JUDICIAIRE : L’éclipse de la Sun Tan Saga

La décision de l’Independent Commission against Corruption (ICAC) d’initier une further investigation dans la Sun Tan Hotels Saga, avec le Directeur des Poursuites Publiques, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, dans le collimateur, a eu l’effet d’une bombe dans le judiciaire. La séquence des événements qui se sont enchaînés depuis lundi denier a éclipsé les deux very high probes, soit l’opération « Lakaz Lerwa Lion », avec pour principal protagoniste l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, et l’opération « Daylight Robbery » sur l’écroulement de l’empire Rawat. Avec une épée de Damoclès sur la tête par l’entremise d’une convocation de l’ICAC pour une statement under warning dans l’enquête Sun Tan, le DPP doit une fière chandelle à l’intervention de justesse de Me Anwar Moollan auprès de la juge Ah Foon Chew Yui Cheong, lui évitant une arrestation par le Central CID en sa résidence de Vacoas très tôt jeudi matin. Ce warrant of arrest avait été émis suite à des dépositions du vice-Premier ministre et ministre des Terres, Showkutally Soodhuen, et du ministre des Services financiers, Roshi Bhadain, pour le délit allégué de swearing false affidavit dans cette même Sun Tan Saga.
Dans l’immédiat, ce n’est que partie remise. Le DPP et les membres de sa famille pourront se rendre aujourd’hui à l’étranger pour la Graduation Ceremony de leur fils avec la protection de la Cour suprême. En effet, la juge Ah Foon Chew Yui Cheong, siégeant en référé, a accédé à l’extension jusqu’au 3 août de l’injonction intérimaire interdisant au Central CID et à l’ICAC d’interroger et encore moins d’appréhender Satyajit Boolell.
Toutefois, les premiers dommages collatéraux de ce conflit au plus sommet des institutions se traduisent sous la forme de relations extrêmement tendues, pour ne pas parler de rupture, entre les State Law Officers et la police, au point où cette dernière a dû, pour la première fois dans les annales, retenir les services d’hommes de loi du privé pour assurer ses intérêts devant la Cour suprême.
Néanmoins, du côté du ministère des Terres et après des tergiversations du côté de l’ICAC, l’enquête sur la Sun Tan Hotels Saga sur la ligne d’éventuelles infractions aux sections 9 et 13 (2) de la Prevention of Corruption Act, soit influencing public officials for gratification et conflits d’intérêts, demande à être menée à terme.
De son côté, Me Boolell maintient dans un affidavit que toute cette affaire, relevant d’un colourable device ou encore de manoeuvres politiciennes, n’a qu’une finalité, l’évincer du poste de DPP. C’est ce qu’il avance au paragraphe 30 de l’affidavit à l’effet que « I aver that the complete lack of reliable and independent evidence of any wrong doing on my part that would warrant an investigation supports the inescapable inference that the decision to refer, and the decision to open an enquiry were made for improper and oblique motives and not because there is a proper basis for them ». Au pire, le DPP concède que s’il y a misbehaviour de sa part à élucider, le recours à un tribunal spécial, institué sous la section 93 de la Constitution, s’impose et ce n’est pas à l’ICAC d’assumer cette responsabilité constitutionnelle.
Pour la suite des événements dans la Sun Tan Hotel Saga, il faudra attendre la saison II avec la Cour suprême tranchant la contestation de la convocation de l’ICAC après le 3 août. Sur la base de recoupements d’informations recueillies de sources concordantes, Week-End établit une chronologie depuis l’octroi de ces deux arpents de Pas Géométriques pieds dans l’eau à Palmar alloués en 1987 à cette société, avec pour objectif déclaré de construire un établissement hôtelier, puis transformé unilatéralement en bungalows de luxe pour être vendus, car le projet initial n’était plus viable aux yeux des promoteurs.
12 août 1987 (en pleine campagne pour le scrutin du 30 août) : la société Sun Tan Hotels Pty Ltd, portant le N°6067, obtient un bail pour 8 442 mètres carrés de Pas Géométriques à Palmar pour une période arrivant à terme le 30 juin 2007 pour un projet d’hôtel. Plus tard, soit le 3 juillet 1989, 3 465 mètres carrés additionnels furent octroyés à cette même entité pour compléter les deux arpents pieds dans l’eau.
19 février 1991 : changement de cap pour le projet, les promoteurs apportant des modifications substantielles au plan pour construire un Bungalow Complex for High Class Tourists, abandonnant l’idée de l’hôtel.
10 mai 1991 : ces changements sont commentés de manière défavorable au ministère des Terres, « the basic question being : should Pas Géométriques and Crown Land Sites initially and primarily released for tourism purpose and for which development plans are approved should eventually be allowed to be exploited for other purposesd, i.e. residential development for sale to individual buyers ». Le germe de la controverse s’est déjà installé dans le projet Sun Tan Hotels Ltd dès cette époque.
24 juillet 1997 : les actionnaires de Sun Tan reviennent à la charge avec une correspondance adressée au ministère des Terres pour la conversion du bail des Pas géométriques en « bungalow for sales as the initial project was not financially viable ».
4 décembre 1997 : Sun Tan rectifie le tir en informant le ministère que les bungalows de luxe seront proposés à la vente aux actionnaires seulement.
16 août 2006 : le ministère des Terres se rend à l’évidence que les 12 bungalows sur les Pas Géométriques ont été construits sans le feu vert des autorités.
27 octobre 2008 : Satyajit Boolell, Parliamentary Counsel, écrit au secrétaire permanent au ministère des Terres au sujet de l’Implementation of New Industrial Site Lease Policy avec l’entrée en vigueur des amendements à la State Lands Act à partir du 19 juillet 2008. L’imposition d’une indemnity fee est préconisée dans des cas de renouvellement d’industrial leases.
7 avril 2009 : la société Sun Tan est en présence de l’exercice d’option pour transformer le bail de Palmar, qui est arrivé à terme en 2007, en un 60-Year Industrial Site Lease.
30 septembre 2009 : Sun Tan accepte de manière irrévocable l’option du bail industriel de 60 ans.
16 février 2011 : le feu vert pour l’annulation du bail pour le développement hôtelier de Sun Tan en faveur d’un 60-Year Industrial Site Lease for a Bungalow Complex.
Au terme du Legal Advice du 27 octobre 1998, le ministère des Terres fixe pour le compte de Sun Tan Hotels Pty Ltd un indemnity fee de Rs 1 611 722 et un bail annuel de Rs 1 517 673 sur la base des provisions de la Finance Act de 2008. À ce titre, au 18 juillet 2014, le montant à être recouvré s’élevait à Rs 10 346 993, selon le ministère des Terres.
20 avril 2011 : correspondance de Farook Hossen, directeur de Sun Tan, pour contester l’indemnity fee de Rs 1,6 million en soutenant que « Sun Tan should neither be classified as an industrial lease nor as a campement site. Hence, the proposal for Syndicat des Propriétaires ». Il souhaite voir la convocation d’une réunion avec le ministère pour mettre au point ces détails « as this issue has been outstanding for a long time ».
19 juillet 2011 : réunion au ministère des Terres sous la présidence de l’ex-Senior Chief Executive Noorani Oozeer en présence du Chief Technical Officer du ministère, de « Maître S. Boolell, DPP & Farook Hossen and others ».
26 juillet 2011 : lettre de remerciements au chef de Cabinet du ministère des Terres, signée de Farook Hossen et faisant état de la réunion du 19 juillet, en soutenant que « I am thankful to you and your colleagues for the positive outcome of our meeting last Tuesday ». L’une des décisions obtenues porte sur le fait que « the ministry will issue a new lease to Sun Tan in the name of the Syndique des Propriétaires which will recognise the title of the respective owners of bungalows ».
5 mars 2012 : le tour est joué avec seulement un montant de Rs 45 000 payable suite à un second Legal Advice en date du 24 février 2012 après le retrait d’une première correspondance en date du 10 février 2012. Dans la lettre du 10 février 2012, qui a été superseded par celle du 21 février 2012, le ministère attire l’attention sur les conséquences de ce changement. « In the light of the advice of the SLO, the indemnity payable by Sun Tan Hotels Pty Ltd has been calculated and has been found to be Rs 1 611 722. Hence claiming indemnity at the rate of Rs 45 000 will imply a significant loss of revenue ».
L’extension à d’autres exemples de ce principe appliqué dans le cas de Sun Tan Hotels Ltd aurait pour conséquence un manque à gagner de Rs 350 millions sur le bail des terres de l’Etat. Il y a encore le cas de Hotel One Four Seven où le montant perçu est de Rs 1 074 232 au lieu de Rs 6 413 824.
Ces détails ayant été soumis à l’ICAC et la décision price pour une further investigation sous la POCA, le DPP s’est vu servir en deux temps, lundi dernier, une convocation formelle « informing me (the DPP) that the ICAC is investigating in potential offences in breach of sections 9 and 13 (2) of the POCA and requesting me to call at the office of the ICAC not later than 22 July 2015 ».
Mardi dernier, Satyajit Boolell tentait la parade de l’affidavit pour saisir la Cour suprême d’une injonction contre son interrogatoire under caution par l’ICAC et son éventuelle arrestation la police. « I aver that the imputed allegations are frivolous, baseless, malicious, intended to harm my reputation and to prevent me from exercising my duties as DPP independently. Moreover I aver that the conduct of any such investigation is calculated to oust me from office. Any suggestion that I could have acted in breach of section 13 of the POCA by attending the said meeting in my capacity as director of Sun Tan is wholly misconceived and untenable inasmuch as I was not acting as a public official within the meaning of the POCA », s’insurge-t-il avec force dans l’affidavit du 14 juillet.
Tout compte fait, Me Satyajit Boolell affirme que « the present enquiry by ICAC amounts to a colourable device designed and aimed at, circumvention the clear provisions of section 93 of the Constitution ». Cette dernière constitution délimite les paramètres pour se pencher sur tout cas de misbehaviour de la part du DPP, avec la mise sur pied d’un tribunal spécial, procédures sous le contrôle du chef juge de la Cour suprême.
Les prochaines étapes, après le 3 août, devront être déterminantes dans ce bras de fer inédit entre le DPP et l’ICAC et la police, deux institutions dont la conclusion de leurs enquêtes dépend du vetting de ce même DPP…

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