ARTISANAT : Les doigts de fée d’Yvette Bamboche

Cela fait quarante-cinq ans qu’elle s’est lancée dans l’artisanat. Après s’être essayée à la fabrication de divers produits (sacs à main, bibelots en coquillage, boîtes à bijoux…), elle se consacre aujourd’hui exclusivement à la tapisserie. Elle dispose déjà d’une grande collection. Pour Yvette Bamboche, 77 ans, il s’agit d’un art qu’elle pratique avec énormément d’amour et qui demande beaucoup de patience.
À ses débuts dans l’artisanat vers la fin des années 60, la pelote de raphia coûtait Rs 2. Aujourd’hui, il lui faut pas moins de Rs 600 pour s’acheter ce même produit de base, qu’elle utilise pour réaliser ses fameux sacs en raphia habilement tressés et décorés avec des thèmes précis. La carte de Maurice avec le quadricolore placé au centre, la danseuse de séga, le ravannier ou encore le laboureur des champs sont autant d’images qu’Yvette Bamboche utilise pour illustrer notre île sur ses créations. Sacs à main, pantoufles, tableaux, bibelots, boîtes à bijoux, cendriers et tapisseries composent la large palette d’oeuvres qu’elle confectionne à la main.
Yvette a autrefois fait partie de la Handicraft Association. Aujourd’hui, c’est à la maison qu’elle s’adonne à sa passion. Dans un petit coin du salon sont installées une petite table et une chaise pour qu’exerce l’artiste. Tout le matériel – lots de fils, pelotes de raphia, aiguilles, cadres en bois… – dont elle dispose est exposé sur la table. Yvette est la seule à se retrouver dans ce vrai capharnaüm.
Bonne vue.
À 77 ans, cette petite dame ne porte pas de lunettes. Ce qui ne l’empêche pas de pratiquer son art, qui se révèle à la fois délicat, méticuleux et soigné. “J’ai une très bonne vue. Je n’ai jamais eu besoin de porter des lunettes. Sans même avoir à regarder, je sais où sont placées les choses.”
Dans un autre coin du salon sont rangées des pièces qu’elle a réalisées à ses débuts et qu’elle nous dévoile fièrement. Nous y trouvons principalement des tapisseries de tous genres, de toutes dimensions et de toutes les couleurs. “Je me consacre uniquement à cela aujourd’hui. J’ai mis de côté le bricolage. Ce que vous avez devant vous n’est qu’une partie de ma collection. Si je vais chercher le reste de mes travaux, que j’ai rangés dans une autre pièce, il n’y aura plus de place dans le salon”, confie Yvette Bamboche.
Petits détails.
Ce qui frappe aux yeux dans chacune des oeuvres d’Yvette, ce sont les petits détails, qu’elle respecte à la lettre. Pour les différents portraits, dieu chinois ou celui des Indiens, de la Vierge Marie, de Jésus Christ, de Mona Lisa, par exemple, Yvette a su parfaitement marier les différents tons de couleurs et a également reproduit les traits avec une précision remarquable. “La tapisserie est un art qui demande beaucoup de patience et de créativité. Quand on est passionné par quelque chose, on finit par le faire bien, même si cela vous prend énormément de temps.” Yvette confie que deux à trois mois supplémentaires lui seront nécessaires pour finir la tapisserie composée de paons et de fleurs sur laquelle elle travaille depuis trois semaines.
Imagination.
Cela fait quarante-cinq ans qu’elle s’est lancée dans le monde de l’artisanat. Yvette avoue qu’elle n’a jamais appris à en faire. Elle a tout simplement laissé libre cours à son imagination, en assemblant des objets qu’elle avait sous la main. Outre le raphia naturel et le raphia synthétique, Yvette a aussi travaillé avec la feuille de banane, la feuille de coco, le rotin, la laine et des coquillages.
Pour les diverses feuilles, elle se rend elle-même dans les champs pour les cueillir, puis les met à sécher. “Après mon mariage, je suis allée vivre à Trou d’Eau Douce. Avec quelques autres femmes du village, j’allais ramasser les coquillages sur la plage pour en faire des bibelots. À cette époque, mon époux était le seul à travailler. Il était infirmier et touchait un salaire de Rs 216. Ce n’était pas suffisant pour la famille. Il me fallait ramener des sous.”
Retraite.
Que ce soit dans les hôtels ou à l’aéroport, où ses produits étaient exposés, Yvette s’est vite fait une clientèle. Au fur et mesure, son travail augmentait, ainsi que les commandes. Parfois, raconte Yvette, elle ne dormait pas de la nuit pour être en mesure de livrer ses commandes à temps.
Grâce à son travail d’artisanat, Yvette est fière d’avoir pu aider son époux à grandir ses trois enfants et de leur avoir offert une bonne éducation. Depuis qu’elle s’est retirée du business et n’opère que par passion, Yvette dit accorder de moins en moins de temps à la tapisserie et à la création d’autres oeuvres artisanales. À moins que ce soit pour un proche ou pour un cadeau qu’elle souhaite offrir à une connaissance. “Ce qui est sûr, c’est que les gens ne savent pas apprécier le travail artisanal. Ils ne le considèrent pas à sa juste valeur. C’est regrettable de constater que la tapisserie disparaît petit à petit.”

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