Plus de sept ans et demi après l’électrochoc des attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher, le procès en appel de deux soutiens présumés des auteurs des attaques jihadistes s’est ouvert lundi matin à Paris.
Pendant trois jours de terreur, du 7 au 9 janvier 2015, les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly portaient le combat jihadiste sur le sol français, contre la liberté d’expression, les forces de l’ordre et la communauté juive, et tuaient 17 personnes, dont les caricaturistes Cabu et Wolinski.
Leur périple meurtrier et coordonné avait pris fin avec leur mort lors d’un double assaut policier.
Le président de la cour d’assises spéciale statuant en appel, Jean-Christophe Hullin, a déclaré l’audience ouverte vers 10H10.
La cour a commencé par vérifier l’identité des deux accusés, Ali Riza Polat et Amar Ramdani, puis les constitutions de parties civiles.
Seule une petite partie des près de 300 parties civiles ont pris place dans la salle d’audience. Parmi elles, le directeur de la publication de Charlie Hebdo, Riss, blessé dans l’attentat contre la rédaction, l’ex-chroniqueuse Sigolène Vinson, aussi rescapée de l’attaque, ou encore l’ex-otage de l’Hyper Cacher Lassana Bathily.
Gala Renaud, veuve de Michel Renaud, tué dans les locaux de Charlie Hebdo, est entrée avec une affichette supportant les photos des victimes.
Les deux accusés, deux proches d’Amedy Coulibaly, sont rejugés deux ans après leur premier procès. La cour aura jusqu’au 21 octobre pour soupeser le degré de responsabilité de chacun dans la préparation des attentats.
Ali Riza Polat, Franco-Turc de 37 ans contre lequel pèsent les charges les plus lourdes et qui encourt la perpétuité, avait marqué la première audience « historique » par ses coups d’éclat et ses invectives.
Les juges l’avaient condamné à trente ans de réclusion criminelle pour complicité des crimes commis par les Kouachi et Coulibaly.
Amar Ramdani avait lui écopé de la peine maximale de 20 ans de réclusion pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Les deux hommes ont toujours contesté tout lien avec les attaques.
– Zones d’ombre –
La première matinée d’audience doit être consacrée à l’examen de questions de procédure. La défense d’Ali Riza Polat entend notamment demander l’exploitation de documents négligés selon elle à l’époque par les enquêteurs.
Puis la cour, après la lecture d’un résumé des investigations, se penchera sur les éléments de personnalité des deux accusés, avant de commencer à examiner les faits, à partir de mardi.
L’instruction titanesque et les débats en première instance n’ont pas permis de dissiper toutes les zones d’ombre entourant les attentats, du circuit des armes aux commanditaires des tueries commises au nom d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa) pour les Kouachi et de l’Etat islamique (EI) pour Coulibaly.
Ali Riza Polat est notamment soupçonné d’avoir organisé la recherche d’armes pour Amedy Coulibaly, originaire comme lui de Grigny (Essonne), et d’être intervenu à tous les stades des préparatifs des attaques, ce qu’il rejette en bloc.
« Ce procès sera l’ultime occasion de corriger les erreurs d’une chaîne judiciaire dépassée par l’ampleur de ces attentats, et de revenir à la raison quant au rôle exact de M. Polat, délinquant de droit commun à qui l’on a attribué à tort un rôle qu’il n’a jamais joué », estiment ses avocats, MMe Moad Nefati et Rachid Madid.
Amar Ramdani est lui accusé d’avoir fourni des armes à Amedy Coulibaly, qu’il avait connu en prison, et d’avoir financé les attentats, ce dont il se défend.
– « Utile » –
Environ 80 témoins sont cités à comparaître. Parmi eux, la majorité des neuf hommes définitivement condamnés à l’issue du procès qui s’était tenu à l’automne 2020, à des peines allant de quatre à dix-huit ans de prison. Aucun d’entre eux n’avait fait appel.
Les proches des victimes et les rescapés des attaques sont attendus dès jeudi à la barre, d’où ils feront revivre l’horreur des crimes qui ont décimé la rédaction du journal satirique, tué une policière municipale à Montrouge, ainsi que des clients et employés d’une supérette juive.
« Il y a un second procès, c’est difficile pour nous, c’est douloureux, mais au moins il faut qu’il soit utile, qu’il serve à quelque chose », souligne avant l’audience l’avocat de Charlie Hebdo, Me Richard Malka.
Les attentats de janvier 2015 ont marqué le début d’une funeste série d’attaques jihadistes, avec celle du 13-Novembre dont le procès s’est achevé en juin et celle de la promenade des Anglais à Nice actuellement jugée au sein du même palais de justice.