CPE: L’angoisse des parents et des enfants

26,012. C’est le nombre d’enfants prenant part aux examens de Standard VI pour obtenir le Certificate of Primary Education (CPE). Pour certains, ce sera le passeport assuré vers un avenir prometteur. D’autres auront droit à un centre pré-vocationnel. Ou pire, la rue. D’où la pression exercée par nombre de parents afin que leurs enfants puissent passer ce cap convenablement et obtenir un “bon collège”. Tous vivront ensuite l’angoisse de l’attente des résultats, prévus pour décembre. Alors que la réforme longtemps annoncée prend du temps à se concrétiser…
“Mo enn tipe strese. Tia bon ki li pase.”C’est le souci majeur de Yeadallee, mère de Shagufta. Comme elle le fait tous les jours, elle est venue déposer son enfant devant le portail de son établissement scolaire (Aimé Césaire Government School) à Camp Levieux. Son visage crispé en dit long sur son état d’esprit : sa fille prend part cette semaine aux examens du CPE. Elle affirme cependant que son enfant ne subit aucune pression, même si elle est privée de télévision à certaines heures. Shagufta a le soutien de toute sa famille, en particulier celui de sa soeur aînée, qui est en Form V.
Le sourire de Rose, la grand-mère d’Anoushka, dissimule quelque peu son angoisse, même si elle se dit confiante de voir sa petite-fille réussir. “Elle est la première de sa classe”,annonce-t-elle fièrement, ajoutant qu’Anoushka s’applique beaucoup dans ses études et préfère la lecture aux jeux. Son but est de réussir par tous les moyens, même si l’établissement qu’elle fréquente fait partie des écoles de la Zone d’éducation prioritaire (ZEP).
Plan stratégique.
Jean-Nick est venu déposer sa fille. Murel fréquente l’école Notre-Dame des Victoires, Rose-Hill. Plus serein, il déclare que même si elle n’est pas parmi les meilleures de sa classe, sa fille est capable d’obtenir de bons résultats. Depuis trois ans déjà, la famille vit selon un calendrier imposé par ces examens de sixième. En donnant à son enfant tous les moyens possibles pour réussir, Jean-Nick espère ainsi perpétuer une tradition familiale afin qu’elle puisse obtenir une éducation d’un bon niveau. Son épouse est toutefois un peu plus tendue car, comme pour beaucoup de mères, il est difficile de ne pas ressentir une certaine angoisse au cours de cette période d’examens.
Mais le couple ne bouscule pas pour autant leur enfant, qui a la possibilité de travailler à son aise. “Murel est cool en ce moment. La seule chose qu’on exige d’elle, c’est qu’elle respecte les horaires pour se lever et pour aller dormir”, confie Jean-Nick. Tous les jours, les parents accompagnent leur fille, supervisant son travail et lui montrant les erreurs, là où elle en commet.
Si certains semblent détendus, Devi, une autre maman concernée par ces examens, considère que l’étape menant au CPE est stressante pour les parents comme pour les enfants. La faute à une réforme souvent annoncée mais qui tarde à se matérialiser. Présentée dans le plan stratégique pour 2008-2020, elle est repoussée année après année, sans réelle explication.
Peser lourd.
Ce retard a fait l’objet de commentaires de l’Ombudsperson for Children dans son rapport annuel pour 2010. Shirin Aumeerudy-Cziffra écrit : “It is very unfortunate that none of these reforms have been fully implemented. There are many reasons for this. First, there has been resistance from different stakeholders. Second, no specific evaluation has been made to assess the impact of these changes on the Mauritian society. Third, every change of government brings a change in strategy and the period of five years has been too short a period to see the fruit of any one strategy.”
Il est regrettable de noter que l’intérêt des enfants est relégué au second plan. Ceux qui se sont succédé au ministère de l’Éducation ont voulu marquer de leurs empreintes leurs passages, en faisant de grandes déclarations. Mais jusqu’à présent, rien de tangible pour en finir avec un système qui exclut, comme le déclarait Cassam Uteem, ancien président de la République, dans notre édition de la semaine dernière.
Après les présents examens, bon nombre d’enfants ne vont pas obtenir de collèges, et ce sont ceux qui vivent dans des conditions précaires qui seront les plus pénalisés. Mais qui s’en soucie réellement, puisque cela fait des années que cela dure ?
Ce n’est pas l’abolition du ranking qui a résolu le problème. Avec la régionalisation, introduite il y a quelques années, la compétition se joue maintenant entre voisins afin d’obtenir le meilleur collège de la localité ou de la zone établie par le ministère. Une situation que vit pleinement Devi, à travers sa fille qui fréquente l’école Aryan Vedic de Vacoas. Il faut se battre pour “un demi-point”, qui va peser lourd dans la balance lors de l’exercice d’attribution des collèges.
Se rattraper.
Devi souhaite ardemment que son fils de huit ans n’aie pas à subir lui aussi cette épreuve lorsqu’il sera en fin de cycle primaire. “Je voudrais que d’ici là, on n’impose pas autant de pression sur les frêles épaules des enfants de dix ou onze ans.”
Preeti, la fille de Devi, bénéficie du soutien de toute la famille depuis qu’elle est en quatrième. Aucune pression supplémentaire n’est exercée sur elle. La jeune fille prend toutefois des leçons particulières à raison de deux fois la semaine. “Je ne vois pas l’intérêt de lui faire prendre des leçons pendant le week-end.” Pour mieux la soutenir et être à ses côtés, Devi a pris quelques jours de congé pour l’accompagner tous les jours pendant la période des examens. “Je veux surtout la rassurer et lui affirmer qu’il ne faut pas avoir peur.”
Jean-Nick et Devi affirment qu’ils sont déjà fiers de leurs enfants. Comme le dit si bien Devi, “si elle échoue maintenant, elle aura d’autres occasions de se rattraper”. Le papa de Murel estime toutefois que “réforme ou pas, c’est aux parents de savoir bien encadrer leurs enfants, car dans tout changement, il y un point positif et un point négatif.”

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