(Patiente dialysée) Décédée lundi : Tout a basculé en 45 minutes pour le couple Jena

Nalu Jena : « Mon épouse se portait bien, pourquoi me l’a-t-on prise pour la mettre avec des personnes infectées à la Covid-19? »

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Le décès d’Avishna Jena, 38 ans, dans la soirée de lundi dernier, a jeté la consternation dans le pays. D’abord, de par son âge et ensuite, de par les circonstances troublantes entourant ce décès. À l’Assemblée nationale mardi dernier, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, s’est contenté d’indiquer que la jeune femme n’est pas décédée des conséquences de la COVID-19, mais a eu un accident cérébral. Ce qui remet sur le tapis toute la question d’angoisse et de stress que vivent les patients dialysés de l’hôpital de Souillac, en ce moment. Au milieu de toute cette histoire, l’époux, un ressortissant indien, se retrouve complètement perdu et démuni. Il veut comprendre comment son épouse, avec qui il faisait des appels vidéo tous les jours, est décédée aussi subitement.

Quand Avishna Jena a reçu un appel téléphonique le vendredi 26 mars, lui indiquant qu’elle devait aller en quarantaine, car une infirmière de l’hôpital de Souillac avait été testée positive à la COVID-19, son époux Nalu ne savait pas qu’il n’allait pas la revoir. Cela faisait seulement deux mois depuis que la jeune femme avait entamé son traitement de dialyse. Comme elle supportait plutôt bien cette épreuve, le couple a continué à vivre sa vie normalement.

Sauf qu’Avishna ne travaillait plus. Son époux se débrouillait, tant bien que mal, pour assurer ses besoins. Mais tout a basculé ce fatidique vendredi 26 mars. « Elle m’a dit qu’elle devait partir pour 14 jours et qu’elle serait à l’hôtel. Je ne me suis pas inquiété. Je me suis dit qu’elle va vite revenir, » ajoute-t-il encore sous l’effet du choc.

Nalu Jena était d’autant plus rassuré qu’il pouvait faire des appels vidéo avec son épouse tous les jours. « Elle se portait bien. À part la nourriture qui n’était pas appropriée au départ, elle arrivait à s’adapter. Elle a fait son premier test PCR qui était négatif. Nous étions rassurés. Malheureusement, après une semaine, le deuxième test PCR s’est révélé positif à la COVID-19. Elle a alors été transférée à l’hôpital de Souillac. »

À partir de là, ajoute Nalu Jena, c’est l’incompréhension totale. Son épouse, qui ne faisait pas de température et qui n’avait aucune complication liée à la COVID-19, était placée dans une salle avec d’autres malades. « Je n’ai pas compris pourquoi on a continué à faire son traitement de dialyse à l’hôpital de Souillac alors qu’il y avait des personnes infectées là-bas. Pourquoi ne l’a-t-on pas transférée ailleurs quand il était encore temps ? Elle a fini par contracter le virus à l’hôpital, »s’indigne-t-il.

Au cours de cette dure épreuve, Nalu Jena a pu rester en contact avec son épouse, pour continuer à la soutenir. « Je faisais toujours des video calls avec elle. La dernière fois, c’était vendredi dernier. Nous avons parlé vers 18h et elle se portait bien. Puis, samedi matin, son téléphone était éteint. J’ai essayé à plusieurs reprises de lui parler, mais c’était toujours off. Finalement, j’ai appelé l’hôpital. C’est à ce moment-là que j’ai su qu’elle avait été transférée aux soins intensifs. On m’a dit qu’elle était tombée le soir parce qu’elle était dans un état de faiblesse et qu’elle avait rejeté. On m’a aussi dit qu’on n’avait pas le droit d’utiliser le téléphone à l’ICU. Donc, je n’ai pas pu lui parler du tout à partir de ce moment-là, » poursuit le jeune veuf.

Tout a basculé en 45 minutes

Ce dernier ajoute que dimanche il a téléphoné à nouveau à l’hôpital pour avoir des nouvelles de son épouse et on lui a assuré que son état était stable. Il a demandé à lui parler, mais une fois de plus, on lui a fait comprendre que le téléphone était interdit à l’ICU. « J’ai accepté cette situation, me disant que le médecin avait sans doute ses raisons. »

Le lendemain, lundi, vers 18h, Nalu Jena dit avoir reçu un appel de l’hôpital, lui demandant l’autorisation pour faire un scan à son épouse. « J’ai accepté, me disant une nouvelle fois que le médecin savait ce qu’il faisait. Toutefois, 45 minutes plus tard, j’ai eu un autre appel de l’hôpital me disant qu’il y avait une mauvaise nouvelle… que mon épouse était décédée… » se souvient-il encore.

Anéanti et révolté, Nalu Jena cherche à comprendre, mais il n’a pas de réponse. « J’ai dit au préposé de l’hôpital, comment se fait-il que vous m’appelez pour avoir la permission de faire un scan à mon épouse et 45 minutes plus tard elle est décédée ? Il n’avait pas de réponse à me donner. » Il dit ne pas comprendre également, pourquoi on a attendu lundi soir pour faire ce scan, alors qu’on lui a dit que son épouse avait eu des problèmes vendredi soir.

 Des questions subsistent également quant à la prise de sa tension et le suivi relatif à l’hôpital. En l’espace de 45 minutes, le ressortissant indien a vu son monde s’écrouler. Seul, dans un pays étranger, ne pouvant même pas rencontrer sa belle-famille, étant donné qu’il habite en zone rouge à Surinam, il a dû compter sur la générosité de ses voisins, pour entreprendre les démarches pour les funérailles de son épouse.

« Je suis parti à l’hôpital à 8h30 du matin et j’ai dû attendre jusqu’à 14h pour avoir un papier pour des démarches en vue d’obtenir l’extrait de décès. Je ne savais où aller, quoi faire ? Heureusement que mes voisins étaient là. Ils m’ont accompagné, m’ont donné de l’argent pour toutes les démarches, »se console-t-il.

Nalu Jena vit son deuil également dans la solitude. « Il y a des prières à faire. Même si nous sommes tous deux hindous, les traditions diffèrent ici et en Inde. Je fais comme je peux. De plus, je suis seul. Ma belle-famille se trouve désormais à Rose-Hill. Elle ne peut venir ici en zone rouge. »

Cela fait neuf ans que Nalu Jena était marié à Avishna. Il était venu à Maurice pour travailler dans une usine, à Rose-Hill. C’est là qu’il a rencontré Avishna. « Je suis arrivé en 2007. En 2008, l’usine a fermé. On m’a envoyé dans une autre unité de Surinam. À la fin de mon contrat, cinq ans plus tard, j’ai dû repartir en Inde. Mais nous sommes toujours restés en contact. Après sept mois, je suis revenu à Maurice et nous avons entamé des démarches pour célébrer notre mariage, » raconte-t-il encore.

Nalu dit avoir vécu un mariage heureux avec Avishna, même si tout récemment, la situation financière est devenue plus difficile. Ashok, un voisin du couple, se dit sous le choc, après ces événements. « Cela fait quatre à cinq ans que le couple habite ici, je les connais bien. La dame était gentille, on ne s’attendait pas à ce qu’elle perde la vie de manière aussi tragique. Nous les voisins, nous essayons  autant que nous pouvons, d’apporter notre soutien, Nalu se retrouve seul aujourd’hui. Ce n’est pas évident pour lui. »

Face à cette détresse humaine profonde, les formalités de condoléances des politiques ne peuvent reléguer au second plan l’intransigeance à faire la lumière sur les circonstances de ces drames alors que les victimes étaient parties se faire soigner dans des centres hospitaliers du ministère de la Santé.

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