Nouvelle escalade entre la France et la Grande-Bretagne dans la crise des migrants

La guerre des mots a repris de plus belle vendredi entre Paris et Londres après l’annulation par Gérald Darmanin de la participation britannique à une réunion de crise sur les migrants prévue dimanche, en riposte aux propos de Boris Johnson demandant à la France de reprendre les immigrés arrivant en Grande-Bretagne.

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Dans un message à son homologue d’Outre-Manche Priti Patel dont l’AFP a pris connaissance, le ministre de l’Intérieur s’est dit « déçu » des exigences exprimées par le Premier ministre britannique dans une lettre à Emmanuel Macron et a jugé « encore pire » qu’il les publie.

« En conséquence je dois annuler notre rencontre dimanche à Calais, je suis sûr que vous comprenez pourquoi », a conclu M. Darmanin.

En visite à Rome, Emmanuel Macron a lui aussi tancé le Premier ministre britannique pour ses méthodes « pas sérieuses ».

« On ne communique pas d’un dirigeant à l’autre sur ces questions-là par tweets et par lettres qu’on rend publiques. Nous ne sommes pas des lanceurs d’alerte », a-t-il déclaré devant la presse.

La mort mercredi au large de Calais d’au moins 27 migrants qui tentaient de gagner les côtes anglaises dans le naufrage de leur embarcation a relancé les tensions entre Paris et Londres.

Ce drame est le plus meurtrier depuis la hausse en 2018 des traversées de la Manche par les migrants, pour contourner le verrouillage renforcé du port français de Calais et du tunnel ferroviaire.

Si la France et le Royaume-Uni semblaient jusqu’ici vouloir taire leurs désaccords et améliorer leur coordination, Boris Johnson a demandé jeudi soir à Emmanuel Macron de reprendre tous les migrants arrivant en Angleterre depuis la France.

– « Dans leur intérêt » –

« Je propose que nous mettions en place un accord bilatéral de réadmission pour permettre le retour de tous les migrants illégaux qui traversent la Manche », a indiqué le dirigeant britannique dans une lettre publiée sur Twitter, évoquant des accords similaires conclus par l’UE avec le Bélarus ou la Russie.

Cette lettre est « indigente sur le fond et déplacée sur la forme », a jugé vendredi le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, sur la chaîne BFMTV. Elle « propose cet accord de +relocalisation+, ce n’est évidemment pas ce dont on a besoin pour régler ce problème », a-t-il tranché.

Malgré ces propos très fermes, Londres a demandé à Paris de rétablir l’invitation à Mme Patel à la réunion prévue dimanche à Calais avec les ministres chargés de l’immigration belge, allemand, néerlandais et la Commission européenne.

« Aucune nation ne peut s’attaquer à (ce problème) seule. J’espère que les Français vont reconsidérer (leur décision). C’est dans notre intérêt. C’est dans leur intérêt », a déclaré le ministre des Transports, Grant Shapps, sur la BBC.

La réunion est « maintenue » mais « sans les Britanniques », a toutefois confirmé le ministère de l’Intérieur à l’AFP.

« Le gouvernement britannique choisit de faire de la politique intérieure à un moment où notre seule priorité devrait être d’éviter de nouveaux drames dans la Manche. Nous le regrettons », a regretté l’entourage du ministre.

– « Doubles discours » –

« Il y en a marre des doubles discours et de l’externalisation permanente des problèmes » par Londres, a renchéri Gabriel Attal. « C’est à se demander maintenant si Boris Johnson ne regrette pas d’avoir quitté l’Europe, parce que dès qu’il a un problème il considère que c’est à l’Europe de le gérer ! »

M. Attal ne s’est pas prononcé sur la question des accords du Touquet, qui fixent depuis 2004 la frontière britannique sur la côte française, en échange d’une compensation financière.

« On peut se poser toutes les questions sur les accords, vous ne pourrez jamais changer ni la géographie, ni les équilibres géopolitiques ni le désir de migrants qui ont envie de se rendre en Grande-Bretagne », a déclaré le porte-parole du gouvernement.

La question des traversées, qui attise régulièrement les tensions bilatérales, est délicate pour le gouvernement conservateur britannique, qui a fait de la lutte contre l’immigration son cheval de bataille dans la foulée du Brexit.

Au 20 novembre, 31.500 migrants avaient quitté les côtes depuis le début de l’année et 7.800 avaient été sauvés. Avant le naufrage de mercredi, le bilan humain depuis janvier s’élevait à trois morts et quatre disparus.

Ces tensions liées aux flux migratoires interviennent sur fond de durcissement général des relations entre la France et le Royaume-Uni depuis le Brexit.

Les deux capitales se disputent notamment autour des droits de pêche dans les eaux britanniques, et Paris reproche à Londres d’avoir négocié en secret avec les Etats-Unis et l’Australie un accord de partenariat stratégique qui a précipité l’annulation d’un méga-contrat de vente de sous-marins français à Canberra.

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