ANANDA DEVI: Une romancière et des hommes

Ananda Devi fait le point sur son existence dans Les Hommes qui me parlent, un roman paru chez Gallimard. Ce récit autobiographique est une méditation sur l’existence, et évoque des souvenirs d’enfance, des débuts en écriture et l’emprise des hommes dont l’amour est parfois une tyrannie.
Précédemment dans Le Sari vert, la romancière se mettait dans la peau d’un vieux médecin grabataire qui attendait la mort en ruminant tout le mal qu’il pensait des trois femmes de sa vie. Le roman était composé sous la forme d’un monologue intérieur. Ananda Devi pratique à présent l’introspection dans un récit décliné comme des confessions nées à la suite d’un reproche de son fils cadet, qui l’accuse de se cacher derrière l’écriture pour justifier son existence?.
Corde raide.
Ananda Devi s’arme de courage et décide de devenir son propre objet d’étude et sujet d’analyse. Elle écrit ceci?: “Je me méfie du mot autofiction mais toute écriture n’est peut-être que cela… Même en faisant la folle tentative de la révélation, l’on se transforme en fiction.?” Elle chemine sur cette corde raide pendant plus de deux cents pages, à coups de brefs chapitres qui progressent à tâtons dans les brumes du passé. La romancière revient aussi sur sa timidité légendaire héritée du père, et sur une impression de non-existence ressentie très jeune.
Elle se confesse sans complaisance et ose évoquer les hommes de sa vie. C’est en cours d’écriture qu’elle s’aperçoit qu’elle doit s’en affranchir. Elle éprouve alors le besoin urgent d’ôter un à un les masques de la féminité dont elle a bien voulu s’affubler afin de ne plus s’exposer à la tyrannie des mâles?. Ce récit sur soi épouse les méandres de l’existence de celle qui se fouille avec méthode. Ananda Devi écrit?: “À travers le langage, sa tranquillité, je me construis.?”
Miroir.
Elle met sans fin en doute son statut d’écrivain, avoue ses passages à vide de l’imaginaire?et jongle avec l’utilisation des pronoms personnels, allant du je au elle ou au tu, qu’elle s’adresse à elle-même, comme si elle se regardait dans le miroir. Une confession arrachée à la souffrance témoignant du combat d’une femme vouée à écrire. Ce récit autobiographique est ainsi une longue méditation sur l’existence, l’écriture, l’amour et la maternité, l’éducation, la solitude. Ananda Devi y évoque des souvenirs d’enfance, ses rapports avec des proches tour à tour humbles et contemplatifs ou exigeants et intransigeants.
L’auteur pointe les contradictions entre ce qu’elle fait revendiquer à ses personnages et son propre comportement. On rencontre par le biais de ce dévoilement la personne derrière l’écrivain. Toujours est-il que le lecteur ne pourra pas faire le grief d’aucune indécence à l’auteur ni d’aucun voyeurisme. Il trouvera cependant des indications sur certains personnages, à l’instar de Mallacre, dans son premier roman, Rue la Poudrière. Et des références à de nombreux auteurs. Ananda Devi convoque ainsi Virginia Woolf, Céline, Flaubert, Toni Morrison, Voltaire, Albert Cohen, Rabindranath Tagore, et bien d’autres. Des hommes et des femmes qui parlent à l’auteur.

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