LE CAS D’ERNST & YOUNG : Des dessous de l’affaire de sous-facturation

Le dossier de sous facturation de voitures de luxe qui fait la une de l’actualité depuis quelques jours fait, depuis plus d’une année, l’objet d’un procès intentée par la Mauritius Vehicle Dealer Association contre la Mauritius Revenue Authority avec les firmes Ernst and Young et Axess Ltd comme co-répondants. A partir des affidavits et des recoupements d’informations, nous vous proposons un survol  de cette affaire qui suscite de multiples interrogations.
Elle commence en 2011 quand un revendeur de voitures de luxe, SS Motors, fait le tour des bureaux de la capitale pour proposer  un deal : importer des voitures de luxe à des prix défiant toute concurrence. Non seulement celle des concessionnaires et importateurs autorisés, mais avec des taxes douanières en dessous du barème, qui est normalement de 100% de la valeur réelle de la voiture. Les propositions de SS Motors intéressent le responsable de la branche locale de la firme d’experts comptables Ernst and Young.
Ce dernier passe la commande d’une Range Rover Evoque diesel, quelques mois seulement après le lancement de ce modèle en Angleterre. Satisfait des services de SS Motors,  Ernst and Young commande deux autres voitures de luxe: une Porsche Cayenne et une BMW X3. Les voitures sont achetées en Angleterre par un agent anglais.
Cet agent qui agit comme vendeur facture au «prix désiré» par le client. Dans le cas de la Range Rover il a établi la facture à 12,000 au lieu de 40,000 livres au nom du propriétaire, en l’occurrence Ernst and Young. La voiture achetée en janvier 2012 arrive à Maurice en mars et passe  les services de  douane, comme une lettre à la poste. Apparemment, la douane ne vérifie ni la provenance, ni la valeur de la voiture et accepte le certificat de vente pour calculer le montant de la  taxe. Le propriétaire obtient l’autorisation de dédouaner sa voiture qui est déclarée le 20 mars.
Mais ce qui est important dans une voiture de luxe c’est son entretien par un garage autorisé. Le directeur d’Ernst and Young envoie donc sa voiture chez Axess pour s’enquérir des conditions du servicing. Le concessionnaire se rend immédiatement compte que la Range Rover Evoque ne fait pas partie  des voitures qu’il a vendues. En quelques clics sur l’ordinateur,  il entre en contact avec la maison mère de Range Rover en Angleterre pour demander des informations sur la voiture en question. On lui apprend que la voiture avait été vendue et déclarée en Angleterre et n’aurait pas dû se trouver à Maurice.
A partir de cette information, Axess fait alors sevir un papier timbré  conjointement à la Mauritius Revenue Authority, à la NTA  et à Ernst and Young pour «importation fraduleuse et illégale» d’une voiture de luxe. Dans sa réponse à la plainte, Ernst and Young reconnaît que la voiture avait été déclarée en Angleterre.  Pour sa part,  la NTA joint une copie du «bill of entry» de la Range Rover Evoque à sa réponse à l’affidavit d’Axess. C’est alors que d’autres éléments troublants apparaissent dans ce dossier: l’indice CO2 et la cylindrée ne correspondent pas aux spécifications de la voiture dont la  valeur a égalementété sous estimée. Du fait qu’aucun certificat original n’avait été émis par le fabriquant, celui présenté en douane à Maurice ne pouvait être qu’un faux.
En possession des documents, prouvant que le « bill of entry» avait été établi à partir de faux documents la Mauritius Vehicle Dealers Association (MVDA)  décide aussi de poursuivre la MRA pour ne pas avoir fait son travail. La MVDA explique qu’elle regroupe 12 concessionnaires et importateurs de voitures de luxe et détaille les points de sa plainte.
Le 16 mars 2012 la Maurtitius Revenue Authority (MRA) a autorisé la firme Ernst and Young à  prendre livraison de sa Range Rover  Evoque diesel importée  de Grande Bretagne et présentée comme une voiture neuve. Axess, qui est le représentant de Land Rover  à Maurice, a également écrit à la MRA pour lui dire que « the importation and the clearance»de la Range Rover « was done in contravention of the existing laws regulating such imports».
La MVDA a ajouté à sa plainte une série de documents prouvant que la voiture avait  déjà été enregistrée en Grande Bretagne et ne pouvait ainsi pas être déclarée comme une voiture neuve à Maurice. Une autre  plainte  est logée en Cour suprême par les hommes de loi d’Axess le 27 juin pour appuyer et soutenir celle  de la MVDA. Les deux plaignants  demandent à la Cour de casser la décision de la MRA, celle de considérer la  Range Rover Evoque comme une voiture neuve, la fasse saisir et émette une injonction pour interdire ce genre de pratique.
 La MVDA  écrit également au Contrôleur des Douanes pour l’informer de la situation et le prévenir que la possibilité que d’autres voitures de luxe soient importées à Maurice dans les mêmes conditions que la Range Rover n’est pas a écarter. Aucune réponse n’a été reçue par la MVDA et  aucune action n’a été prise et deux autres voitures de luxe, une BMW X3 et une Porche Cayenne sont importées par Ernst and Young dans pratiquement les mêmes conditions que la Range Rover quelques mois plus tard.
Ce n’est que plus d’un an plus tard que la MRA répondra à l’affidavit de la MVDA. Auparavant, pendant des mois elle a remis en cause la capacité légale de la MVDA d’entreprendre cette action. Finalement c’est le 25 juillet de cette année que la MRA a enfin répondu aux questions de la MVDA pour affirmer, entre autres  que les voitures sont autorisées à entrer à Maurice sur la base des documents présentés en douane. «The documents are accepted as bona vires unless prior  information has been received on the goods at issue.» Il est également stipulé que la MRA «is not responsible for determining what is new or secondhand vehicle».
Cette affaire de sous facturation de voiture de luxe suscite beaucoup d’interrogations sur les procédures douanières en ce qu’il s’agit de l’importation des voitures. Si l’on s’en tient au contenu des réponses de la MRA, la douane n’est donc pas responsable de faire ce genre de vérifications et d’évaluations.  Qui donc doit le faire? De même les  déclarations de M. Lincoln, directeur de la branche locale d’Ernst and Young dans la presse, se disant victime de l’importateur de  SS Motors interpelle.
Les enquêtes policières en cours permettront sans doute d’expliquer comment ces importations «illégales» ont pu avoir lieu et les raisons derrière ce nouveau besoin irrépressible de certains richissimes personnages d’acquérir des bolides sans en payer le prix.

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