Evêque assiégé au Nicaragua, signe d’une crise à son paroxysme entre Eglise et pouvoir

Une semaine que l’évêque de Matagalpa, au nord-est du Nicaragua, est confiné à l’intérieur de son évêché, empêché de sortir par la police: la critique du pouvoir par le prélat porte à son paroxysme la crise entre l’Eglise catholique nicaraguayenne et le gouvernement du président Daniel Ortega.

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Harcèlement, saisies policières, emprisonnements, fermetures de radios et télévisions catholiques, expulsion ou exil de religieux émaillent depuis 2018 les relations entre le pouvoir et l’Eglise catholique, quand Daniel Ortega et sa femme vice-présidente Rosario Murillo l’ont accusée d’être complice d’une tentative de coup d’Etat ourdie par Washington.

La colère du couple présidentiel s’est abattue sur le clergé catholique depuis que des manifestants qui exigeaient sa démission avaient trouvé refuge auprès des églises, lors des troubles de 2018 qui ont fait plus de 350 morts, majoritairement parmi les opposants.

Après avoir été garant l’année suivante d’une négociation entre le pouvoir et l’opposition, le nonce apostolique (ambassadeur du Vatican) Mgr Waldemar Sommertag a été expulsé en mars.

« L’Eglise catholique est (l’institution) la plus crédible, qui jouit de la confiance de la population. Le siège de l’évêque (Rolando) Alvarez est un épisode de plus dans le bras de fer (avec l’Eglise) et la répression qu’imposent (Daniel) Ortega et (Rosario) Murillo pour qu’elle se plie à ses demandes », estime auprès de l’AFP la sociologue Elvira Cuadra.

« Grâce à Dieu, nous sommes en bonne santé », a déclaré jeudi Mgr Rolando Alvarez, l’évêque de Matagalpa, assiégé depuis une semaine dans son évêché par la police avec 10 laïcs et religieux. Le silence total observé depuis cinq jours par l’évêque, l’Eglise nicaraguayenne et les autorités nicaraguayennes, était source d’inquiétude concernant la situation du prélat et de son entourage.

Les autorités nicaraguayennes accusent Mgr Alvarez de vouloir « organiser des groupes violents » et d’inciter « à des actes de haine (…) afin de déstabiliser l’Etat du Nicaragua ». La police a ouvert une enquête sur ces « faits délictueux ».

« Sa soutane ne lui confère pas l’impunité », a averti le député Wilfredo Navarro, du parti sandiniste de Daniel Ortega.

« Nos genoux se plient uniquement devant Dieu, nos fronts ne s’inclinent que devant Dieu », a insisté jeudi le prélat, l’un des plus critiques du gouvernement.

Mgr Alvarez, 55 ans, qui qualifie sa situation de « détention à domicile », a remercié pour les « milliers » de messages de solidarité reçus tant de la part de fidèles que d’évêques d’Amérique latine.

Le gouvernement a mis la pression sur l’évêque de Matagalpa depuis sa dénonciation de la fermeture par les autorités de cinq radios catholiques de son diocèse. Il a exigé le « respect » de la liberté de culte et l’arrêt du « harcèlement » imposé à l’Eglise catholique.

– Silence du pape –

La Conférence épiscopale du Nicaragua et de nombreux évêques de toute l’Amérique latine ont manifesté leur solidarité avec leur pair, reclus dans son évêché, la police l’empêchant de sortir, même pour ordonner une messe dans la cathédrale voisine.

En revanche, le pape François est resté silencieux, en dépit des appels de fidèles et de religieux pour qu’il prenne la parole.

Le prélat, dont l’autorité s’étend également au diocèse voisin d’Esteli, s’était mis en grève de la faim en mai dans une église de Managua pour dénoncer le harcèlement policier dont il se disait victime.

Mgr Alvarez s’était déjà opposé spectaculairement au pouvoir en 2015 en prenant la tête d’une grande manifestation contre un projet minier, qui a été ensuite abandonné.

En 2018, l’évêque de Matagalpa avait organisé une procession du Saint-Sacrement pour demander que cesse la répression contre les manifestants.

En juillet, les religieuses de la congrégation des Missionnaires de la Charité, fondée par la Mère Teresa de Calcutta, ont dû quitter le Nicaragua: les autorités ont décrété que leurs activités étaient illégales. La quinzaine de religieuses ont été expulsées comme des « délinquantes », a dénoncé le Centre nicaraguayen de défense des droits de l’homme (Cenidh).

Pourtant, Daniel Ortega, lorsqu’il était revenu au pouvoir en 2007, avait présenté ses excuses à l’Eglise catholique pour les relations tendues qu’il avait eu avec elle durant son premier gouvernement, de 1979 à 1990.

Daniel Ortega, un ex-guérillero sandiniste âgé de 76 ans, a été réélu en novembre 2021 pour un quatrième mandat présidentiel consécutif lors d’un scrutin d’où étaient absents tous ses adversaires potentiels de poids, ceux-ci ayant été arrêtés ou contraints à l’exil.

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