier de l’Union européenne.
Dans certains milieux sucriers, cette estimation de Rs 14 000 la tonne est perçue comme un échec attribué au Syndicat des Sucres, qui avait cru dans les promesses non-tenues sous le Long Term Partnership Agreement avec le conglomérat européen Südzucker. Depuis la controverse en début d’année au sujet de la reconduction du contrat d’exportation de sucre sur l’Europe, très peu de renseignements ont transpiré quant aux intentions du Syndicat des Sucres par rapport à son partenaire Südzucker, qui a émis le mois dernier un profit warning, avec une annonce d’une réduction des dividendes versés à ses actionnaires et un avertissement par rapport à de « slow development in fiscal year 2014-15 » et un « sugar segment earnings and revenue retreat ».
Indépendamment de ces prévisions, la confirmation d’une réduction de Rs 3 500 par tonne de sucre produite au cours de ces trois dernières années a jeté le désarroi parmi les petits planteurs à travers l’île. « Le prix annoncé par le Syndicat des Sucres représente un véritable coup de massue pour les petits planteurs. Nous ne serons pas en mesure de rentrer dans les frais avec Rs 14 000 et nous serons tout simplement acculés à abandonner nos champs car il sera difficile de travailler à perte, alors qu’à l’horizon nous voyons déjà se profiler la faillite. Il y a un sentiment de découragement parmi les planters », déclare Raffick Chattaroo, planteur de cannes dans le Sud et président de la Mauritius Planters Association.
« Nous avons appris que le Premier ministre a proposé une formule d’assistance financière. Nous attendons de prendre connaissance des détails. Toutefois, nous réclamons d’autres mesures en faveur des planteurs, comme l’élimination du Global Cess, dont le montant est passé de Rs 900 millions à Rs 500 millions avec la restructuration engagée. Rs 500 millions constituent un ballon d’oxygène non-négligeable pour les planteurs de cannes dans cette conjoncture difficile. Le plus vite cette décision est prise, le mieux ce sera pour les planteurs », poursuit Raffick Chattaroo, visiblement inquiet pour l’avenir dans ce secteur.
Des membres de la Mauritius Planters’ Association comptent soumettre une série de propositions dans le cadre d’une nouvelle étude d’actuaires (Actuarial Review) du Sugar Insurance Fund Board (SIPF). Ils réclament des changements dans la formule de répartition de la compensation versée en cas de total loss de la récolte sucrière. Actuellement, l’Apportionment Ratio de 78/22 est utilisé pour partager la compensation entre planteurs et usiniers. La MPA propose qua la totalité soit versée aux planteurs pour les pertes encourues.
Par ailleurs, avec la centralisation sucrière, des planteurs affirment être en situation défavorable par rapport au seuil pour la déclaration d’Event Year, qui leur ouvre la porte à des compensations suite à des conditions climatiques défavorables. Auparavant, l’Event Year est décrétée par rapport aux conditions sur le Factory Area mais avec la réforme sucrière, cette décision s’applique à l’ensemble d’une région géographique, ce qui fait que des planteurs sont pénalisés car le seuil est une perte de 25%.
Ces derniers développements sur le front sucrier sont suivis avec attention particulière par les animateurs du Joint Negotiating Panel syndical de l’industrie sucrière qui s’apprêtent à s’engager dans une étape cruciale dans les négociations avec le patronat…

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