Le ministère du Transport terrestre accélère la réforme du permis à points. Une réunion de haut niveau présidée par le ministre Osman Mahomed s’est tenue la semaine dernière au siège du ministère, dans le cadre de la 8e Semaine mondiale de la sécurité routière des Nations unies, observée du 12 au 18 mai. Elle a rassemblé des représentants du Bureau du Premier ministre, de la force policière, de la National Land Transport Authority (NLTA) et de la Traffic Management and Road Safety Unit (TMRSU). Cette réunion a permis de faire le point sur l’état d’avancement du projet de réintroduction du permis à points, abandonné en 2015, et de discuter des éléments structurants du nouveau dispositif. L’objectif déclaré : « Responsabiliser les conducteurs pour lutter contre les comportements dangereux », dans un contexte où les routes mauriciennes enregistrent une dégradation continue des indicateurs de sécurité.
Entre 2015 et 2024, le nombre de véhicules est passé de 486 144 à 710 605, soit une hausse de 46,3 %, tandis que les road crashes, signifiant des accidents pour lesquels c’est la conduite du conducteur est en pleinement responsable, ont augmenté de 39%, atteignant 39 485 cas en 2024. Depuis le début de l’année, près d’une cinquantaine de décès ont été enregistrés.
Un système de points graduel et numérique
D’où l’urgence d’une réforme pour responsabiliser les conducteurs. Le ministre Mahomed détaille les contours du nouveau système, indiquant qu’il « sera différent de celui mis en place en 2015. Par exemple, auparavant, pour une infraction grave, un tribunal pouvait ordonner au conducteur de suivre un cours de six heures, dispensé par le Mauritius Institute of Training and Development (MITD), moyennant une amende de Rs 1 000. Une fois cette étape franchie, le véhicule pouvait à nouveau circuler. Cette fois-ci, le fonctionnement sera tout autre. Le système débutera à zéro point, et les points seront accumulés en fonction des infractions commises et de leur gravité. »
Le seuil maximal sera fixé à 15 points
Le seuil maximal sera fixé à 15 points. Une fois ce plafond atteint, le permis de conduire sera suspendu pour une durée de six mois. « C’est la proposition à l’étude », précise le ministre. Trois comités techniques ont été constitués. Le premier examine les amendements à la Road Traffic (Amendment) Act, le deuxième traite des aspects informatiques et le troisième se penche sur le barème des infractions et l’attribution des points. Le Policy Paper à cet effet est en cours de finalisation et sera soumis au Conseil des ministres avant transmission à l’Attorney General pour la rédaction du projet de loi. Ce texte sera ensuite présenté à l’Assemblée nationale. « L’ensemble du processus devrait prendre quelques semaines », indique Osman Mahomed.
Zéro tolérance pour alcool, drogues et les modifications illégales à l’étude
Le nouveau système prévoit un champ d’application élargi. Les infractions liées à la conduite sous l’influence de l’alcool ou de drogues seront particulièrement ciblées. « La conduite en état d’ivresse ou sous l’influence de la drogue figure parmi les principales causes d’accidents graves », rappellent les autorités. Une politique de « zéro tolérance » s’appliquera aux substances douces comme dures. Dès l’atteinte des 15 points, le retrait du permis pourra être immédiat. Les véhicules modifiés illégalement seront également pris en compte. « Nous recevons un nombre considérable de plaintes concernant des véhicules modifiés illégalement. Ces pratiques perturbent la tranquillité publique et représentent un risque supplémentaire pour la sécurité routière », dit le ministre. Ces modifications, souvent destinées à augmenter la puissance des moteurs, altèrent la stabilité des véhicules et génèrent pollution sonore et atmosphérique.
Une gestion dématérialisée et centralisée
L’un des axes majeurs de la réforme est la transition numérique du permis de conduire. « Il n’y aura donc plus de Driving License Counterpart au format papier, comme auparavant, qu’il fallait conserver dans son véhicule sans le plier. Nous allons adopter une approche moderne, avec une version numérique de ce document », dit Osman Mahomed. Le système informatique reposera sur la plateforme Mokloud. « Il existe déjà le système Mokloud que nous envisageons d’intégrer au système de pénalités afin de faciliter la fonctionnalité du permis à points et des infractions », dit-il. Ce dispositif permettra d’éviter les files d’attente et de centraliser les informations. « Ce sera un système paperless, où les 700 000 licences seront intégrées. Ce qui évitera aux conducteurs d’aller faire la queue pour récupérer le Driving License Counterpart qui sera automatisé. » Le système sera connecté à une base judiciaire afin que les amendes et sanctions décidées par les tribunaux soient visibles instantanément par les forces de l’ordre. Une plateforme centralisée permettra un accès immédiat à l’historique des infractions et au solde de points.
Prise en compte des conducteurs professionnels
Les autorités étudient également des mécanismes spécifiques pour les chauffeurs professionnels, notamment ceux d’autobus, de taxis ou opérant pour des entreprises. Une attention particulière est portée au risque de perte d’emploi en cas de suspension. Une proposition est à l’étude pour permettre une remise à zéro du compteur de points après une période sans infraction, dans le but de ne pas pénaliser durablement les conducteurs professionnels.
Cette nouvelle phase de mise en œuvre du permis à point intervient dans un contexte marqué une situation alarmante sur nos routes. Lors de sa visite à Maurice, Jean Todt, envoyé spécial des Nations unies pour la sécurité routière, a attribué une note de 4 sur 10 au pays. Cette évaluation a constitué un signal d’alerte pour les autorités, qui souhaitent désormais aller de l’avant. « Concernant la date exacte de la mise en œuvre du permis à points, celle-ci dépend principalement du système technologique que nous développons », précise Osman Mahomed. « Nous voulons un dispositif clair, efficace et dissuasif. »