MÉTIER: Horloger, maîtres du temps

Ils ont la patience et les qualités requises pour réparer montres, pendules, réveils, horloges. Et ne se lassent pas de le faire. Lui, depuis une trentaine d’années et elle, depuis cinq ans à plein temps. C’est avec la même passion qu’Ashok Hauradhun et Noorina Mohamoodally parlent de leur métier d’horloger.
Pour ceux qui travaillent dans le centre de Port-Louis, Ashok Hauradhun est une figure connue. Avec sa mallette posée à ses côtés, difficile de le rater à la rue Édith-Cavell, devant les arcades Fon Sing. Tantôt s’affairant à réparer une montre ou un réveil, tantôt guettant le passage d’un client, il essaie de gagner sa vie à travers le seul métier qu’il a appris dès l’adolescence. Les habitués des environs ne manquent pas de le saluer à leur passage. Lui, jovial, répond toujours avec un sourire.
C’est aussi avec le sourire que Noorina Mohamoodally reçoit les clients à l’horlogerie Nourdine à St-Pierre. Un sourire qui ne quitte pas son visage, même lorsqu’elle travaille. D’abord surprise que l’on vienne à sa rencontre, elle n’a pas tardé à se plier au jeu des questions-réponses pour parler, avec un plaisir évident, de son métier. Car ce n’est pas demain la veille qu’on cessera d’avoir une montre au poignet, et un réveil ou une pendule à la maison. Pour Noorina, exercer cette profession, c’est emboîter le pas de son père et remplacer, dans une certaine mesure, le fils qu’il n’a pas eu. Elle est très fière d’être une des rares femmes à pratiquer ce métier à Maurice.
Mécanique
C’est par la force des choses qu’Ashok Hauradhun est devenu horloger. “L’école étant payante, mes parents n’avaient pas les moyens de m’y envoyer.” C’est un membre de la famille, lui-même horloger, qui l’a inspiré. Petit à petit, il a commencé à aimer le métier. “J’aime la mécanique et j’adore démonter et remonter les pièces. J’ai eu la chance d’avoir eu Raymond Labonté pour m’enseigner les rudiments du métier.”
Noorina Mohamoodally a été inspirée par son père, qui compte une quarantaine d’années d’expérience dans l’horlogerie. “Pendant les vacances scolaires, je venais donner un coup de main dans son atelier pour nettoyer les montres qu’il avait eues à réparer. Comme je n’ai pas de frère, j’ai choisi de l’aider après mes études. J’ai aussi suivi des cours de bijouterie. Cela me permet d’avoir les aptitudes requises pour fabriquer certaines pièces”, dit la jeune fille d’un air enjoué.
Expérience
Être horloger n’est pas un métier facile, car il faut parfois chercher ou fabriquer des pièces. Mais Ashok ne se voit pas faire autre chose. “Se mo metie, bizin fer li.” Pour sa part, Noorina se réjouit que cela ne soit pas un travail routinier et qu’il y ait constamment de nouvelles choses à apprendre. Leur travail ne se limite pas à simplement ajuster un bracelet ou changer les piles (qui comptent parmi les choses les plus courantes du métier), mais aussi à nettoyer ou entretenir la montre, ou remplacer une pièce usée.
S’il est aujourd’hui plus difficile de gagner sa vie en tant qu’horloger, c’est parce que les montres à piles et pas chères ont inondé le marché. Au lieu de faire réparer leurs montres, les gens préfèrent en acheter une autre, soulignent nos interlocuteurs. Noorina constate cependant une tendance à revenir aux montres mécaniques et antiques, à la place des montres électroniques avec des cadrans à cristaux liquides. “Une montre mécanique dure plus longtemps. Il suffit de la remonter pour qu’elle continue de fonctionner. Elle est aussi plus solide et plus facile à réparer”, précise Ashok. Pour Noorina, réparer une montre mécanique représente un défi. “C’est rare et c’est différent. C’est un travail difficile qui demande beaucoup d’expérience.”
Confiance
Être horloger demande beaucoup d’aptitudes et de savoir-faire. Ce métier, qui se fait de plus en plus rare, exige d’avoir une bonne vue, une bonne mémoire et le sens de l’observation, afin d’identifier dès le départ la pièce qui demande à être changée, explique Noorina. À ces qualités, il faut également ajouter de la patience, de l’amour, et faire preuve de beaucoup de délicatesse, renchérit Ashok, qui insiste sur le fait qu’un bon horloger doit savoir inspirer confiance.
Ashok et Noorina constatent que les jeunes ne portent pas un grand intérêt à ce métier, qu’ils jugent trop difficile. “Zot kontan larzan fasil”, estime Ashok. La relève n’est pas vraiment assurée.
Noorina voue une très grande passion au métier d’horloger. Au cours de l’entretien, nous avons vu défiler plusieurs clients, l’un pour changer une pile, l’autre pour changer le remontoir ou le verre… Avec une étonnante dextérité, elle ouvre une montre, en inspecte le mécanisme et livre son diagnostic en un rien de temps. Certaines réparations sont faites en présence du client; pour d’autres, elle demande aux propriétaires de passer récupérer leurs montres le lendemain. Avec toujours le sourire, qui semble être permanent chez la jeune fille.
Terminons avec cette interrogation de Paulo Coelho : “Avez-vous jamais rencontré quelqu’un qui se soit demandé pourquoi les aiguilles d’une horloge tournent dans un sens, et non dans le sens contraire ?”

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