INTERVIEW: Se battre pour qu’il y ait enfin une vraie culture mauricienne, a déclaré Éric Triton

Avec la sortie de l’album Project One le 3 mars, Éric Triton est actuellement placé sous les feux des projecteurs. Une occasion pour Scope de s’intéresser une fois de plus au chanteur et de lui faire parler de son groupe Tritonik et de son nouveau projet, mais aussi de le faire retourner brièvement sur son parcours.
Qu’est-ce que Project One ?
Comme l’indique son nom, il s’agit d’un premier album, celui de Tritonik, que les Mauriciens ont découvert il y a environ un an. Tout en restant fidèle au registre d’Éric Triton, l’opus, composé de dix titres, a pour objectif de continuer à véhiculer des messages percutants pour sensibiliser la population. Notamment sur le fléau de l’alcoolisme qui perdure, ou encore les problèmes liés à la drogue, qui nous empêchent de trouver un certain confort dans le pays.
Ce projet est aussi le résultat d’une unité artistique. Il démontre que nous pouvons faire aboutir des choses positives lorsque nous acceptons d’assembler les différentes cultures qui existent à Maurice. Pour réaliser Project One, nous n’avons pas eu à créer des choses. Nous nous sommes tout simplement entourés d’éléments que nous avions à portée de main. Par contre, nous avons osé franchir des barrières.
Est-ce cela, le but de Tritonik ?
Dès le départ, le groupe s’est fixé comme objectif de se battre pour qu’il y ait enfin une vraie culture mauricienne, où nous pourrons enfin contempler un beau mélange des quatre couleurs de notre drapeau. Nous allumons une bougie dans l’espoir que cela se produise réellement un jour. Mais je dois admettre que Tritonik est en lui même un combat.
Parlez-nous du groupe et de l’idée de vous entourer de ces musiciens…
À un moment de ma carrière, je me suis rendu compte que ce qui plaisait aux gens c’était de me voir jouer en solo. En fait, ils apprécient davantage les shows où je me présente seul sur scène comme chanteur-guitariste, et où l’échange émotionnel se déroule uniquement entre eux et moi. Pendant longtemps, je me suis donc livré à des live en solo, jusqu’au jour où j’ai rencontré ce petit groupe de musiciens. Ce qui m’a plu chez ces jeunes éléments, c’était de pouvoir les avoir sur scène avec moi, tout en continuant à partager cette émotion que je recherche et qui plaît à mon public. Avec l’intégration récente de Jérôme Dansant, au triangle, dans le groupe, l’intensité de la musique est la même.
La base de Tritonik est idéale pour ce qu’on veut proposer et réaliser à l’avenir. Notamment un immense spectacle avec chant et danse à la fin de l’année, où nous serons entourés d’une dizaine d’artistes. M’entourer de ces quatre musiciens fait partie du désir de l’art, je n’ai rien choisi. J’admets toutefois que ces artistes me collent à la peau. Comme moi, ils veulent faire bouger les choses pour une île Maurice meilleure.
Cela fait 28 ans que vous faites véhiculer vos messages avec la même conviction. Pensez-vous que vos textes ont, d’une manière ou d’une autre, influencé ou touché ceux qui l’écoutent ?
Malheureusement, ceux qui devraient avoir accès à ce genre de messages passent la majeur de leur temps derrière un bureau, entourés de quatre murs. L’après-midi, ils se rendent à des rendez-vous d’affaires chez des petits copains qui, eux non plus, ne prendront pas la peine d’écouter les paroles de Linité par exemple. Ceux que je vise ne s’intéresseront même pas à la lecture de cet article. Ce qui fait qu’ils sont coupés de la réalité et préfèrent vivre dans un monde qu’ils s’inventent.
Cela ne vous décourage-t-il pas ?
Au contraire, je ne baisse pas les bras car je sais que je parviens malgré tout à toucher un certain public. Si lors d’un concert qui accueille mille personnes, par exemple, cent sont attentifs à mes messages, c’est un pari de gagner pour moi. Car je suis convaincu qu’à leur tour, ils iront les partager à dix autres personnes. Ce seront mille paires d’oreilles de gagnées encore une fois.
Lors de vos récentes sorties sur scène, nous avons constaté votre insistance à vouloir faire véhiculer les même messages. Ne pensez-vous pas que vos fans ont aujourd’hui soif de nouvelles compositions ?
Pourquoi composer de nouvelles chansons pour sensibiliser les gens sur d’autres sujets, alors que les messages que je tente de véhiculer ne semblent toujours pas avoir été compris ? Cela fait 31 ans que je chante Linité. Ce n’est pourtant pas gagné jusqu’à présent. Au risque de décevoir certains, je ne proposerai pas de nouvelles compositions pour le plaisir de le faire. J’espère toutefois que cela ne découragera mes fans.
Bien que sur ce plan, il semblerait que ce soit un échec pour vous, sentez-vous avoir tout de même contribué à faire évoluer la musique mauricienne ?
Faire évoluer la musique locale, à proprement parler, je ne pourrai le confirmer. Car à mes yeux, l’évolution de la musique consiste à pouvoir la rendre plus simple et agréable. La simplicité, c’est ce qui prime pour ma part. Sans me montrer trop prétentieux, je peux dire que j’ai apporté une certaine émotion à la musique mauricienne. Un feeling qui m’a par la suite permis de l’exporter.
Vous qui évoluez dans le milieu depuis de nombreuses années, comment voyez-vous l’avenir de la musique à Maurice ?
Le terrain est toujours vierge. Si nous parvenons à éliminer les complexes d’infériorité face aux artistes étrangers, et que nous avons le soutien total des radios locales, qui acceptent une fois pour toutes de donner la chance à tout le monde, les choses pourront changer dans quelques années. Néanmoins, la situation actuelle ne me permet pas d’y croire.
———————————————————————————————————————————
Série de concerts
Composée d’Éric Triton (chant et guitare), de Norbert Planel (percussions), Shakti Shane Ramchurn (tabla) et Jérôme Dansant (triangle), l’équipe de Tritonik propose une série de concerts pour marquer le lancement de Project One. Le premier rendez-vous est donné au Sapin à Camp Levieux, le 3 mars à 21 h. La tournée se poursuivra le 11 mars sur l’esplanade du Mahebourg Waterfront, le 12 mars au Champ de Mars à Port-Louis, le 31 mars à l’Institut français de Maurice à Rose-Hill, et le 9 juin au MGI à Moka.
Du 17 au 20 mai, la bande à Triton sera à Rodrigues, puis elle mettra le cap sur La Réunion du 25 mai au 4 juin.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -