ACCIDENT À LAPEYRE: Un cruel et brutal coup de sort !

Trois jeunes familles habitant le sud de l’île, pleines d’espoir en l’avenir, ont été touchées par un cruel coup de sort. Plus rien ne sera comme avant ce jeudi 13 octobre, quand le minivan immatriculé 1471 MR 11, avec à son volant Amben Chinapen, 29 ans, a heurté violemment l’autobus Aero Queen 1987 MY 04, au lieu-dit le Chassé du Petit Constantin à Lapeyre, Nouvelle-France. Trois morts : le chauffeur du van appartenant à la compagnie Camel Tours, Nathalia Lamy, 21 ans, habitant La-Chaux, Mahebourg, et Patrice Arnaud Armance, 29 ans, habitant Petit-Bel-Air. Les deux derniers, des employés du centre d’appel d’Axa Customer Service, à Coromandel. Cinq autres personnes ont été blessées. Des familles entières, aujourd’hui désemparées et en plein désarroi, ont perdu des points d’ancrage majeurs de leur quotidien.
Au complexe de la National Housing Development Company (NHDC) de Petit-Bel-Air (Ville-Noire), Arianne Armance tente de réconcilier ce que sera dorénavant son quotidien sans son conjoint, Patrice Arnaud, qui ne reviendra plus à la maison. Elle sait qu’elle n’entendra plus jamais le « Je t’aime gat » de son mari qu’elle chérissait tant.
Au cours de ces sept dernières années de vie commune, et avec leurs deux enfants en bas âge, Rihanna, six ans et Jean-Matthieu, trois ans, ce jeune couple avait commencé à construire des projets. Ils s’étaient mis à se donner les moyens pour réaliser le rêve de toute famille, soit avoir son petit chez-soi. Tout s’est volatilisé en l’espace d’une seconde hors de tout contrôle.
Mari modèle et père exemplaire pour les deux enfants, Arnaud Armance était le véritable pilier, l’essence même de leur vie de famille. Il ne se passait pas un jour sans qu’il ne prenne le temps de jouer avec ses deux enfants. « Li ti kontan badine, zwe, fer gate ek bann zanfan », dit la jeune veuve, la voix enrouée par les larmes.
S’agrippant à sa mère, Rihana, six ans, se joint à l’échange en toute innocence : « Li ti badine, apel mwa Ti Poule. Mo ti pe rod enn lapin ek mo papi. Li ti dir mwa li pou ranz enn lakaz pou mwa. » C’est plus fort qu’elle. Elle réclame son père, sachant bien qu’il est « mort », sans être pleinement consciente du drame qui a frappé sa famille. Le benjamin, Mathieu, trois ans, sait seulement que son père et compagnon de jeu ne lui lancera plus jamais le ballon de foot.
Arianne Armance, qui suit des cours en électricité au MITD, revient sur cet instant où son monde a complètement basculé. « J’étais en classe lorsque j’ai appris la nouvelle de l’accident. Monn panse linn zis blese, me apre monn gayn konfirmasyon. Monn santi mwa impwisant. Monn zis kapav plore dan sa moman-la », laisse-t-elle échapper.
Les souvenirs ne seront que sa seule consolation devant la perte de son roc au quotidien. « Fer 8 an nou ansam ek 7 an ki nou inn marye », dit-elle, le regard perdu dans le vide. « Monn perdi enn mervey. Nou ti kapav mizer, me zame nou pa ti mank narnien. Line donn nou tou seki nou bizin mo bann zanfan ek moi. Li ti enn bon papa, napa kapav repros li narnien », poursuit-elle en sanglots, et impuissante devant les événements.
Arianne Armance ne peut s’empêcher de revivre les derniers instants, la veille de l’accident, quand Arnaud partait pour le travail. « Il n’aimait guère quitter la maison fâché, après une dispute. Il me disait tout le temps : « Gat, mo pe sorti. Pa kone si mo pou revini. » On s’arrangeait toujours pour se réconcilier », ajoute-t-elle
La dernière phrase prononcée par Arnaud Armance, qui ressemble davantage à un souhait inexaucé à jamais, constitue une véritable hantise. « Mo pe sorti. Mo pou al rod bann zanfan lekol tanto », avait promis Arnaud à son épouse, sans savoir que 24 heures plus tard, ce sont ses enfants et ses proches qui allaient le conduire à sa dernière demeure.
À quelques kilomètres, dans le même village de Mahebourg, à Cité La-Chaux, la scène est des plus poignantes. Océane Lamy, pas plus haute que trois pommes, ne réalise pas encore le poids des événements. La dépouille mortelle de sa jeune mère, qui ne s’est épargnée aucun effort pour se battre pour elle, gît sur le canapé.
Cynthia Veerasawmy, âgée de 26 ans, soeur de Nathalia, n’arrive toujours pas à croire que sa petite soeur n’est plus. Issue d’une famille de cinq enfants, Cynthia confie qu’elles sont toutes très proches. « Nou ti pe zwenn souvan, me sa dernye tan-la, nou pann tro ansam akoz nou tou le de travay. Li pou tou le tan dan mo panse, dan mo leker. Zame mo pa pou bliye mo ti ser. Mo pou get so zanfan parey kouma pou mwa », confie-t-elle en sanglots.
« Li ti byen trankil. Kontan amize, kontan fami. Nou ti tre proche », rajoute-t-elle. Quand elle avait appris la nouvelle à son lieu de travail, au supermarché de Flic-en-Flac, Cynthia Veerasawmy ne voulait nullement croire que le sort s’était abattu contre sa jeune soeur. « Je m’acharnais à me dire qu’elle était simplement blessée, qu’elle n’avait rien de grave mais j’ai reçu des appels entre temps, des amis qui m’ont confirmé l’inévitable nouvelle », concède-t-elle.
Pour ses collègues, venus lui rendre un dernier hommage, Nathalia Lamy restera à jamais dans leur coeur. La victime, qui a intégré la communauté d’Axa Customer Services en janvier 2009 et qui occupait le poste de chargée de clientèle sur un projet que la compagnie traite avec la France, est considérée comme une employée exemplaire. « Notre présence témoigne aujourd’hui de notre amour et de notre affection pour elle. Le moral est au plus bas. C’est aussi deux effectifs de haut niveau que nous perdons », affirme Mariana Ramen, Human Resource Administrator chez Axa Customer Service.
Plus loin, à Rivière des Anguilles, la famille d’Amben Chinapen est ravagée par la douleur. Sa femme, Shala, enceinte d’un mois et demi, est complètement effondrée. Pourtant, ce jeune couple s’apprêtait à fêter leur premier anniversaire de mariage. La soeur de la victime contemple le cadavre de son frère, le regard dans le vide.
« Monn perdi mo sel garson. Zame mo pa pou retrouv li », dit Seevalingum Chinapen, le père d’Amben, en pleurs. Son épouse ne cesse de répéter comme une psalmodie, le regard dans le vide : « Li mo kouraz, mo la vi. » Les proches et amis d’Amben Chinapen ne tarissent pas d’éloges pour la générosité dont avait toujours su faire preuve ce jeune homme, de son vivant.
Féru de billard, Amben Chinapen collectionnait les trophées depuis son jeune âge. La victime avait pour ambition de travailler à son propre compte. Mais il rêvait surtout de fonder une famille. « Il ne cessait de parler de la grossesse de sa femme. Il attendait ce petit avec tellement d’impatience. Il était tout excité de devenir père », confie un de ses amis. Mais ce rêve s’est envolé de manière dramatique, à 8 h 50 ce jeudi 13 octobre…

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